Édition musicale : céder ses droits ou devenir éditeur ?

Dans un article précédent, nous avons vu le rôle central de l’éditeur dans le développement de carrière d’un artiste. Reste à savoir comment travailler avec lui, et quels types de contractualisation sont possibles. Cession, coédition ou autoédition, on vous dit l’essentiel !

 

L’éditeur, vous vous souvenez, c’est le professionnel qui maximise les revenus issus de l’exploitation d’une œuvre, par la vente des partitions et des paroles, par la diffusion publique (médias et concerts), par l’achat ou la diffusion en streaming ou les placements en synchronisation. L’avantage de travailler avec un éditeur, c’est, dans la majorité des cas, de bénéficier des conseils, des contacts. Ainsi que des opportunités offertes par sa connaissance du secteur musical et de ses acteurs. Voyons maintenant les différentes possibilités de collaboration.

 

La cession de droits : le symbole de « l’anti artiste entrepreneur » ?

 

Avec un éditeur, le fonctionnement classique, c’est un contrat qui repose sur la cession de droits. Ce contrat de cession prévoit que vous cédiez 100% des droits de propriété de l’œuvre à l’éditeur, qui en échange garantit la mise à disposition de moyens humains et financiers, pour maximiser son exploitation commerciale. Les revenus générés sont répartis à 50-50. Il peut s’accompagner d’un pacte de préférence, qui réserve à l’éditeur le droit exclusif d’éditer, soit sur une durée définie, soit sur un nombre de projet précis (exemple : sur une période de 5 ans, ou pour 3 albums). Dans ce cas, l’auteur compositeur reçoit généralement une avance.

 

Si vous optez pour cette solution, assurez-vous que les points suivants soient clairement explicités sur le contrat :

 

  • La dénomination précise de l’ensemble des signataires
  • L’étendue des droits cédés
  • Les territoires concernés (un seul pays, plusieurs…)
  • La durée de la cession des droits
  • Les rémunérations dues aux créateurs

 

Ce fonctionnement, qui est encore aujourd’hui la norme, est questionné par les artistes qui souhaitent reprendre la main sur leur carrière. La cession complète de la propriété et de la moitié des droits cristallise les critiques sur l’infantilisation et la dépossession des artistes de leur travail. Qui plus est avec des producteurs phonographiques qui conditionnent la production à la cession des éditions, dans des contrats de type 360 degrés, sans nécessairement avoir le temps et les compétences pour assurer le travail d’éditeur. Si cela est évidemment à nuancer en fonction des cas, cela n’apparaît pas très compatible avec une volonté entrepreneuriale.

 

Mais l’édition, c’est un métier compliqué! Qui nécessite à la fois des compétences artistiques, juridiques et commerciales, ainsi qu’un carnet d’adresses conséquent. L’artiste entrepreneur que vous êtes, nous l’avons vu avec les managers dans un précédent article, a besoin de partenaires ou prestataires pour l’accompagner. Et la partie édition est probablement une des plus complexes à aborder seul. Alors à vous de juger ce que vous êtes prêts à céder ou à assumer vous-même !

 

Les autres modalités de contractualisation

 

Si la cession de droits est le fonctionnement habituel, depuis quelques années, d’autres pratiques ont émergé, pour répondre à la fois aux mutations de l’industrie et à la volonté grandissante de reprise en mains par les artistes eux-mêmes de leur gestion de carrière.

 

D’autres possibilités de contractualisation existent aujourd’hui. Si vous n’avez pas de structure commerciale propre, vous pouvez opter pour l’administration de votre répertoire en coédition allégée. C’est une solution qui peut être intéressante pour tout auteur compositeur qui souhaite conserver son indépendance, surtout en début de carrière. Vous devenez ainsi coéditeur à compte d’auteur et restez ainsi en partie propriétaire de vos œuvres. Les clés de répartition sont variables et peuvent être négociées en fonction de l’investissement respectifs des deux partie (donc pas nécessairement à 50/50, comme cela se fait normalement avec un éditeur). De même, le contrat ne couvrira pas nécessairement toute la durée de vie du droit d’auteur (70 ans après la mort du dernier ayant droit), mais pourra être conclu sur une durée plus courte (5 à 10 ans). Cette solution comporte tout de même des risques. L’implication, notamment financière de l’éditeur peut être minime. De même, l’ensemble des dépenses peut être partagé. Le risque financier est donc à prendre en compte.

Si vous disposez d’une structure commerciale, vous pouvez alors signer un contrat commercial avec une société d’édition qui propose un service de prestation de services éditoriaux. Là, aucune cession de droits, vous accordez juste un mandat de gestion. Revers de la médaille, l’apport du partenaire peut se limiter à une simple prestation de services et donc ne pas inclure de développement. Sachez tout de même qu’il s’agit de cas assez rares. Même si de nombreuses maisons de disques, major comprises, proposent des services de ce type depuis longtemps. Le plus souvent, il s’agit uniquement de gestion administrative : dépôts et suivi des droits. Il vous faudra alors stipuler très clairement dans le contrat le périmètre et la durée du mandat accordé. Vous devrez également renseigner ces informations dans votre espace personnel Sacem. Si cela vous libère de la « paperasse , le travail de développement et de prospection restera à votre charge.

 

Et si vous deveniez éditeur ?

 

C’est la solution qui peut paraître la plus en adéquation avec une volonté entrepreneuriale. Si vous vous auto-produisez, pourquoi ne pas gérer vos éditions vous-mêmes ? Si vous faites ce choix, vous savez désormais ce que cela implique. Une formation, même courte, est une option à considérer sérieusement, afin d’avoir une vue d’ensemble du métier. De nombreux organismes en proposent. On peut citer à titre d’exemple le CNM pour une formation courte (https://www.irma.asso.fr/Formation-Les-droits-d-auteur-et-l-edition-) ou le CIFAP pour une formation longue (https://www.cifap.com/formation/editeur-de-musique). Vous pourrez également vous rapprocher de la SACEM et de la CSDEM pour vous tenir informé. Et même si vous ne devenez pas éditeur, connaître de façon précise le fonctionnement de la gestion collective, savoir lire un relevé SACEM ou un contrat de synchro, sont autant de compétences indispensables pour un artiste entrepreneur. En revanche, notez bien que l’édition étant une activité commerciale, le statut associatif n’est pas possible. Il vous faudra créer une entreprise commerciale.

 

L’avantage, c’est que vous conservez l’intégralité de vos droits patrimoniaux. Et si jamais un éditeur, plus expérimenté et avec un carnet d’adresses plus conséquent vous approche, pour une synchro par exemple, vous pourrez signer un contrat de coédition. En clair, vous êtes un éditeur qui s’associe à un autre éditeur pour exploiter vos œuvres. Le contrat devra stipuler :

  • La clé de répartition
  • L’étendue géographique
  • La durée de la coédition

 

Dans cette solution, vous ne cédez qu’une partie plus petite de vos droits (50% maximum de la part éditeur, et non pas 50% du total). Pour éviter les mauvaises surprises, il est alors très important de définir précisément qui a le rôle d’administrer les œuvres et de réaliser les actes de dépôt et de suivre les relevés.

 

En tant qu’éditeur, vous pourrez également passer un contrat de sous-édition avec un autre éditeur. Par exemple pour exploiter vos œuvres dans d’autres pays, pour lesquels vous ne disposez pas des contacts professionnels nécessaires.

 

Enfin, si vous collaborez avec d’autres auteurs-compositeurs, vous pourrez devenir leur éditeur ou coéditeur. Vous diversifiez ainsi vos sources de revenus, ce qui peut vous permettre de rentabiliser plus facilement vos investissements. Et peut-être vous faire entrevoir une seconde carrière, en parallèle ou après celle d’artiste. Qui sait ?