Featuring : l’union fait la force ?

Faire un featuring est devenu une pratique très courante dans l’industrie musicale. Qui dit partage du micro, dit partage de visibilité, mais aussi des revenus. Alors comment s’y prendre pour une collaboration réussie ? Et que faut-il prendre en compte avant de vous lancer ?

Le featuring ne date pas d’hier. Sans remonter très loin dans l’histoire, souvenez-vous de Freddie Mercury et David Bowie, ou encore d’Aerosmith et Run DMC sur Walk this way ! Il suffit de regarder le Top 50 France des écoutes en streaming pour se rendre compte du succès de ce format : près de la moitié des titres sont des featurings. Dans les musiques urbaines, c’est même un passage quasi obligatoire, et l’on en trouve sur tous les albums. Seuls PNL font figure d’exception, eux qui ont refusé aussi bien Drake que Kanye West ou Benjamin Biolay…

1+1 = beaucoup ?

Le premier intérêt d’un featuring est d’élargir votre public. Encore plus s’il s’agit d’une collaboration avec un artiste n’évoluant pas dans la même esthétique que vous. Vous vous apporterez mutuellement une nouvelle audience. Mais avant tout excès d’enthousiasme, il faut veiller à ce que cette collaboration reste cohérente avec l’image que vous vous êtes efforcé de construire. Certaines associations peuvent être préjudiciables… Autre élément à prendre en compte, surtout si vous êtes en développement : trop d’invité.e.s sur vos propres albums peut dénaturer celui-ci. S’ils prennent trop de place, cela peut décevoir les fans qui viennent à vos concerts et ne retrouveraient pas l’esprit ou l’énergie de l’album une fois « seul.e.s sur scène ».

 

La première question à se poser est celle de la différence potentielle de notoriété entre vous et votre invité.e. Trois cas de figure peuvent se présenter à vous :

  • C’est une star et pas vous. Si elle accepte votre demande, c’est une occasion à saisir ! Si la demande ne vient pas de vous, cela peut signifier que l’artiste en question souhaite se renouveler en allant chercher de nouvelles « têtes ». On se souvient par exemple de Raphaël, qui a vu sa carrière décoller en 2003 après son duo avec Jean-Louis Aubert. Attention à bien peser le pour et le contre. Si la star en question est un peu trop dans le creux de la vague, cela peut vous desservir, ou ne pas servir à grand-chose.
  • Vous êtes de notoriété sensiblement égale. C’est une association gagnant/gagnant. Vous pourrez toucher vos publics respectifs. Par exemple, si vous êtes un DJ orienté electro et que vous collaborez avec un artiste de chanson française, vous pourrez gagner de nouveaux fans qui n’écoutent pas forcément d’électro. Si vous évoluez dans le même style, cela peut renforcer votre visibilité et vous positionner plus fortement dans celui-ci.
  • Votre notoriété est supérieure à celle de votre invité.e. C’est potentiellement plus risqué, mais cela peut avoir plusieurs intérêts : mettre en avant une jeune pousse de votre scène musicale, consolider les liens avec d’autres artistes émergents de cette scène… Et si jamais l’artiste en question explose, vous bénéficierez de l’aura du « découvreur de talents ».

 

Et financièrement, c’est intéressant ?

Qui dit addition des audiences, dit diffusion plus large, donc revenus potentiels augmentés. Il faut tout d’abord s’assurer qu’il s’agit bien d’une véritable collaboration. Entendez par-là que tous les participants soient clairement et explicitement mentionnés, et donc rémunérés. Première chose à éviter : payer pour « acheter » un featuring. Même si certains rappeurs ne se privent pas dans leurs textes de rappeler que leur participation se monnaye à plusieurs zéros, dans la grande majorité des cas, les featurings ne s’achètent pas en France. Contrairement aux États-Unis, où cette pratique est assez courante, notamment dans le rap et le r’n’b. Ce qui amène certains artistes à multiplier les apparitions, sans cohérence artistique ou stratégie de communication clairement définie. À proscrire donc… Ne multipliez pas les apparitions, choisissez les plus pertinentes !

 

Il faut clairement, et contractuellement, définir les règles du jeu, avant l’enregistrement du titre. Celui-ci est-il co-composé, co-écrit, ou bien l’invité.e ne vient qu’assurer un rôle d’interprète ? Il se peut que la collaboration soit conditionnée à un partage des droits d’auteur, même si la composition et l’écriture ne sont pas partagées. À vous de voir ce que vous êtes prêts à céder dans la négociation, mais le meilleur conseil à donner, c’est de rester le plus proche de la réalité. Ensuite, il va falloir établir les pourcentages pour la répartition des royalties (sur les revenus générés par la vente de disques et les streams). Et là, cela va dépendre du rapport de force, qui va déterminer qui sera le producteur phonographique du titre. Pour faire simple, si vous vous en produisez et réussissez à convaincre un artiste plus connu de « fêter » avec vous, il se peut que l’on vous propose une coproduction. Là aussi, à vous de voir… Si coproduction signifie plus de moyens pour la promo derrière, cela peut être intéressant. Pour ce qui est du pourcentage, il dépendra de ce qui est déjà prévu dans le contrat des artistes.

 

Comment on demande ?

Vous vous en doutez, il n’y a pas de règle pour un featuring. Vous devez en discuter avec l’artiste visé, ou à défaut, avec son entourage professionnel. Il faudra veiller à bien expliquer en détail votre démarche. Et vous mettre d’accord sur la répartition du travail, et bien sûr, sur la stratégie de communication. Faites une veille précise sur les artistes avec qui vous souhaiteriez collaborer, et classez-les par niveau de notoriété. Et attendez le bon moment pour prospecter. Une sortie d’album par exemple ! Autre possibilité : participer à des ateliers et sessions d’écriture qui sont organisés par différents organismes, dont le CNM. L’idée est simple : des interprètes et des compositeurs sont regroupés dans un studio sur plusieurs journées, pouvant ainsi amener à des collaborations futures. Renseignez-vous sur les conditions d’accès, et lancez-vous ! C’est également le type de proposition sur lesquelles un éditeur peut vous positionner. Si vous travaillez avec un éditeur, demandez-lui. Il aura sûrement aussi des idées d’artistes avec qui vous pourrez collaborer.