Single, EP ou album ?

A l’heure du streaming et du zapping au titre, est-il toujours pertinent de faire des albums ? Peut-on se contenter de sortir des singles ? Ou alors la voie médiane, un EP ? S’il n’y a pas de bonnes réponses, il y a des questions à vous poser impérativement avant de définir votre stratégie de sorties.

 

Ça y est, vous avez ou allez enregistrer vos compositions. Vous commencez donc à vous poser la question de la stratégie de diffusion. Et vous ne savez pas comment vous y prendre… Pour commencer, voici les trois formats classiques, qui comportent tous leurs avantages et leurs inconvénients : single, EP et album (ou LP).

 

Quelques critères à prendre en compte pour faire votre choix : votre niveau de développement, l’esthétique dans laquelle vous évoluez et ses pratiques, et bien sûr, le budget dont vous disposez. S’il est toujours possible de baisser les coûts, l’enregistrement d’un album satisfaisant les standards professionnels peut difficilement descendre en dessous des 3000 euros pour une dizaine de titres. Sans parler de la promotion, qui coûte souvent plus cher ! Une « légende » dans la production indépendante veut que le montant minimum pour un plan de communication efficace tourne autour de 5 000 euros. A prendre en compte dans votre réflexion. Alors, avant de vous lancer, vous devez envisager toutes les solutions.

 

Sortir des singles : oui, mais…

Déjà, commençons par casser un mythe tenace : le streaming aurait changé les modes de consommation de la musique en privilégiant l’écoute au titre. En réalité, si le numérique a amplifié le phénomène, il n’a rien inventé… Pensez simplement aux Cds 2 titres des années 90, ou plus loin encore, aux 45 tours des années 60. La stratégie de sortie « au titre » n’a pas attendu Internet pour exister, même si aujourd’hui, c’est un moyen rapide de buzzer sur les réseaux sociaux, comme le phénomène de 2020 Wejdene sur Tik Tok.

Dans le rap, avec le format mixtape, et dans les musiques électroniques, dont la diffusion passait principalement par les Djs en soirées, c’est une pratique très ancienne, et toujours usitée. À l’inverse, dans le métal, le single n’est pas un format très utilisé. Aujourd’hui, c’est une solution prisée de nombreux artistes « débutants », qui publient au fil de l’eau leurs nouvelles compos sur Soundcloud ou les réseaux sociaux. Du côté des artistes établis, la sortie de singles reste le meilleur moyen de promouvoir la sortie d’un album.

 

Parlons stratégie. Sortir des singles de façon régulière présente un avantage fort : créer et maintenir l’attention de vos fans, en étant toujours dans l’actualité. Vous gardez votre auditoire en haleine, en l’alimentant régulièrement de nouveautés. En général, comptez sur 4 à 6 semaines entre chaque sortie, le temps de laisser les auditeurs s’approprier votre morceau, tout en suscitant une attente raisonnable. Autre avantage : plus vous sortez de singles, et plus vous aurez de chance de vous retrouver dans les playlists des plateformes de streaming, canal de promotion très recherché. Le Graal, c’est d’être intégré à la « New music friday » de Spotify… Les curateurs, ceux qui font les playlists, ne sélectionnent qu’un titre par sortie, donc tous les titres de votre album se retrouvent potentiellement en compétition entre eux…

 

Si cette option est intéressante au démarrage, et facilement monétisable sur Youtube (voir notre article sur le sujet), elle peut vite montrer ses limites, notamment en laissant le public et en affichant une ambition trop limitée, qui peut décourager les professionnels.

 

Ils l’ont fait : Vampire weekend et ses sorties de deux titres toutes les 3 semaines, de nombreux rappeurs, comme Ninho ou Jul. La plupart des artistes électro, comme Rone, Petit Biscuit, Thylacine, Fakear… Et de plus en plus d’artistes émergents, encore plus les bedroom producers.

 

Sortir un EP : le bon compromis ?

Un EP, surtout pour des projets en démarrage, apparaît comme l’option présentant le meilleur rapport avantages/prix. Moins coûteux qu’un album, il permet, en 3 à 5 titres, de donner un bon aperçu de votre univers artistique. Et permet aux professionnels d’envisager votre potentiel commercial au-delà de la logique « one hit wonder ». C’est une excellente carte de visite pour démarcher. Si vous choisissez cette option, vous aurez aussi plus de temps et de moyens pour travailler en profondeur les morceaux sélectionnés. Il sera aussi plus simple à promouvoir, et à diffuser sur les réseaux sociaux. Et en physique, il sera financièrement plus accessible pour vos fans. C’est d’ailleurs le schéma classique pour un groupe émergent : un EP autoproduit qui génère de l’audience attire l’attention d’un label, qui vous accompagnera pour la sortie d’un album.

 

Ils l’ont fait : French 79, qui a sorti un EP en 2014, permettant de se faire repérer, pour sortir ensuite un album en 2016, Feu ! Chatterton qui a sorti deux EP en 2014 et 2015 avant un premier album en 2015.

 

Sortir un album : toujours pertinent ?

Il peut être frustrant de s’investir sur un long format si seuls quelques titres sont mis en avant, le reste vite oublié. Mais l’album est, encore aujourd’hui, un marqueur important dans l’industrie musicale, tant pour les professionnels que pour le public. Et même pour vous ! C’est un signe d’accomplissement et de cohérence artistique. Il permet de définir en profondeur un univers et de marquer une ou des étapes importantes dans l’histoire de votre projet artistique. On situe encore aujourd’hui les « vrais » débuts d’un artiste à la sortie de son premier album. Ce n’est pas une fin en soi, mais une forme d’aboutissement. Et certains, même établis, n’hésitent plus à en sortir plusieurs par an.

 

Puisque c’est une sortie importante, vous, et votre entourage professionnel, allez maximiser la communication. Un album, c’est aussi un moyen de frapper un grand coup !

En effet, il est plus difficile de toucher les journalistes avec un seul titre. Une chronique se fait généralement sur un album, ou a minima un EP. De plus, un single est aujourd’hui difficilement commercialisable en formats physiques, qui gardent une importance dans certaines esthétiques (métal, punk…) et représentent une source de revenus non négligeable pour les artistes en développement (ventes en ligne et à l’issue des concerts).

 

L’erreur à éviter, c’est de ne sortir que des albums, très espacés dans le temps. À moins de jouer sur le mythe et le mystère, mais tout le monde ne peut pas se permettre de maintenir l’attente pendant 13 ans entre deux albums. N’est pas Tool qui veut…

 

Quelle stratégie adopter ?

Vous l’aurez compris, la bonne réponse se trouve dans la cohérence avec votre projet et le genre musical dans lequel vous évoluez. Mais l’on peut tout de même définir des schémas qui ont fait leurs preuves. Au démarrage de votre projet, commencez par sortir quelques singles, pour « tâter le terrain » auprès du public et vous laisser le temps de composer. Puis, sortez l’année suivante un EP, qui vous permettra de démarcher les professionnels. Puis seulement, travaillez sur un album, quand vous aurez accumulé suffisamment de matière. Et n’hésitez pas à sortir des singles entre chaque nouvel album ou EP, pour ne pas disparaître des radars.

À titre d’exemple, c’est exactement la façon dont la chanteuse Pomme a procédé, avec le succès que l’on sait : 4 singles sortis en 2015, puis un EP en 2016, et 7 singles puis un premier album en 2017. Un EP et un single en 2018, puis 3 singles et un album en 2019. En 2020, elle a sorti 4 singles. Pour un nouvel album en 2021 ? N’oubliez pas : même si vous commencez petit, en publiant au titre, les choses peuvent s’accélérer très vite… Alors attendez d’avoir au moins quelques titres en stock avant de vous lancer !