Un manager ? Pour quoi faire ?

Vous êtes artiste. Ou encore entrepreneur. Vous êtes artiste-entrepreneur. Alors pourquoi prendre un manager ? Ne serait-ce pas contradictoire avec votre démarche de prendre en main vous-même votre carrière ?

 

Tous les entrepreneurs vous le diront, quel que soit leur secteur d’activité : la clé de la réussite, ce n’est pas de tout décider, mais de savoir s’entourer de bons collaborateurs. Et c’est une question cruciale, surtout si vous arrivez à ce stade de développement que l’on appelle généralement la « crise de croissance ».  Pour faire simple, vous avez bien travaillé, et votre projet musical est sur de bons rails. Presse, concerts, partenariats divers, peut-être même de la synchro, les choses commencent à prendre. Et si jusqu’à présent, vous avez réussi à tout mener de front, ça commence à déborder sérieusement… Comme il n’est pas prévu d’allonger la durée d’une journée, pourquoi ne pas envisager les services d’un manager ?

 

C’est le choix fait par des groupes mondialement connus, qui ont « rendu leur contrat » avec des majors, comme Radiohead, qui s’autoproduit depuis 2007, mais a toujours un manager. De ce côté-ci de la Manche, comment ne pas citer Anne Cibron, celle sans qui l’aventure entrepreneuriale de Booba ne serait sûrement pas aussi fructueuse ? Manager historique du Duc de Boulogne (mais aussi d’Orelsan), elle est la cheville ouvrière de la création et de la gestion de ses deux labels (92i, qui a lancé Damso, et 7 Corp), et de Disconnected, sa marque de vêtements. Elle est le bras droit du patron du rap game français. Vous l’aurez compris : derrière un artiste entrepreneur à succès, il y a souvent un manager de talent. Alors pourquoi pas vous?

 

Le rôle du manager

Comme tous les artistes en démarrage, vous avez assumé ce rôle pour vous-mêmes, et vous avez développé votre projet. Vous avez donc acquis des connaissances et construit un réseau qui vous permet d’avoir une vue d’ensemble. C’est un réel avantage pour travailler avec un manager. Vous n’allez pas vous reposer sur lui, vous allez collaborer et ainsi multiplier votre « force de frappe ».

Déjà, il faut être au clair sur le métier d’un manager. En résumé, c’est un intermédiaire entre un artiste et les différents professionnels de l’industrie musicale. Ses missions recouvrent trois grands domaines :

  • Commercial : prospection, négociation, vente…
  • Administratif et juridique : contrats, comptabilité, subventions…
  • Artistique : conseil, stratégie…

 

C’est donc un partenaire multi-casquettes très utile, qui peut être une aide précieuse sur tous les aspects de gestion. C’est une sorte de superintendant, de coordinateur. Un peu comme un secrétaire général pour un PDG. C’est la cheville ouvrière de toute la partie opérationnelle de votre activité. Mais son rôle peut aller bien au-delà !

On pourrait distinguer quatre types de managers, en fonction des relations partenariales que vous développerez avec lui ou elle, et du degré de responsabilité que vous déléguerez :

 

  • Le manager défricheur :

C’est le manager des artistes en développement. Il est de plus en plus rare, car le premier développement est aujourd’hui assumé par les artistes eux-mêmes, surtout s’ils sont, comme vous, artistes entrepreneurs !

 

  • Le manager intendant :

Son rôle sera principalement de mettre en œuvre la stratégie de développement et de gérer le commercial et l’administratif. Il peut également vous conseiller ponctuellement sur l’artistique.

Cette position sera plus facilement occupée par des managers en début de carrière. Des managers expérimentés seront moins intéressés par ce type de démarche, cherchant des projets dans lesquels ils auront plus de poids dans les décisions stratégiques. Il vous faudra donc jauger et définir clairement son rôle, dès le départ, pour éviter les malentendus. Mais si vous avez affaire à quelqu’un « qui a de la bouteille », ne vous privez surtout pas de son expertise et de son expérience !

 

  • Le manager stratège :

C’est un peu le Graal des managers : un professionnel dont l’expérience et/ou la vision lui permettent d’élaborer une stratégie de développement en adéquation avec votre projet et son potentiel. Il saura vous conseiller et vous mettre en relation avec les bonnes personnes à chaque étape. Sa connaissance du marché et de ses acteurs lui permet également de vous orienter et de réajuster, si besoin, l’orientation artistique de votre projet. Il sera le meilleur conseil pour les grands choix dans votre carrière : changement de label, passage à l’autoproduction, choix d’un tourneur, collaborations…

 

  • Le manager nounou :

C’est un peu l’image d’Épinal du manager de rockstar : la nounou qui gronde et qui réconforte. On ne peut que fortement déconseiller ce type de rapport, infantilisant et déresponsabilisant. Mais au-delà du cliché, cela doit vous servir de point d’alerte : avoir un manager ne veut surtout pas dire ne plus s’occuper de rien et se reposer sur lui. Mais en tant qu’entrepreneur, ce n’est pas ce que vous voulez de toute façon !

 

Un conseil, surtout si vous avez la chance de travailler avec un manager expérimenté : soyez à l’écoute ! Même si ça ne fait pas plaisir à entendre, il se pourrait que vous n’ayez pas une vision réaliste de votre projet. Soyez donc au clair sur vos motivations et vos objectifs.

 

Et n’oubliez pas aussi que le rôle de votre manager évoluera aussi en fonction de la direction que prendra votre carrière. Un exemple intéressant et inspirant pourrait être celui du groupe Moriarty avec Sébastien Zamora. Ce dernier a accompagné toute la carrière du groupe, en faisant évoluer son rôle : manager lors du premier album, il prendra par la suite la gérance d’Air Rytmo, le label créé par Moriarty pour s’auto-produire. Et propose désormais aux artistes de sa structure un accompagnement de carrière à 360 degrés.

 

La contractualisation

Autre avantage du manager, c’est la forme de contractualisation liée à cette profession. Ici, pas de cession de droits, et surtout pas d’intermittence, mais un contrat ad hoc, avec une rémunération à la commission, plafonnée à 15% des revenus bruts de l’artiste, donc vous. L’usage se situe autour de 10%. Sont considérés comme revenus bruts, toutes les rentrées d’argent : droits d’auteur, vente d’albums, concerts, synchro, merchandising, droit à l’image… Comme un commercial, plus il génère de l’argent, plus il est rémunéré.

 

C’est un point très important : il faut officialiser votre collaboration par un contrat. Il ne s’agit pas de se « rendre service ». Vous êtes un professionnel, qui sollicite un autre professionnel, exactement comme une entreprise avec un prestataire ou un partenaire. Cette relation doit être définie par un cadre légal.

 

Il n’existe pas de modèle de contrat, et il vaut mieux se méfier de ceux que l’on trouve sur Internet. Pour être sûr de faire les choses dans les règles, vous pouvez demander conseil auprès de MMFF (Music Managers Forum France), le syndicat français des managers du secteur musical (http://mmf-france.com) ou bien auprès d’avocats spécialisés.

 

Comment trouver un manager ?

C’est peut-être l’étape la plus difficile. Deux possibilités s’offrent à vous. Tout d’abord, quelqu’un de votre entourage a des compétences et l’envie de s’y mettre. Dans un premier temps, ce peut être une solution, mais il faut que cette personne ait pour projet professionnel de devenir manager, et ne soit pas là juste pour dépanner ou parce que vous vous entendez bien. Il ne s’agit pas d’un coup de main ou d’un « loisir », mais d’une démarche entre deux professionnels.

 

L’autre solution, la plus sûre, est de trouver quelqu’un dont c’est le métier. Si votre projet est déjà un peu développé, avec une visibilité déjà correcte, ce sera plus facile. Comme le dit l’adage : c’est le manager qui trouve l’artiste, pas l’inverse. Sous-entendu, si vous faites parler de vous, il y a des chances que vous soyez contacté par des managers, ou que vous en rencontriez dans des événements ou des concerts.

 

Si ce n’est pas le cas, vous pouvez démarcher les agences de management. Même si cela a peu de chances d’aboutir, cela aura au moins le mérite de vous faire connaître. Et ainsi vous rappeler à leur bon souvenir en cas de buzz futur autour de votre projet. Citons par exemple Grand Musique Management (Étienne de Crécy, Clara Luciani…) ou Corida (Catherine Ringer, Manu Chao…) ; Vous pourrez les trouver dans l’annuaire du CNM (https://www.irma.asso.fr).

 

Vous pouvez également sonder du côté du syndicat MMFF et des formations au management musical (Cifap, Emic, CNM, école ATLA, formations d’Issoudun…). Un manager qui démarre sa carrière a peut-être moins de réseau, mais joue avec vous son entrée dans le métier. La motivation et l’envie de réussir peut donc être plus forte. Vous pouvez également en discuter avec les artistes qui évoluent dans le même univers que vous, et leur demander des conseils et contacts.

 

Quoi qu’il en soit, avant de contractualiser avec un manager, assurez-vous du minimum :

  • N’hésitez pas à demander des références et des preuves aux managers que vous rencontrez (placements en premières parties d’artistes renommés, synchros décrochées, signatures avec de partenaires, producteurs de spectacles, etc.).
  • Demandez le plus de détails possibles sur leur réseau professionnel (contacts presse, programmateurs…)
  • Prenez le temps de discuter, pour vous assurer qu’il ou elle adhère à votre projet musical et à votre vision du développement de votre carrière.

 

Une fois ces étapes passées, prenez le temps d’élaborer ensemble un plan de développement détaillé à court, moyen et long terme. Plus celui-ci sera précis, et plus la feuille de route sera facile à suivre, et plus vous pourrez évaluer l’effectivité de son travail. Cela vous permettra aussi de faire des points réguliers, et des bilans annuels. Et le cas, échéant, de poursuivre ou d’arrêter votre collaboration. Fuyez les personnes qui seraient trop évasives ou qui aurait pour réponse « on verra plus tard » à toute question de projection dans le temps.

Pour conclure, avoir recours à un manager, ce n’est pas abandonner le contrôle de votre projet musical, c’est au contraire lui faire franchir une étape décisive, tout en restant le maître à bord.  N’oubliez pas : un bon chef d’entreprise, c’est avant tout quelqu’un qui sait s’entourer des bons collaborateurs. Et il se pourrait bien que vous trouviez un compagnon de longue route pour votre aventure entrepreneuriale !