Sampler n’est pas tuer

Dopé par la culture web et du partage de musique, le sample, remix et autres mashups sont devenus des formats musicaux standard.

 

Que ce soit dans le développement logiciel ou la musique, le remix est une tendance majeure du web. On pourrait même dire que c’est la déclinaison musicale d’un procédé constitutif de la pop culture. Le remix est un hybride plus ou moins poussé de différents morceaux. Qui a pour résultat une œuvre à la fois nouvelle mais aussi composée de morceaux de matériels anciens (souvent soumis au droit d’auteur). Certains remix dépassent même les originaux et permettent à leurs auteurs initiaux d’être découverts. Ainsi en remixant en 2006, We Are Your Friends de Simian, Justice a décollé.

 

Le sample (« échantillon ») ou sampling est une technique qui consiste à utiliser une portion d’un morceau de musique existant et à la retravailler pour créer un morceau original. En gros, quand on sample, on fait du neuf avec du vieux. En réinterprétant les innovations d’autres artistes, le hip-hop s’est construit sur la culture du sample. Avec l’exemple le plus emblématique étant le fameux Rapper’s Delight de Sugarhill Gang. Le sampling est aussi la technique qui a entrainé le groove de Barry White, It’s ectasy when you lay down next to me au sommet du hit parade en tant que partie de la chanson Rock DJ de Robbie Williams.

 

Sur scène aussi, cette tendance grandit. Depuis plusieurs années les DJs mixent samples et morceaux, live et albums. Madeon (DJ Daemon) en est un des chefs de file. Loin d’être marginaux, ces usages sont des phénomènes majeurs et incontournables de la musique. Mais avec des conséquences qui vont bien au-delà du web.

 

Des règles à respecter

Le cadre actuel est clair! A partir du moment où vous créez une œuvre dérivée, toute reproduction ou diffusion nécessite l’autorisation des ayants droit. Si vous souhaitez apporter votre touche personnelle, que ce soit dans les arrangements (modification de la composition) ou en l’adaptant (modification du texte), vous touchez là au droit moral de l’auteur, plus particulièrement au “droit au respect de l’oeuvre”, il y a donc quelques règles à respecter.

 

Pour ne pas vivre l’imbroglio juridique qui s’est tramé autour du titre québecois de Stéphane Venne Le Temps est bon, (samplé par Degiheugi, remixé par A bon entendeur), vous êtes obligé d’obtenir l’autorisation des ayants droit. Dans la plupart des cas, cela veut dire contacter l’éditeur qui représente l’auteur et le compositeur. Après lui avoir envoyé une démo de votre reprise, l’éditeur contactera les ayants droit et obtiendra, peut-être, leur autorisation

 

Si votre demande est acceptée, félicitations ! C’est que vous avez fait preuve de patience et que ces deux mois de relances quotidiennes ont payé ! Vous pouvez maintenant enregistrer votre remix et l’exploiter après avoir bien pris le soin de déclarer cette nouvelle version à la SACEM, payé les DRM lorsque nécessaire, etc.

 

Lorsqu’on utilise un sample, on touche aux droits des auteurs-compositeurs-éditeurs ainsi qu’aux droits du producteur du morceau utilisé.

C’est donc le cas le plus compliqué dans cette série des “emprunts” à des oeuvres préexistantes.
Par exemple: si au milieu de votre chanson vous insérez le fameux sample « That’s the sound of da police », non seulement vous utilisez la composition et le texte d’un ayant-droit (il faudra donc son autorisation pour toute utilisation comme dans le cas de la reprise) mais en plus vous utilisez l’enregistrement original, le master.

Les autorisations

Pour utiliser un extrait de ce master, il vous faudra l’autorisation du producteur qui en détient les droits.

Cette autorisation peut être “à titre gracieux” ou très onéreuse : le producteur peut vous demander des royalties, les auteurs-compositeurs du sample peuvent également vous demander une part d’édition sur le titre.

 

En bref, l’utilisation d’un sample nécessite l’autorisation de nombreux ayants droit. Autant dire qu’il faudra vous y prendre en avance si vous comptez réunir tout cela! Bien entendu le niveau de difficulté d’obtention des accords est lié au potentiel et à la valeur de l’oeuvre originale. Si vous comptez utiliser un sample de Michael Jackson cela s’avèrera plus compliqué que pour un artiste méconnu…

 

On le sait, de nombreux artistes se permettent des samples sans autorisation. Car, en retravaillant l’extrait et en l’incluant dans la nouvelle oeuvre, il est souvent difficilement reconnaissable… Ainsi, les extraits de films utilisés par Wax Tailor sur son premier album Tales of the Forgotten Melodies n’étaient pas « clearés », selon nos informations ; mais pour avoir l’autorisation d’utiliser l’enregistrement original de Nina Simone sur I’m Feeling Good, il a dû renoncer à la totalité de ses droits (100% des royalties pour le producteur original).

 

Le partage des droits peut être encore plus féroce. Richard Ashcroft, leader du groupe The Verve, a écrit une chanson basée sur l’arrangement de Andrew Loog Oldham Orchestra de la chanson The Last Time, écrite par les Rolling Stones. Des négociations de dernières minutes furent entamées avec les représentants des compositeurs originaux. Notamment Mick Jagger et Keith Richards, qui n’aboutirent pas. RICHARD Ashcroft a été obligé de renoncer à sa part d’auteur-compositeur sur cette chanson, sur laquelle Jagger/Richards et leurs éditeurs ont obtenu 100% des droits.