Fiesta des Suds – Rencontre avec Séverine Mattei

Co-directrice artistique de la Fiesta des Suds avec Bernard Aubert, Séverine Mattei évoque son métier de programmatrice. Entretien…

 

Vient-on vraiment à la Fiesta pour la programmation musicale ?

Ce qui fait la spécificité du festival c’est qu’on ne vient pas uniquement pour les concerts mais aussi pour l’ambiance, pour échanger, on vient faire la Fiesta. Il y a des gens qui ne se rencontrent qu’ici ou qui ne se déplaceraient pas pour voir tel artiste en salle mais qui viennent l’écouter à la Fiesta. Il y a un affect avec l’événement. Le spectateur devient acteur et pas seulement consommateur de têtes d’affiche, même s’il y en a. C’est assez atypique, ce qui explique peut-être aussi notre longévité.

Cette réalité est-elle prise en compte dans la construction de la programmation ?

On a la volonté de proposer une vraie diversité artistique en cherchant une cohérence. Le mélange des genres, à la fois sur scène et dans le public, constitue l’ADN du festival. Il y a vingt ans, on faisait coexister des danseurs d’écoles de flamenco avec des concerts de rock, de raï ou d’électro. Cette année, Izïa aurait croisé Rocio Marquez. C’est important pour nous de pouvoir présenter le même soir et sur la même scène deux femmes qui ont des choses différentes à dire artistiquement. Le public de l’une peut découvrir la musique de l’autre.

Comment gère-t-on ses goûts personnels et les attentes du public ?

Programmer, c’est en partie suivre ses intuitions mais on est là aussi pour faire passer des messages, soutenir des créations. On est des outils de transmission. Les goûts personnels influencent mais il y a une composition à trouver en fonction des contraintes en termes d’écoute, de cohérence, de disponibilité des artistes ou financières. La programmation à laquelle on a pensé au départ n’aboutit jamais complètement à l’arrivée.

 

Est-ce difficile de faire de la place à la scène locale et régionale ?

C’est notre rôle de faire rayonner les talents locaux. On l’a toujours fait et on y tient.

N’est-il pas devenu impossible d’innover et de surprendre dans le monde d’aujourd’hui ?

Une tendance à consommer du spectacle s’est développée et en ayant des jauges toujours plus grosses, on y échappe difficilement. A la Fiesta, on essaie d’innover en proposant des découvertes, en s’appropriant de nouveaux lieux, en investissant de nouvelles scénographies. On veut amener le spectateur dans un univers qui provoque la surprise.

Quel artiste ne verra-t-on jamais à la Fiesta des Suds ?

On ne s’interdit rien si cela correspond au format. Tout est ouvert à partir du moment où l’on ne baisse pas nos exigences en termes de valeur artistique et humaine.

 

Propos recueillis par Ludovic Tomas