Invité RIFFX : Alain Navarro, gardien du temple de Pause Guitare

RENCONTRE – Du 9 au 12 juillet 2020, Pause Guitare propose sa version « Comme si on y était » à la suite de la crise sanitaire. Alain Navarro – directeur du festival albigeois aux côtés de son épouse Annie – nous raconte sa belle histoire qui place l’humain au centre de son association : Arpèges & Trémolos. Toujours en sa compagnie, RIFFX revient également sur les origines de cet incontournable rendez-vous de l’été.

Le Crédit Mutuel donne le LA depuis 19 ans à la musique, en accompagnant notamment de nombreux festivals en régions comme Pause Guitare, qui se déroule chaque année à Albi. La proximité, le partage et le rassemblement sont autant de valeurs que la banque partage avec l’événement musical. En résumé, l’humain est au cœur des projets de ces deux entités. Claude Molina – ancien directeur de la Caisse de Crédit Mutuel Albi Lapérouse – se souvient avec quelques trémolos dans la voix, de sa rencontre avec le charismatique et humaniste Alain Navarro aux prémices du partenariat. Directrice de la caisse sus-citée depuis 2016, Stéphanie Bayol-Thémines souligne elle l’engagement des bénévoles et ressent « beaucoup de tristesse et de déception pour les organisateurs, les bénévoles et les festivaliers » suite à l’annulation du festival tel qu’on le connaît, « un moment clé qui rythme l’été, qui annonce les vacances et qui est synonyme de moments de partage et de convivialité ».

Bonjour Alain Navarro. Quelques mots pour vous présenter et nous raconter l’histoire de Pause Guitare ?

Je m’appelle Alain Navarro, j’ai 64 ans. Mon épouse Annie a 65 ans. La particularité de notre histoire permet de comprendre ce qu’est Pause Guitare. A l’âge de 40 ans, ma femme s’est retrouvée au chômage, et plutôt que de le vivre comme un drame, on s’est dit qu’on avait plutôt une chance exceptionnelle de pourquoi pas vivre quelque chose qui nous ressemblerait. Je décide aussi d’arrêter mon travail – je travaillais 70 heures par semaine dans les travaux publics – pour reprendre un boulot d’éducateur à 35 heures. Avec du temps libre, je me suis remis à jouer de la guitare classique et j’avais envie d’aller voir un concert. Je regarde dans les revues et je vois qu’il n’y a rien. Le 5 avril 1997, on a donc organisé notre premier concert de guitare en faisant venir à l’époque celui qui était le plus grand guitariste classique en France. Personne ne le connaissait, mais tout le monde m’a fait confiance. L’église à Albi était remplie, il y avait 500 personnes qui venaient de partout et qui m’ont dit la même chose : « Enfin des concerts de guitare classique en France ». On a un peu surfé sur cette vague les trois premières années, d’où le nom de l’association Arpèges et Trémolos, et même celui de Pause Guitare, qui naissait trois mois après, le 25 juillet 1997. Ce festival est né d’un couple : c’est un enfant qui a grandi beaucoup, qu’on a beaucoup aimé. Cette histoire d’amour caractérise vraiment le festival.

Le festival est indissociable de l’association Arpèges & Trémolos que vous avez créée. Quelles autres actions menez-vous en plus de Pause Guitare ?

Nous avons créé un autre festival qui s’appelle Un week-end avec Elles, où l’on reçoit exclusivement des artistes femmes. Cet événement a existé pendant neuf ans, puis on l’a arrêté parce que Pause Guitare se développant beaucoup trop, on n’avait plus le temps de travailler correctement sur celui-là. On était que tous les deux avec Annie, avec nos bureaux à la maison. Le téléphone sonnait pour les réservations, il réveillait nos enfants le samedi et dimanche à onze heures, minuit ou même une heure du matin, donc on n’était plus en capacité de mener les deux. Sur Pause Guitare, on commençait à recevoir de gros artistes, ça montait en flèche, il y avait une vraie attente. Sur Un Week-End avec Elles, on recevait de beaux artistes comme Joan Baez, Jane Birkin, Juliette Gréco… On a repris ce festival l’an dernier, en 2019, pour sa 11e édition. Par ailleurs, il y a le festival Un Bol d’AirS qu’on organise à côté d’Albi, dans le village de Puygouzon. Pendant neuf ans, nous avons fait aussi le festival Les Ptits Bouchons. On ne s’est pas ennuyé, on a beaucoup œuvré ! Pause Guitare est devenu un gros paquebot et nous mobilise énormément : on est maintenant sept salariés à travailler à l’année, donc on peut faire du bon boulot.

Suite à la crise sanitaire, quelle a été votre réaction quand vous comprenez que le festival sur lequel vous travaillez depuis des mois ne pourra avoir lieu sous sa forme habituelle ?

Pause Guitare est un peu notre enfant, on le voit vivre, on le voit grandir depuis des années… On est peut-être un peu pétés du bocal mais on a un rapport particulier avec ce festival, c’est un rapport charnel. Imaginer que ça ne puisse pas avoir lieu, c’est un peu comme une partie de soi qui ne peut pas exister. Cette histoire est profondément humaine : à travers le public, les artistes, les bénévoles, elle nous nourrit et nous dope depuis plusieurs années. Une année sans Pause Guitare c’était tout simplement inimaginable. Avec le discours du Président qui a annoncé la fin de rassemblements pour cet été, on a eu un petit deuil à faire mais on était prêts. C’était comme un gros coup de bambou sur la tête !

Pause Guitare fait partie des rendez-vous incontournables d’Albi et sa région. L’idée de créer une alternative était évidente ?

C’est tombé à point. L’idée est peut-être venue d’ailleurs du Crédit Mutuel qui nous a éveillés sur la démarche. C’était compliqué d’imaginer qu’il puisse y avoir une année nulle, une année blanche, un peu comme un tableau Excel où on supprimerait une ligne. Même notre affiche a été conçue pour plusieurs éditions. Comme on est dans la transmission avec mon épouse, on a choisi de faire une affiche qui soit une fresque, à découvrir et coller sur quatre années. Cette année, c’était la première partie de cette grande fresque. Sur le festival, on a une mission par rapport à la découverte, il y avait des choses pour lesquelles il nous était difficile de renoncer. Les artistes comptent énormément sur nous pour leur développement. Au final il y a eu cette opportunité de créer quelque chose pendant le festival, ça a été un petit rayon de soleil.

Que peut-on attendre de cette version « Pause Guitare – comme si on y était » ?

Ça fait déjà quelques années que sur les écrans du festival, on partage avec le public les coulisses entre les changements de plateaux. En plus de donner des rendez-vous où on pourra retrouver quelques grosses têtes d’affiche, il y aura toute la partie en direction de la découverte : on va essayer de mettre aussi en avant des lieux patrimoniaux de la ville, où on risque de faire des concerts. Du vrai live, dans des lieux atypiques, dans un but de partage. On ne veut pas oublier toutes les personnes qui viennent sur le festival : le public, les bénévoles et les partenaires. On va essayer de faire en sorte que ce soit très heureux.

Quels seront les temps forts de cette édition ?

Pour moi c’est le fait de donner la possibilité à tous ceux qui composent le festival d’exister même si c’est symbolique : un bénévole, un public, un partenaire… Je voudrais qu’il reste une trace de cette édition, c’est important. Je ne peux pas imaginer qu’il puisse y avoir une année zéro avec une ligne qui disparaît. Cette année existe donc, ce sera la 24e édition, l’an prochain ce sera la 25e. Quand on parlera dans quelques années de la 24e, on aura ces images, ces traces-là, ça aura compté. Peut-être que quelque part on ne soupçonne pas ce en quoi cela nous aura fait grandir, changer… Ce sera peut-être une édition très importante quand on fera le bilan de tout.

Enfin, la question pratique : où faut-il aller pour assister à Pause Guitare – Comme si on y était ?

Il y aura des rendez-vous avec des horaires, sur les réseaux sociaux et sur le site de Pause Guitare. On va aussi donner le maximum d’infos à travers tous les biais qu’on connait comme les newsletters etc.  On va essayer de faire des interviews, il y aura le prix Magyd Cherfi, les Québécofolies… Habituellement le public est quand même très focalisé sur la grosse scène, cette année peut-être qu’en ayant la possibilité de tout vivre, même si ce sera sur des formats de 30 minutes, on aimerait que le public puisse se projeter aussi dans ce qui se vit l’après-midi de Pause Guitare. Le prix Magyd Cherfi, les Québécofolies… Tout ce travail qu’il n’a pas forcément l’habitude de voir. On espère pouvoir montrer toutes les facettes du festival.