Invité RIFFX : Cyril Tomas-Cimmino souffle Un Autre Air sur Marseille

RENCONTRE – Du 12 au 14 juin 2020, Le Bon Air s’éclipse pour laisser place à une version inédite et digitale : Un Autre Air. Suite à la situation de crise sanitaire, Cyril Tomas-Cimmino – directeur de ce festival de musiques électroniques et codirecteur de l’agence Bi:Pole – nous raconte comment, avec son équipe, il a dû repenser son événement qui est l’un des rendez-vous phares chaque année à Marseille. L’interview, c’est tout de suite !

Bonjour Cyril Tomas-Cimmino. Quel est votre rôle et votre implication dans le festival Le Bon Air ?

Je dirige le festival Le Bon Air depuis sa création, à travers l’agence Bi:Pole qui en est la productrice. C’est une petite entreprise qui a été fondée à la Friche la Belle de Mai en 2010 : j’ai la chance de la codiriger avec mon associée et codirectrice Julia Cappelle, en plus d’une quinzaine d’incroyables coéquipiers à temps plein. On a commencé à écrire le projet du festival il y a plus de six ans.

Face à la situation de crise sanitaire, le monde de la musique est obligé de revoir ses modèles et de se réinventer. Les festivals en particulier. Quel est votre regard sur cette période ?

La période est très particulière. Comme tout le monde, on a perdu pour un certain temps l’accès aux clubs, aux scènes, aux milieux culturels, là où se rassemblent habituellement les publics, les artistes, les collectifs et tous les autres acteurs indépendants de musiques électroniques et alternatives. Ce sont des moments de fêtes, d’échanges et de rencontres tout au long de l’année. C’est déjà une lourde perte d’un point de vue moral, d’un point de vue sociétal aussi. La partie économique est importante aussi… On n’est pas tous logés à la même enseigne. En tant qu’acteurs du secteur indépendant des musiques électroniques, nous ne bénéficions pas des garanties des pouvoirs publics. On joue à plus de 95% de fonds propres, avec des recettes qui se limitent à la billetterie, les boissons, les sponsors et quelques sociétés civiles. Sans le festival cette année, on a perdu quasiment toutes nos recettes. Il a fallu annuler ou reporter plus ou moins 300 représentations en plus du festival entre le 13 mars et le 31 août 2020. Néanmoins, depuis le début de la crise, la création artistique continue à travers des modèles comme le livestream. S’il ne remplacera jamais nos événements physiques, il est nécessaire pour le maintien de nos écosystèmes : ça permet de garder un lien.

Quelle a été votre réaction quand vous avez compris que le festival sur lequel vous travaillez depuis des mois ne pourrait avoir lieu sous sa forme habituelle ?

Ça s’est joué en plusieurs étapes. Jusqu’en mars dernier, on se disait que la 5e édition se préparait avec un peu trop de succès : la billetterie cartonnait, au niveau de la production tout se mettait en place avec une fluidité inhabituelle. C’était vraiment très agréable (rires) ! Tout ça a pris fin, on est passé aux choses compliquées, le pire était à venir. Dès mars, on a commencé à travailler pour reporter l’édition à la mi-juillet, on n’avait pas forcément d’autres options. D’un côté, nos 5 éditions du festival ne se sont jamais ressemblées. On a toujours dû rebondir avec un site qui évolue, la Friche la Belle de Mai, avec des chantiers qui prennent place, on a l’habitude de remanier le festival au fil des ans. Plus les jours sont passés et moins nous avions de l’espoir sur un possible rassemblement.

Dans cette situation, qu’est-ce qui est le plus difficile à accepter ?

C’est une question qu’on nous pose beaucoup, c’est un mélange de tout. Avant tout, c’est l’histoire de lien rompu : un lien qu’on peut avoir aussi bien avec les artistes, qu’avec les festivaliers et les partenaires. Quand on travaille des mois durant à construire un tel projet, forcément l’annulation est d’une violence inouïe. Après on n’a pas forcément eu le temps de nous apitoyer sur notre sort. Il y avait tellement de travail en communication, en production, en administration, pour annuler l’édition et toutes nos tournées. Tout le monde a été touché alors on s’est très rapidement et de manière assez instinctive serrer les coudes, afin d’écrire des projets et de rebondir d’une manière ou d’une autre.

Vous êtes sur le point de dévoiler Un Autre Air en remplacement du festival Le Bon Air. Créer cette alternative était une évidence pour vous tous ?

C’est justement très lié à la question précédente, avec le désir de maintenir ce lien. Le Bon Air est construit autour d’un écosystème d’artistes, de producteurs, de techniciens, de partenaires et de nos festivaliers bien sûr. On ressentait cette envie et ce besoin de le maintenir. Il y avait aussi ce sentiment d’urgence en tant que producteur. On ne peut que se sentir responsables durant la crise, la situation est plus qu’incertaine pour les intermittents, les artistes, les techniciens… Ils comptent sur nous pour leur donner une visibilité et une rémunération. Tout au long de l’écriture du projet, ils sont restés au centre de nos préoccupations et de nos envies. Avec Un Autre Air, on arrive à maintenir des créations, des rencontres artistiques… Tout le travail engagé à travers le festival n’est pas perdu et on arrive à en tirer profit.

Sous quelle forme cet Autre Air va prendre vie ?

Un Autre Air est l’édition digitale du Bon Air. Elle aura lieu à huis clos, dans un format inédit, sur notre terrain de jeux favori : la Friche la Belle de Mai. Trois des cinq scènes qui composent habituellement le festival seront utilisées pour Un Autre Air : le toit-terrasse, le cabaret aléatoire et le module gmem. Pendant 3 nuits et 3 jours, à travers ces trois scènes, 25 artistes rejoignent la programmation et nos amis-partenaires de Sourdoreille seront en charge de la captation, la réalisation et la diffusion vidéo. Il y aura des temps forts et une déambulation durant tout le weekend, des formats inédits à huis clos, nourris par de grandes scénographies et par l’architecture très singulière de la Friche.

Vous avez pu compter sur tous les talents et les collectifs locaux pour créer cette programmation inédite. Leur soutien est sans faille !

Bien sûr, les collectifs d’artistes locaux sont particulièrement essentiels sur Le Bon air et encore plus sur cette édition digitale. C’est vrai que je pense à tous ces collectifs locaux qui composent cette édition : que ce soit Metaphore, Tropicold, Paillettes ou Extend & Play… Ils sont tous actifs, je dirais même combatifs dans leurs lieux et leurs réseaux qui sont alternatifs. Toute l’année ils participent au bouillonnement des nuits marseillaises. Ils sont réellement dans l’écosystème du festival, c’est un projet qui ne peut pas avoir lieu sans eux. On l’a écrit pour eux et avec eux.

A Marseille, la culture peut donc continuer de vivre grâce à vous et Un Autre Air ! Cet événement vous tenait à cœur aussi pour le public j’imagine ?

Cette ville et cette région sont très riches de par la composition de tous les collectifs locaux précités et de toutes les initiatives culturelles. Mais c’est aussi une ville qui manque cruellement de soutien des tutelles publiques. Nous sommes pour la plupart des indépendants, et même si on n’a aucune difficulté sur le circuit court à avoir une qualité artistique hyper pertinente, d’un point de vue économique on a aucun soutien de la Ville de Marseille. On a un petit soutien de la région Sud certes, mais il n’est pas grand. On est accompagnés très solidement par la Friche la belle de Mai à travers sa coproduction et toute cette notion de coopération. Un Autre Air est aussi issu du soutien de RIFFX by Crédit Mutuel, c’est un soutien essentiel sans lequel le projet aurait été difficilement réalisable.

Quels vont être les temps forts d’Un Autre Air à ne pas manquer ?

Connaissant bien certains artistes invités, on peut compter sur des rencontres improvisées et bien des surprises. Soyez-en sûrs !

Enfin, la question pratique : où faut-il se rendre pour assister à l’événement ?

Il faut aller juste ici, en haut à gauche sur l’écran (rires) ! Les différents rendez-vous seront disponibles sur les nombreux réseaux sociaux de l’événement, les nôtres mais aussi ceux de chaque coproducteur et sur RIFFX bien sûr. Si vous ne passez pas toute une nuit devant un écran – et je m’en inquiéterais si c’était le cas (rires) – pas d’inquiétude vous pouvez compter sur le replay de chaque performance.