Invitée RIFFX : Marie Sabot présente la We Love Green TV

RENCONTRE – A la suite de la situation de crise sanitaire, Marie Sabot – directrice et fondatrice de We Love Green – et son équipe ont dû totalement repenser leur rendez-vous qui se déroule chaque année au Bois de Vincennes à Paris. Pour continuer de partager ses valeurs, ses engagements et ses idées fortes. Artistes, grands-chefs, jeunes talents, invités exceptionnels, festivaliers… Tous seront présents sur la We Love Green TV jusqu’au dimanche 7 juin. Notre interview avec Marie Sabot, sur le lancement de ce nouveau projet, c’est maintenant sur RIFFX.fr.

Bonjour Marie Sabot, quelle a été votre réaction quand vous comprenez que le festival sur lequel vous travaillez depuis des mois ne pourra avoir lieu sous sa forme habituelle ?

C’est un processus qui est assez long finalement. On a vu arriver cette espèce de grande vague devant nous, qui grimpait progressivement. En discutant avec les assureurs, on a très vite mesuré nos risques et on s’est posé la question de savoir jusqu’où on allait pour maintenir un événement, tout en sachant que le risque était là. Il fallait savoir s’il ne valait pas mieux s’auto-annuler pour ne pas aller plus loin vers le risque. On s’est senti extrêmement abandonnés dans ce contexte par les assurances qui ne couvraient pas la pandémie. J’ai ensuite été conviée à une grande réunion début mars, au moment de l’interdiction des grands événements. C’était un dimanche au ministère de la culture, avec le ministre, quelques grands festivals, des grands producteurs et des grandes salles parisiennes. Je me souviendrai de ce dimanche assez longtemps, on a compris que ça allait être très compliqué face au Covid-19.

Quelles ont été les premières mesures que vous avez prises ?

On a essayé de reporter. Pendant un mois de travail énorme, on a encore cru qu’on allait pouvoir reporter. On réfléchissait à fusionner avec d’autres événements, on a beaucoup travaillé entre producteurs, entre festivals, en essayant d’imaginer quelque chose de nouveau. Quelque chose qui pourrait avoir lieu maintenant comme la crise sanitaire est en train de se calmer. On avait une grande partie des artistes avec nous, les autorités, la ville de Paris, le lieu… Mais la crise et le risque augmentant, cela devenait difficile. Quasiment tous les jours, nous étions en réunion de crise avec d’autres festivals européens, parfois il y avait 40 festivals autour du call. Primavera, avec qui on a un lien particulier, a annoncé son report mais nous avons jeté l’éponge avant. 1 million d’euros était déjà engagé, le risque était de perdre encore plus si on annulait le festival à une ou deux semaines de la date. Ça aurait été de l’ordre de 3 ou 4 millions si on avait pris ce risque… Et dans ce cas, on ne se relève jamais et on annule 20 ans de travail, dont 10 ans de We Love Green.

Qu’est-ce qui est le plus difficile à accepter dans cette situation ?

Tous les concerts qu’on ne verra pas, parce que peut-être qu’on ne pourra pas les reprogrammer, parce que l’artiste sera finalement plus gros et il préfèrera faire une très grosse date de concert plutôt qu’un festival. Tous ces spectacles qu’on n’aura jamais vus. C’est ça qui est le plus difficile à vivre. Et aussi ces cinq semaines qu’on ne va pas passer ensemble avec toutes les équipes de We Love Green et qui sont un moment extrêmement particulier, où l’on sent qu’on fait partie vraiment des gens du spectacle.

Pendant la saison des festivals, We Love Green est l’un des rendez-vous incontournables à Paris. Créer une alternative était une évidence ?

On a mis quelques jours à faire le deuil du projet. Comme on est le premier festival « outdoor » de la saison, on était déjà à un stade assez avancé : les décorations étaient en construction, la programmation de tous nos invités – pas que musique – était finie, on était très loin dans le détail. Avec les équipes on s’est dit qu’il fallait que le projet We Love Green – pas forcément le festival –  prenne la parole. Il fallait que cette parole vive. Le We Love Green digital, c’est un kick-off, un lancement. Le début de quelque chose qui va pouvoir se déployer dans le courant de l’année. On a plein de projets avec des formes assez différentes, à la fois virtuelles et à la fois réelles, qui vont pouvoir prendre place avant le festival de l’année prochaine.

Votre programmation musicale fait partie des meilleures chaque année. Que vont proposer les artistes pour la We Love Green TV ?

On a commencé à proposer à France Télévisions et à la Ville de Paris de faire un tournage dans des lieux exceptionnels et de faire des captations de concerts au cœur de la nature. Comme vous le savez, ce n’était pas possible il y a encore quelques jours. La Ville de Paris vient par exemple de nous ouvrir une partie cachée du Parc Floral, on va donc pouvoir faire des tournages exceptionnels les pieds dans l’herbe, pour des artistes-révélations et le concert exceptionnel de Catherine Ringer qui va chanter tout le répertoire des Rita Mitsouko. Un concert exceptionnel tourné dans un lieu exceptionnel.

Comment la thématique « Food » peut-elle prendre forme et goût à distance ?

Les grands chefs qu’on avait sélectionnés cette année, et certains qui sont là depuis très longtemps, ont voulu faire un plat emblématique du festival. Avec toujours cette charte, d’ancrage de la traçabilité, évidemment bio, et d’engagement et de local dans leur cuisine. Ce plat va être disponible en commande pendant l’événement. Ce week-end vous pouvez vous retrouver entre amis, chez les uns et chez les autres, aller sur le site du festival et cliquer sur toutes les pistes que l’on a mis en place. De mercredi à dimanche soir, vous pouvez assister à des conférences, des concerts, du dancefloor etc., tout ça en pouvant commander dans tous les restaurants du festival, quelque chose à se faire livrer chez soi. Ainsi, on remet en scène tous ces gens qui travaillent ailleurs chaque année et l’écosystème global du festival.

Sur la scène Think Tank, vous réussissez encore une fois à réunir de très beaux invités. Qui sont-ils et quelle est la thématique abordée cette année ?

Notre thématique est la résilience écologique en 2020. En gros, comment quand on a subi un tel choc, on se remet et comment on rebondi après. Comment fait-on pour se reconstruire ? L’astrophysicien Aurélien Barrau va être interviewé par Audrey Garric du Monde autour d’une conférence intitulée « Quand la science se rebelle ». Il va essayer d’amener une vision un peu plus élargie de l’approche scientifique pour prendre un peu de hauteur face au dérèglement climatique. Cette approche est complètement d’actualité. Le grand navigateur François Gabart va lui pouvoir nous expliquer son point de vue par rapport aux océans, ce qui avance et ce qui est encore en grandes difficultés. Bertrand Badré est notre invité exceptionnel, un monsieur qui est assez rare de voir sur des conférences de notre capacité. C’est l’ancien directeur de la Banque mondiale, un grand monsieur de la finance, actuellement en poste à Washington DC. Il a monté un énorme fond d’investissement sur la transition écologique. Je l’ai vu lors d’une conférence en février devant un parterre de banquiers. Il était extrêmement précis sur la reconstruction et sur le monde d’après. C’est quelqu’un d’extrêmement visionnaire. Il y a aussi un projet très important pour nous, Green Blood, qui met l’accent sur le fait que les activistes, les journalistes et les scientifiques environnementaux sont en danger dans le monde entier. Ces gens qui alertent et travaillent pour l’environnement sont visés et certains sont assassinés. On a voulu faire un état des lieux et donner une grande visibilité à cette problématique avec un grand plateau d’invités. Egalement, on reçoit Vandana Shiva, une écologiste indienne de la première heure, qui a été reçue autant par Obama que Nicola Hulot. Elle viendra témoigner de la santé du climat et de la planète.

We Love Green TV c’est aussi de jolies découvertes musicales. Notamment grâce à la scène découverte avec RIFFX. Un coup de cœur parmi les 4 jeunes talents ?

J’ai un coup de cœur pour Mandarine parce que je trouve qu’ils ont une originalité musicale, entre Lomepal et Grand Corps Malade, c’est poétique avec à la fois avec un rythme hip-hop et des sons trap. Leur côté arty se retrouve dans la superbe vidéo qu’ils nous ont envoyée. C’est un groupe très attentionné sur son côté graphique et je trouve que leur poésie est assez belle. Il va falloir qu’on les revoit l’année prochaine sur scène, car je les ai vus en concert dans des petites salles, qu’ils ont retournées. C’est clairement un concert qui fait bouger les foules. Mais on les aime tous ces talents ! Ce qu’a fait James The Prophet pendant le confinement est exceptionnel aussi. On a de vraies pépites qui sortent de chez RIFFX chaque année, on est assez contents.