Jan
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Moi à l’époque ce n’ était pas ça. J’aime bien dire « à l’époque » parce que même si je ne suis pas un vieillard, c’était l’époque juste avant, mais elle était déjà tellement loin.
– Dans les années bissextiles.
– On est d’accord.
– N’est-ce pas ?
– C’est beau ça !
– Cali, toujours l’oeil au bord des flots et les trippes à fleur de mots, est de retour avec son neuvième album studio « Cavale » qui, ça y est s’échappe. En tout cas qui t’échappe là.
– Ca y est. C’est parti. C’est toujours un grand moment parce que c’est la rencontre d’abord avec soi-même. Pour écrire des mots, pour écrire avec des musiciens, pour arriver à accoucher de quelque chose qui s’échappe et c’est bien, c’est bien.
– Alors précisons tout de suite, commençons par là, que cet album fait partie des pièces d’un Tetris qu’est « Cavale » puisque c’est une oeuvre protéiforme, il y a évidemment l’album, il y a un court-métrage, il y a une nouvelle, il y a un livre.
– L’idée était de ne pas préméditer tout ça. J’ai démarré par ce livre « Cavale, ça veut dire s’échapper », qui est mon deuxième roman. Dans ce roman, il y a quand même un meute de mômes de 15 ans en confluent de la vie. Et c’est des moments je pense pour chacun, ce sont les premiers tours de manège, et le premier tout c’est qu’une seule fois. Alors ce sont des moments qui me donnent du baume au coeur quand j’y pense à mon âge et quand j’y repense. C’est arrivé naturellement des chansons après là-dessus. Et après de l’image aussi là-dessus parce que j’ai voulu, encore une fois, concrétiser dans cet élan, on va dire, de liberté.
– Alors tu as chanté les amours désabusés, les histoires plaquées et le passionné de rugby que tu es sait combien ça fait mal ça, les plaquages. Et donc là avec le premier single « Je dois encore vivre », c’est complètement une supplication au fait d’aimer encore ?
– Oui.
– Mais pourquoi ? Pour souffrir après ? T’es maso finalement Cali ou… ?
– Sûrement.
– Oui ?
– Sûrement oui, l’idée c’est de nous prendre un peu au sérieux, il n’y aura pas de survivant quoi, voilà. C’est ça l’idée.
– Et tu le dis, tu dis « je dois encore vivre, je dois encore aimer »
– Oui !
– « Je dois encore brûler », c’est le mantra de cet album ?
– Oui, je suis d’accord. Laissez-moi encore ce vertige fou qui fait dresser les poils, qui tord le ventre et qui arrache le coeur. Cette pureté-là, ce démarrage-là, on peut le démarrer à chaque moment de la vie et c’est ce que j’essaie de chanter.
– Musicalement t’as travaillé avec Augustin Charnet, jeune musicien. Et tu as dit « c’est la première fois que je m’autorise une liberté presque totale ». Est-ce que ça inspire une énergie, une dynamique nouvelle à ta plume ?
– Totalement.
– Oui ?
– C’est-à-dire que jusque-là, mes albums précédents, je vérifiais tout, je regardais tout, je décidais de tout. Est-ce que c’est ça la liberté ? J’ai l’impression que non. J’ai l’impression que c’est l’inverse. La liberté c’est avoir le courage de dire à un moment, de croiser un
personnage, Augustin Charnet, 23-24 ans, « amuse-toi, fais ce que tu veux ». Et au moment j’ai dit « fais ce que tu veux », pour c’était…j’étais libre.
– Un lâcher-prise ?
– Lâcher-prise.
– Oui.
– Elle est là la vraie liberté pour moi. Et moi, justement dans la manière de travailler, j’ai beaucoup improvisé. J’ai écrit juste avant de prendre le micro. 95 pourcent de mes chansons sont des premières prises de voix. Ce que je suis en train de dire c’est que c’était la cour de récré. Et quand on fait un neuvième album et qu’on a mon âge, et qu’on retourne dans la cour de récré, on prend…
– On joue de la musique.
– On joue de la musique.
– Alors, symbole de cette nouvelle couleur, il y a « viens avec moi » que tu chantes en duo avec Mathilda. Une transe hypnotique on pourrait dire. Et cette chanson s’accompagne du court-métrage, avec une ambiance un peu chelou, malaisante un peu à la Dikkenek quelque part. C’est quoi le délire ?
– J’adore Dikkenek !
– Il y a un peu de ça quand même !
– Pour moi, ses films sont de côté obscur qui se dirige vers la lumière.
– « C’est avec un couteau qu’on fait des chansons », titre dans cet album.
– Oui.
– Pour dépiauter les sentiments jusqu’à l’os ?
– Oui, c’est tout à fait ça. A quoi ça sert de livrer une chanson si nous-même on la sent tiède ? Quand on chante, on passe aux aveux. Il faut aller au bout, au bout, au bout. Et le couteau racler l’os complètement. Ca peut faire du mal mais en bout de course ça fait un bien fou.
– Et alors l’album se termine sur « A 15 ans » qui est une ode à l’adolescence éternelle. Et tous les sentiments qui s’y vivent férocement. Toi, qu’est-ce qui t’intéresse dans cette période-là ? Il y a un écrivain français qui disait, alors je ne sais plus qui donc c’est beaucoup moins bien quand on fait une citation, mais qui disait que…
– Non on peut dire que c’est toi.
– Alors c’est de moi, je me disais « l’adolescence c’est cette période où on doit choir entre vivre et mourir ».
– J’adore ! Bravo.
– Merci, et en plus ça m’est venu à l’instant.
– Je trouve ça merveilleux. Il est tellement excitant ce moment pour moi. 15 ans. Cette chanson qui clôt l’album, « 15 ans » résume tout à fait toute cette histoire. Et si je devais donner une image, parce que j’aime bien donner des images, je dirais que c’est comme un glacier le matin, quand il y a le soleil qui arrive et qui s’élève et qui surplombe le glacier. Voilà, c’est cette chanson pour moi et c’est cet album pour moi.
– On termine en tout cas sur le soleil en plein.
– Toujours.
– Avec ce nouvel album, tu tapes une nouvelle fois dans le mille. Et j’ai envie de dire que pour le champion de pétanque, faire un carreau finalement c’est quand même plutôt logique.
– Merci, oui. J’adore ce sport, la pétanque. Et quand on fait un carreau, on regarde les autres autour pour frimer d’abord et puis on lève les yeux au ciel et on sourit quoi. Oui c’est ça.
– Merci beaucoup Cali !
– Merci. C’était très cool.
– Merci.
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