Autour de Lucie. « Ta lumière particulière » : Interview et session exclusive

Après dix ans d’interruption, Autour De Lucie propose un cinquième album où il fait bon vagabonder des oreilles. Cocktail de mélodies pop aux ponts rock et aux machines oscillant entre la trip-hop et les années 1980, « Ta Lumière particulière » refuse une dominance de genre et traverse avec habileté tout ce que le groupe avait fait jusqu’en 2004. Figue emblématique et immuable, Valérie Leulliot a, quant à elle, conservé l’identité forte de sa voix, ce charme délicat fait de souffles et de douceur. Rencontre avec une chanteuse sur laquelle le temps semble avoir glissé.

Il y a dix ans vous saviez réellement que cela s’arrêtait ou c’est aujourd’hui que vous êtes surprise de reprendre Autour de Lucie ?
Non je ne le savais pas à l’époque. D’ailleurs tout le monde me posait la question : « est-ce que c’est fini ? ». Ça c’est terminé naturellement parce les musiciens travaillaient chacun de leur côté sur d’autres projets, j’étais un peu à bord d’un bateau où il n’y avait plus personne. Mais j’avais du mal à répondre que c’était terminé. Donc ça a été un stand-by plutôt, sauf que je ne savais pas non plus que ça allait reprendre ! D’abord j’étais concentrée sur l’album solo sorti en 2007, qui a été une vraie école pour moi parce que j’avais toujours fonctionné en groupe. Soudainement je me rendais compte que bosser en binôme (avec Sébastien Laforgue, Ndlr) c’est bien plus efficace. Puis après il y a eu le projet Frère Animal avec Florent Marchet. Mais en même temps je commençais à réécrire des chansons, sans savoir ce que j’en ferai.

En les entendant vous saviez que ce n’était pas des chansons solo, que c’était un album Autour de Lucie qui naissait ?
Quand on a commencé à travailler avec Seb, c’était évident que c’était des chansons d’Autour De Lucie qui sortaient. On avait envie de choses plus énergiques, de rythmes. On avait envie de mélanger des machines dans les arrangements. Du coup je me suis revue dans la configuration que j’avais vécue avec le groupe, c’est-à-dire le côté laboratoire avec des mélanges « pour voir ce que ça donne ». Et quand on a fait la première maquette, j’ai tout de suite dit « C’est Autour de Lucie qui est de retour ». En fait je pense que l’erreur à l’époque a été de présenter ça comme un groupe. Je pense que c’est plus un collectif où je fais des rencontres artistiques et humaines. Comme je suis autodidacte, j’aime bien confronter mes idées. Et cette fois, comme pour le solo, c’est avec Sébastien que cela s’est produit. Pour moi il a cette capacité de créer des images et c’est exactement ce que je voulais.

Vous disiez que les premières chansons ont été ébauchées en 2008, il y en a de plus récentes ?
Ça s’est étalé dans le temps. Bien sûr, il y a des choses qui sont nées en 2008, mais cela pouvait être juste un couplet puis le refrain arrivait quatre ans après. Il n’y a pas de règles : il y a des chansons qui s’écrivent d’un trait et d’autres qui mettent longtemps à se terminer. Puis il y a aussi des chansons nées en 2008 qui ont eu deux ou trois habits différents et qui ont encore été complètement changées deux ou trois mois avant la sortie de l’album. Parce que nos goûts ont évolué, que nos envies ne sont plus les mêmes.

Les textes sont comme toujours avec vous très imagés, mais on y discerne aujourd’hui moins de sentiments amoureux que des constats de vie…
C’est vrai. Cela tourne plus autour du questionnement de comment vivre avec son propre passé, comment tenir debout avec l’hérésie de notre époque… c’est un peu un état des lieux, un constat d’une fille aujourd’hui. Ou plutôt d’une femme – mais quand on me dit « Madame » ça me fait bizarre ! C’est vrai qu’avant, les textes étaient plus axés sur le sentiment amoureux. Mais j’étais plus jeune, plus plongée dans cette problématique. Ici l’amour est omniprésent, on n’en parle pas quand tout va bien, c’est moins intéressant que quand on est malheureux. Détache (voir la session acoustique ci-dessous) parle un peu de ça quand même, mais c’est le lâcher prise en général qui prend le dessus. On arrive à un moment où on se rend compte qu’il y a des choses qu’on ne pourra pas ou plus avoir et il faut quand même continuer et être heureux.

Vous attendez avec anxiété la réception qu’aura cet album ou aujourd’hui vous êtes plus détachée ?
J’aurais aimé être détachée. Malheureusement ce n’est pas le cas. Ça me rattrape. Aujourd’hui les gens me demandent pourquoi ces dix années de silence. Cette question je ne la comprends pas. Je n’en sais rien pourquoi dix ans, ça s’est fait comme ça, c’est mon chemin de vie. Est-ce que c’est mieux d’attendre dix ans avant qu’un album arrive ou est-ce qu’il faut absolument en faire un tous les deux ans en se répétant, en lassant. On me répond que dix ans c’est long, que les gens ont décroché et sont passés à autre chose. Moi je pense qu’une bonne chanson se décline toujours au présent et que le bouche-à-oreille peut être fort.

Propos recueillis par Marjorie Risacher

Merci à la Fabrique Balades Sonores pour son accueil.

Découvrir :

Autour de Lucie – Détache (session acoustique)

Crédit Photo : © Edouard Plongeon

If The Kids en session

If The Kids en session