Charlotte Savary : Seasons. L’interview

Charlotte Savary, moitié du duo Felipecha et voix fétiche de Wax Tailor depuis ses débuts, propose enfin son projet solo. Sur « Seasons », un album prévu pour octobre, la jeune femme file la métaphore des saisons pour narrer l’amour, en partant des jours heureux jusqu’à la rupture. Un disque concept donc, oscillant entre folk et pop indé, d’une grâce quasi cinématographique et d’une beauté aux milles paysages, comme le prouve le clip du premier extrait visible depuis février et intitulé Winter (What You See Below The Ice).
Mais « Seasons » c’est également l’histoire d’une chanteuse hors pair qui se transforme en artiste complète.

Cela fait douze ans que l’on vous connaît dans la musique. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour sortir votre propre album ?
Je pense que comme je suis arrivée un peu par hasard dans la musique. La sensation d’être légitime n’est venue que progressivement. Il a fallu que je prenne confiance en moi. Avoir des choses à dire c’est bien mais il faut en plus se sentir capable de les exprimer. En fait dans ma vie il y a toujours eu quelqu’un pour me dire « Viens là, on va faire de la musique ». Je n’avais jusque-là jamais été l’instigatrice. Puis, entre Wax Tailor et Felipecha j’ai été très occupée et finalement c’est seulement après le deuxième album de Felipecha que j’ai ressenti le besoin de commencer à composer. Je pense que le déclencheur a aussi été en partie l’achat d’un piano. Avant je faisais les compositions a cappella ce qui est une méthode totalement improbable (par exemple le morceau Rien de Felipecha a entièrement été composé à la voix). L’acquisition d’un instrument a vraiment permis de développer mes envies. Et, mine de rien, toute la technologie d’aujourd’hui, les softwares que l’on a pour composer m’ont vraiment facilité la tache, n’étant pas une musicienne de formation.

Vous saviez d’emblée que Manuel Armstrong allait être le réalisateur de votre disque ?
Non. Ça fait longtemps que je connais Manuel, il avait été sur la production des deux disques de Felipecha, mais j’avoue que j’étais à la recherche d’un producteur anglo-saxon. Je n’avais pas vraiment envie de me retrouver dans un projet hybride comme j’en entends beaucoup, à savoir que ça chante en anglais avec des sonorités très « scène française ». J’avais envie que cela sonne américain. Puis, un jour, Manuel m’a fait écouter ses dernières réalisations et j’ai vraiment craqué. Lui aussi avait fait du chemin de son côté et au niveau du son cela me correspondait tout à fait.

L’ensemble est très organique. C’était un choix dès le départ ?
Oui. D’abord parce que dans l’histoire d’amour racontée sur l’album il y a quelque chose de très personnel, d’hyper sensible. Et puis j’ai aussi composé en partie avec des moyens qui étaient synthétiques, par exemple je jouais avec des guitares issues de logiciels. Du coup j’avais une envie encore plus forte de passer de cette étape sur ordinateur à l’acoustique que j’imaginais.

L’album concept était l’idée de base ou c’est au fur et à mesure de l’écriture des chansons que vous êtes rendue compte qu’elles pouvaient s’inscrire dans le fil d’une histoire et des saisons ?
C’est par la suite que je me suis rendue compte que 80 % des vingt ou vingt-cinq ébauches de titres étaient ancrées dans les saisons et le temps qui passe. J’ai ré-imaginé l’album autour de ça. J’ai beaucoup réécrit aussi pour que les correspondances approximatives aillent dans le même sens que cette direction précise. Les chansons n’ont pas été écrites non plus dans l’ordre que l’on entend (de l’été au printemps). Ce sont les morceaux situés au cœur de l’album qui sont venus en premier. Cela s’explique par le fait que je vivais en même temps dans ma vie personnelle ce que je racontais. L’automne correspondait à un délitement de ma relation, à des interrogations. L’hiver c’était la rupture et le deuil. Le printemps est arrivé deux ans plus tard et cela a vraiment été une renaissance. Finalement c’est l’été qui a été écrit en dernier alors qu’il se retrouve en premier sur l’album.

Pourtant le premier single que vous avez sorti est issu de la partie Hiver, pas de ce début d’histoire filée…
Oui parce que ça correspondait le mieux à mon style et cela campait le décor. C’était représentatif de mon travail. L’Automne et l’Hiver sont pour moi les plus représentatives. Sur l’Été et le Printemps je suis un peu plus sortie de mes gonds, c’est plus difficile pour moi d’écrire des choses rythmées, souriantes. Même si je mets toujours un peu de lumière dans ma mélancolie et de mélancolie dans les choses lumineuses. Et finalement même dans le premier titre de la partie Été Bye Bye, si on écoute bien les paroles, je commence déjà à me poser des questions à la fin ! Alors que c’est celle de l’amour heureux par expérience…

Quand on connaît les artistes c’est assez rare pour être souligné : vous avez fait un album qui ressemble à la musique que vous écoutez.
Oui. C’est ce que je me suis évertuée à dire en interview sur la période Felipecha ou même sur les moments où je travaille avec Wax Tailor. Ça fait partie d’une palette que je peux avoir professionnellement mais ce n’est pas ce que j’écoute en majorité chez moi. Je suis heureuse que ce futur album me représente et représente le style que je préfère écouter.

Marjorie Risacher

Découvrir :

Charlotte Savary – Winter (What You See Below The Ice)

Santigold : 99¢

Santigold : 99¢