Faith No More. Le retour des chevelus !

Après 18 années de silence discographique, Faith No More est retourné en studio pour un septième album inattendu. « Sol Invictus » a le charme des madeleines de Proust et l’énergie d’un groupe qui sait faire oublier que ses membres sont presque quinquagénaires.

Les champions des comebacks (décidément de mode) sont sans conteste les Californiens de Faith No More : presque deux décennies sans nouvelle production et rien, bien au contraire, dans les déclarations de la bande de Mike Patton ne laissait présager une suite à « Album of the Year » sorti en 1997. Au siècle dernier donc. Un siècle que le groupe avait marqué de son fer rouge de fusion métal qui aimait à y mélanger du funk, du rock alternatif, du hip-hop et à y décoder les poncifs de la pop. On se souvient entre autres de la reprise de Lionel Ritchie avec le titre Easy qui avait remporté un succès sans précédent en 1992. Une chanson qui démontrait avec brio la capacité de Faith No More a n’avoir ni barrières musicales, ni limites dans les mélanges des genres. Cette image de pionniers expérimentaux est surtout due à son leader Mike Patton, arrivé au chant en 1989 pour remplacer un Chuck Mosley aux relations difficiles avec les autres membres. Ce n’est donc qu’après dix ans d’existence et deux premiers albums qu’est apparu celui qui allait devenir la moelle épinière du groupe et dès 1990 le succès du morceau Epic signe son arrivée et sa direction artistique.

Un album attendu et inespéré
Faith No more a splitté en 1998 un an après la sortie du sixième album pour se reformer en 2009 mais uniquement pour écumer les scènes internationales. On pensait alors à une opération « caisse de retraite » si courante quand un groupe vieillissant et disparu se retrouve à cours d’argent. Patton, de son côté, a enchaîné les projets comme Fantômas ou Tomahawk, usant de son talent ailleurs et ne rejoignant les autres membres que pour des lives ici et là. C’est donc à la surprise générale qu’est arrivé ce « Sol Invictus » inespéré. Un album né à l’initiative du bassiste Bill Gould, qui non content d’avoir su convaincre ses camarades, s’est également posé en producteur. Mais le disque n’est pourtant pas né de cendres : uniquement composé de matériel neuf (ou précédemment tourné sur scène pour certains morceaux), il sonne comme la suite naturelle et désarmante d’un groupe qui n’aurait jamais arrêté.

Une énergie intacte
Alors évidemment cela sent fort la nostalgie et la proposition n’est pas d’une modernité effarante. Mais l’énergie est intacte et il est difficile de penser en écoutant les dix morceaux qu’ils sont proposés par des hommes de presque cinquante ans… Les guitares décoiffent et passé le premier titre générique, piano, caisse claire et programmations pour une mélodie plutôt pop, il y a de quoi bouger les longues chevelures des amateurs de métal. Chansons taillées pour stade peut-être, mais avec une richesse que l’on attendait au tournant. Si le genre a pris des rides, à l’intérieur même aucune ne semble être apparue. Le seul regret – et pas des moindres – est que la fusion semble avoir été un peu délaissée pour une dominante très clairement rock alternatif. Du funk on en trouve peu, hormis dans le pont de Sunny Side Up, de la pop se pointe timidement dans la première et la dernière plage, l’Amérique latine fait une apparition sur Rise of the Fall, le hip-hop a quant à lui quasi disparu en dehors des courts couplets de Motherfucker… La disparité et le vrai génie résident plutôt dans les constructions narratives des morceaux, souvent véritables petits opéras rock. Et surtout dans la voix de Mike Patton, chanteur funambule qui laisse toujours bouche bée. Passant du cri au crooner, de la pleine voix à diverses versions démoniaques de grunt (chant guttural utilisé dans le black et le death metal) cet DustinRabinhomme a tout du caméléon vocal et abrite dix individus dans la gorge. On le suit les yeux fermés et les oreilles ouvertes sans jamais être déçu.

Alors évidemment même si la surprise de ce nouvel album réside plutôt dans son existence que dans son contenu, rien dans ce « Sol Invictus »n’est indigne. La nostalgie inspirée n’est pas de la poussière respirée et les diverses écoutes peuvent même s’avérer addictives. En tous les cas nécessaires pour y découvrir toutes les strates et les richesses qui se nichent sous un mur apparent de gros sons. Cela fourmille d’idées et de détails, la production est menée au poil près et l’on se met à espérer une suite. Encore.

Marjorie Risacher

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Crédit Photo : © Dustin Rabin