Festivals : Quand les univers du club et du live se rencontrent

Plutôt live ou club ? Les deux formats, parfaits pour les amoureux de musique, ont parfois du mal à coexister, tant chacun a ses propres défis et codes. Plutôt cloisonnés à l’année, ils se rencontrent l’été à la faveur de festivals misant sur la curiosité et l’ouverture. Le défi est de taille, mais amène aussi de belles rencontres.

 

Les fans de techno font leur pèlerinage à Tomorrowland tandis que l’amateur ou amatrice de concerts trouve son bonheur aux Vieilles Charrues – ou d’autres parmi les 4000 festivals de musique qui ont lieu chaque année en France. Mais il est encore relativement rare de les voir rassemblés dans un évènement proposant à égalité lives et DJ sets. Pourtant, certains festivals veulent justement miser sur ces rassemblements pour attiser la curiosité du public – et l’ouvrir sur un autre monde. C’est notamment le cas de  Marsatac, qui organisait à Marseille sa 25ème édition du 16 au 18 juin derniers. Là, Gazo côtoie Folamour et Aya Nakamura partage l’affiche avec Anetha ou Ascendant Vierge. En bref : de gros concerts et la fine fleur des DJ. Alex Stevens, l’un des programmateurs, explique : « Dans notre équipe, on aime tout autant aller en club que profiter de l’énergie d’un live. Dès lors, cette programmation nous ressemble. » Et parmi leurs trois scènes, celle de la Prairie incarnait cette idée. S’écartant des têtes d’affiche pour miser sur les coups de coeur personnels du comité, on y retrouvait plusieurs artistes ayant un pied dans les deux domaines, comme Romane Santarelli, et sa techno construite comme de la pop, ou les Belges Lander & Adriaan, usant d’instruments live pour créer une musique qui n’a rien à envier au plus furieux des clubs. Selon Hugo Simmarano, autre programmateur de Marsatac, « pour rassembler ces personnes, il faut les bonnes propositions, celles qui vont jouer sur les deux tableaux ».

 

C’est également la volonté du Delta Festival, qui poursuivra la fête dans la cité phocéenne du 23 au 27 août. Ancré dans l’univers des DJ, le festival développe chaque année un peu plus sa proposition live. Ici, ce sont Charlotte de Witte, Amélie Lens, Ofenbach et Nina Kraviz, parmi les plus célèbres DJ au monde, qui croisent Angèle, Damso ou Niska. Comme l’expliquent Céline Collin et Grégory Serre, directrice et directeur artistiques du festival, « la barrière entre club et live est moins marquée en festival, notamment car les artistes electro vont y élaborer une proposition live plus poussée que le reste de l’année. C’est le moment idéal pour mélanger ces registres. »

 

Mais il ne suffit pas d’aligner les noms de tous horizons pour satisfaire tout le monde. Les équipes de Cabaret Vert à Charleville-Mezières, devenu en quelques années l’un des festivals les plus excitants du pays, l’ont bien noté. La prochaine édition, du 16 au 20 août, verra se mêler le rock de Yungblud, le rap de Damso ou la chanson disco de Juliette Armanet, mais aussi des DJ renommés comme The Blessed Madonna, les Chemical Brothers ou Honey Dijon. Pour Cédric Cheminaud, directeur général du festival, une telle programmation demande une installation adaptée. « Si on enlève les grands shows, comme celui que nous offrira Calvin Harris, les DJ sets classiques marchent souvent moins bien en festival. C’est pour cela que nous avons décidé d’y consacrer une scène, le Greenfloor, à même de satisfaire le public habitué à l’énergie du club. Et pour reproduire cette dernière, il a fallu réfléchir à la densité sonore, l’absence de coupure entre les artistes, le système son adéquat, et ainsi de suite. » Ce qui n’empêche pas les rencontres y compris sur cette scène, puisqu’on y retrouve des artistes rap en journée avant que la techno ne s’y impose pour la nuit.

 

Ainsi, chaque festival raconte sa propre histoire, avec ses propres enjeux. Et c’est bien l’envie de rencontres et d’ouverture qui guide les festivals cités jusqu’ici. « On crée toutes les conditions de la rencontre » poursuit Cédric Cheminaud. Même son de cloche au Delta, où l’équipe pense également des parcours spécifiques. « L’objectif est d’avoir plusieurs chemins dans la programmation, pour que le public néophyte venu profiter de l’ambiance et du soleil ne soit jamais perdu, tout comme le fan de techno exigeant ou l’amoureux de rap » explique Céline Collin. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut laisser chaque spectateur dans sa zone de confort : rien n’empêche quelques sorties de piste contrôlées. C’est ce que cherche également le comité de programmation de Marsatac, qui a également construit des parcours similaires. « On aurait pu mettre les artistes rap sur la grande scène et le reste ailleurs, mais ce serait définitivement segmenter les publics » appuie Alex Stevens. Sa collègue Margot Maccario abonde : « Cette année, par exemple, on a placé Ascendant Vierge entre deux artistes hip hop. Leur hybride entre chanson et techno hardcore très intense aurait parfaitement marché en clôture de soirée. Mais on voulait vraiment que l’amateur de rap fasse cette découverte. Et ça a marché, environ la moitié du public était là pour voir le groupe, et l’autre moitié attendait la suite mais s’est prise au jeu. C’était très amusant à voir ! »

 

Car après tout, peu importe le style musical, c’est bien l’énergie commune qui va réunir des artistes. Quitte à avoir des surprises. Cédric Cheminaud se rappelle : « L’an dernier, on repérait facilement à leur t-shirt les gens venus écouter le groupe de metal Slipknot, et on était surpris d’en retrouver dans la foulée danser au son de la techno de Paula Temple. Mais ça correspond à notre objectif : on veut amener les même sensations à l’amateur de métal ou de techno. Cette année, on a par exemple mis à la suite les punks Viagra Boys et la techno des Chemical Brothers. Mais quand on les voit sur scène, l’énergie dégagée est similaire, l’enchaînement nous a paru logique. »

 

Et ces rencontres de public sont autant de jonctions possibles entre les générations. Ce qui est aussi l’objectif d’un festival comme le Delta :  » »es performances hybrides, comme celle qu’on aura avec Worakls Orchestra, attirent des gens d’âges différents, ainsi qu’un public plus familial » souligne Céline Collin. Ce qui, couplé avec les villages thématiques et conférences proposées, permet d’ouvrir de riches espaces de discussion, « et amener ça dans un cadre plus festif qu’à l’habitude. » Briser et mêler les codes, sortir des guerres de chapelle pour amener du mélanger et de la diversité : comme le résume Alex Stevens, « si c’est ça l’avenir, on est dans le bon ».