Invité RIFFX : Dave Gahan présente Imposter, les moments forts de sa carrière, son habitude préférée à Paris…

A quelques heures de son concert unique en France – en partenariat avec le Crédit Mutuel – aux côtés de Soulsavers, Dave Gahan a accordé une interview exclusive à RIFFX pour présenter son nouvel album Imposter. La légende du rock en a également profité pour revenir sur les moments les plus forts de sa carrière, il nous confie son habitude préférée lors de ses venues à Paris et donne des conseils aux jeunes talents de notre communauté. Rencontre au sommet.

Bonjour Dave, ravis de te rencontrer à l’occasion de la sortie de ton nouvel album Imposter et d’une tournée intimiste aux côtés de Soulsavers. D’abord, comment vas-tu ?

Bonjour, ça va très bien merci !

Ce n’est pas la première fois que tu sors un album en collaboration avec Rich Machin de Soulsavers. Comment l’idée du projet est-elle née ?

Rich et moi, ça fait longtemps qu’on est amis, c’est désormais le troisième album que l’on fait ensemble en une dizaine d’années. Par contre, c’est le premier où nous n’enregistrons pas nos propres chansons. Ce qu’on a essayé de faire avec Imposter est de vous faire croire que c’était les nôtres et qu’elles viennent toutes du même endroit, au même moment. Quand nous avons eu l’idée de l’album, il fallait qu’on trouve comment réunir tous les musiciens avec qui on a travaillés auparavant dans un seul endroit, alors qu’on vit tous dans des lieux différents. Sur les projets précédents, j’avais enregistré certains titres depuis New York tandis que Rich jouait depuis sa maison avec Tony (‘Doggen’ Foester), Kevin (Bales) et Sean (Read). Cette fois-ci, on a réussi à tous se réunir avec Wendi (Rose), TJ (Travis Cole) Janet (Ramus) et les autres. Petit à petit, le projet a pris forme, on voulait le faire sonner comme un album original, même si ce sont des reprises. C’est beaucoup d’excitation et d’émotions, parce que même après toutes ces années – 40 ans à faire des disques – et même avec mon groupe Depeche Mode, je n’avais jamais fait ça. C’était génial pour moi. J’ai l’impression de donner le meilleur de moi-même quand je suis sur scène, devant des gens, en train de chanter, et je voulais être capable d’apporter cette énergie en studio avec ces chansons que je connaissais très bien. Si bien que j’ai pu faire abstraction des versions originales pour les faire miennes. Voilà, c’était l’idée.

Imposter est un titre très beau et très fort. Pourquoi avoir choisi ce mot pour le projet ?

Pour être transparent, j’avais ce titre en tête depuis plusieurs années. Cela traduit peut-être la façon dont je me sens quand je chante les chansons de quelqu’un d’autre ou que j’interprète les idées de quelqu’un d’autre. Il fallait que je trouve un moyen de m’approprier ces chansons, comme si elles venaient de moi. Ce n’est pas un exercice toujours évident. Dans ma carrière, j’ai toujours ressenti ce syndrome de l’imposteur, même quand je montais sur scène à mes débuts. Maintenant, je dirais que depuis dix-vingt ans je ressens moins ça (rires) ! J’adore la scène. Parfois, c’est même plus agréable de vivre cette expérience avec les mots de quelqu’un d’autre. Les chansons de cet album ont curieusement fini par devenir beaucoup plus familière pour moi que certaines des chansons que j’ai pu écrire ou chanter pour Depeche Mode. Je ne sais pas si c’est parce que je les connais depuis de très nombreuses années, elles ont toujours fait partie de moi et sont tirées d’albums que j’ai écouté sans cesse. Pour certains, il se passait un truc étrange, unique, qui font qu’on les a choisies pour les enregistrer. Je me suis moins senti comme un imposteur en faisant ce travail (rires). Je ne sais pas pourquoi, mais maintenant quand j’écoute l’album, je suis à l’aise avec ces morceaux. Et j’imagine que le titre est un peu ironique d’une certaine manière, car les chansons de cet album me font me sentir comme à la maison.

Quel titre conseillerais-tu d’écouter en premier pour comprendre le projet ?

Je recommanderais vivement d’écouter l’album dans son intégralité, du début à la fin, et donc de commencer avec The Dark End of the Street de James Carr. C’est le titre qui a donné le ton du disque. Pourtant ce n’est pas le premier que l’on a enregistré, je pense qu’avec Rich on a tout de suite su que c’est celui qui ouvrirait l’album. C’est un début parfait mais je vous conseille vraiment d’écouter l’album en entier pour avoir une vue d’ensemble.

Parmi les 12 chansons, laquelle est ta favorite ?

Ma chanson préférée sur le disque change constamment. En ce moment, avec les répétitions et quand j’écoute l’album, c’est Not Dark Yet.

Si les titres n’ont pas été écrits de ta main, Imposter semble pourtant être un projet très personnel.

Parfois quand on fait de la musique, qu’on enregistre des chansons, moi souvent je ne suis pas sûr de quoi il s’agit quand je les créer. Souvent le sens vient après, quand je suis sur scène. Quand on organise un disque d’une certaine façon, chaque chanson en amène une autre, c’est aussi le cas en live, l’ordre de la setlist, ou quand je joue avec mon groupe Depeche Mode, je suis très impliqué dans la façon dont les chansons s’enchaînent les unes aux autres. Je les ressens, je les chante, je suis transporté par elles, et je sens que le public aussi. S’il y a un moment qui ne sonne pas comme il faut, je le sais immédiatement. Cela ne veut pas dire nécessairement que les chansons n’ont pas leur place, cela signifie qu’elles ne sont pas au bon endroit. Chaque disque que j’aime vraiment raconte une histoire, et celui-ci en particulier aussi. Je ne le savais pas au moment de le faire mais quand on l’a fini, que j’ai vraiment réécouté les chansons dans l’ordre qu’on a choisi, cela raconte une histoire à laquelle je m’identifie fortement. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça semble être quelque chose que j’aurais pu écrire moi-même d’une façon ou d’une autre. Pas juste au niveau des paroles, mais pour l’atmosphère globale aussi.

Petit challenge : pourrais-tu dire un mot en français pour décrire l’album ?

Oh non… Je sais juste commander le petit déjeuner en français (rires) !

Tu présenteras Imposter avec Soulsavers le 10 décembre à la Salle Pleyel, à Paris. A quoi peut-on s’attendre sur scène ?

Nous prévoyons de jouer à Paris et j’ai hâte d’y être, c’est une salle magnifique. Vous pouvez vous attendre à écouter Imposter dans son intégralité, du début à la fin, dans le même ordre que l’album, j’espère que vous serez réceptifs à ce qui se passera sur scène. Si le public est au rendez-vous, il se pourrait que l’on joue quelques autres chansons après ça, certaines que je pense que vous connaissez très bien ou pas !

En attendant le grand soir, un mot à ton public français ?

J’ai hâte de venir jouer ici, j’aurais aimé que l’on puisse faire d’autres concerts mais nous essayons de suivre les règles avec le contexte actuel. Avec un peu de chance, nous reviendrons prochainement. « Merci” !

En parlant de la France et de Paris, quelles les choses que tu aimes faire quand tu viens ?

Quand je viens à Paris, honnêtement une des choses que j’adore faire est juste de me promener, j’adore sortir et me faufiler entre les gens (rires). J’aime sentir comme si j’étais une partie de la ville : m’assoir sur une terrasse de café et observer les gens passer.

Une carrière est incroyable qui dure depuis 40 ans. Pas facile mais, quels sont les moments dont tu es le plus fier ?

Oh gosh ! Au fil des années il y a eu tellement de moments, mais celui qui me vient toujours à l’esprit quand on me pose cette question, c’est un concert en Californie. Je me souviendrai toujours de monter sur cette scène du stade Rose Bowl à la fin des années 80 à Pasadena. Je me souviens de ce nombre incroyable de gens venus nous voir, le show était exceptionnel. C’était à la fin du Music for the Masses Tour, il y a d’ailleurs le documentaire 101 qui retrace toute cette tournée. Je repense toujours à ce moment et je ressens encore ce que j’ai ressenti ce jour-là. Honnêtement, il y a plein d’autres moments comme celui-là, certains sont moins grandioses mais ils existent quand même (rires).

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes talents de la communauté RIFFX qui rêvent de faire carrière dans la musique ?

Ma fille âgée de 22 ans se lance dans la musique, elle vient juste de terminer l’enregistrement d’un album avec un producteur en Californie. Récemment, elle m’a consulté car elle se sentait frustrée et ne savait pas où aller, quoi faire ensuite. Les musiciens avec qui elle a travaillés vivent en Californie alors qu’elle vit à New York. Je l’ai donc encouragée à contacter d’autres amis à elle qui vivent à New York et de jouer sa musique. Je lui ai dit : « Tu n’as pas besoin de retranscrire le disque tel que tu l’as enregistré, tu peux travailler avec d’autres personnes qui t’apporteront de nouvelles choses ». A mon niveau aussi j’ai vécu ce genre de choses. Je sais qu’elle a fait quelques concerts avec ce groupe de musiciens, je n’y étais pas mais j’ai vu des extraits et ça a l’air super. J’encouragerais donc tout jeune talent qui souhaite faire carrière dans la musique, d’aller à la rencontre de personnes ouvertes, trouver un lieu de répétition, tout donner, faire du bruit, chanter, et essayer de trouver des dates de concerts. Aujourd’hui on peut faire beaucoup de choses dans la musique, notamment avec les avancées technologiques, mais je vous conseille de monter sur scène devant un public et de voir ce que vous avez en vous, ce que vous avez à donner. C’est le meilleur conseil que je pourrais donner. Ensuite vous saurez si vous voulez faire de la musique, car si vous n’avez pas ce feu en vous pour la scène, alors ce n’est pas la peine d’insister !

RIFFX – « RIFF » est pour le riff de guitare et « X » représente la communauté de musiciens – a une dernière question : y a-t-il des riffs qui t’ont suivi toute ta vie ? Merci beaucoup Dave, c’était un plaisir.

Oh oui, il y a des tas de riffs de guitare ou de basse chez les Stones, Elmore James, Muddy Waters, John Lee Hooker ou même chez Kraftwerk, complètement différent mais iconique aussi, on les reconnait tout de suite. Pour moi les Stones ont toujours été les maîtres en la matière : le riff au début de Start Me Up représente pour moi tout le rock’n’roll.