Karl Bartos : le retour d’un ex-Kraftwerk !

Quand on demandait à Derrick May, l’un des fondateurs de la techno de Detroit sa définition de la musique électronique, il répondait : « la rencontre dans un ascenseur de Georges Clinton et de Kraftwerk. » C’est peu dire que le groupe allemand Kraftwerk fait parti de l’histoire de la musique. C’est en 1970 que le groupe, basé à Düsseldorf, sort le premier album 100% synthétique. La révolution des machines est en marche et leurs albums suivants poseront les bases de la techno et du hip-hop ! (Afrika Bambaata et Grand Master Flash mixaient les maxis de Kraftwerk avec du funk pour rapper lors des premières Block Parties). Après 20 ans passés au sein de ce groupe mythique, Karl Bartos tente l’aventure en solo. Après un premier album, Communication, en 2003, voici Off The records, est un disque de souvenirs. L’allemand s’est replongé dans ses archives pour y exhumer douze titres et les retravailler. Rencontre avec une légende de la musique électronique.

Peut on parler de Best of pour cet album ?

« Un worst of vous voulez dire ? (Ndr : « le pire de »). Je ne sais pas… Quand on commence à produire un nouvel album on veut changer le monde mais quand il est fini, on est juste heureux que les gens l’apprécient. Pour ce qui est du qualificatif ça ne me préoccupe pas beaucoup !

Comment avez vous procédé pour vous replonger dans toutes vos archives ?

C’est un travail quotidien ! Si dans mes anciens titres il y a une bonne idée, elle l’est toujours aujourd’hui. Il faut garder son sang froid ! Avec ces enregistrements j’ai revu le jeune homme qui pensait que la vie est éternelle. « Off the records » est la rencontre entre ce musicien naïf et l’homme mûr que je suis devenu.

Quel est votre rythme de travail ?

J’enregistre tous les jours, même le week-end. C’est comme un marathon. Il m’arrive très rarement de prendre un ou deux jours de congé. C’est une discipline de travail : je travaille sept heures par jour dans le studio que j’ai monté dans mon appartement. Une partie de la journée se divise entre mon travail de communication le matin, le sport, je nage dans la rivière en bas de chez moi au moins une heure par jour. Mon travail de musicien commence à 13h00 et se termine généralement à 20h00. C’est mon rythme depuis des années.

Les ordinateurs sont partout aujourd’hui. Ils sont plus simples d’utilisation : pensez-vous que cela a eu une influence sur le son ?

Cela n’a aucune importance pour moi. J’aime beaucoup Picasso qui disait : « Si je n’ai pas de vert, j’utilise du rouge ! » Chez moi j’ai des machines dans toutes les pièces. J’utilise des vieux samplers comme je peux travailler avec des machines dernière génération. Ce sont juste des outils. J’envoie des mails aujourd’hui comme j’utilisais le téléphone avant ou le fax, encore avant. Aujourd’hui, les moyens de productions n’ont plus beaucoup d’importance. Ce qui est devenu primordial, c’est la qualité de réception. L’écoute ! Donc, quand je produis un morceau, je l’écoute sur tous les supports (radio, téléphone ou ordinateur) et dans tous les formats possible pour être certain que mon travail de producteur ne sera pas dévoyé par la qualité de réception. Quant au format MP3, il ne restitue pas tout le spectre musical mais il reflète la réalité de notre époque.

Pour revenir à votre nouvel album Off the records, ce qui est frappant c’est l’influence omniprésente des bandes originales de films. Votre musique est très cinématique ?

Bien sûr. Si tu écoutes la pop music des années 1960, elle délivrait un message politique fort pour faire évoluer la société. Aujourd’hui la musique ne colporte plus de messages mais se contente de recycler le son des décennies précédentes. Si on veut comprendre notre époque, le mieux est de se plonger dans les B.O. de Tarantino. Je pense que son travail de mixeur d’images et de musiques est emblématique de ce qu’est devenu la pop aujourd’hui.

Est ce une bonne ou une mauvaise chose d’être un ancien membre de Kraftwerk ?

Ça dépend. D’avoir fait parti d’un groupe aussi important de la musique est positif : les gens sont plus enclins à écouter vos productions. D’un autre coté, je ne peux pas jouer dans une ville si Kraftwerk y a joué dans les six derniers mois. C’est une ombre qui peut me cacher le soleil. Il faut jongler avec ça.

Quel conseil donneriez vous à de jeunes musiciens qui se lancent dans la musique ?

Ne pas sous estimer le pouvoir de la musique ! Même si aujourd’hui le modèle est celui de la gratuité, on ne sait pas à quoi il ressemblera dans quelques années ! La musique à quelque chose de divin, il ne faut jamais sous estimer son pouvoir !

Propos recueillis par Willy Richert

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