L’odyssée spéciale de Florent Marchet

Le quatrième album de Florent Marchet, « Bambi Galaxy », est une réussite majeure, un grand album de pop ambitieux et accessible. La mise en son fait la part belle aux sonorités synthétiques de vieux claviers et aux textures denses et complexes. La mise en scène s’attaque au futur, à la science, aux sectes et modes de vie alternatifs. Une œuvre singulière et sublime.

Quelle est l’idée de départ de « Bambi Galaxy » ?

J’ai réalisé que, dans mes albums précédents je me posais surtout la question de mon propre héritage, de mes racines. Depuis cinq ans, j’ai eu deux enfants et je me suis posé la question de la transmission. Mais cette fois vers le futur. Qu’est-ce que j’allais transmettre à mes enfants ? Quelle serait leur vie dans quarante ans ? Et quand on s’interroge sur l’avenir de ses enfants, on ne peut pas faire autrement que de penser à son passé. À la fin des années 1980, quand j’avais 8-9 ans, j’avais reçu ce numéro d’Astrapi où il était question de l’an 2000. À l’époque, on nous vendait un futur fantasmé qui était incroyable, où on pourrait aller passer des week-ends sur la Lune avec mamie, où on aurait des voitures volantes et il n’y aurait plus de famine ni de pauvreté. Pendant longtemps, j’ai attendu l’an 2000. Et puis c’est arrivé et rien de tout cela ne s’est passé, finalement. J’ai réalisé qu’aujourd’hui, quand on demandait aux adultes de se projeter en 2050, ça leur faisait peur. Comme si on était arrivé à la fin d’un cycle et qu’il fallait changer.

Comment avez-vous travaillé les textes de l’album ?

J’ai toujours fonctionné comme un écrivain ou comme un réalisateur de films : je glane un maximum d’informations et de documents, je fais des pochettes par thématiques. Là, je me suis aperçu qu’il fallait que je sois encore plus précis, parce que ça partait un peu dans toutes les directions, étant donné que j’étais aussi bien fasciné par l’infiniment petit que par l’infiniment grand. Il fallait plusieurs dossiers : un dossier « science », un dossier « secte », un dossier « sociologie » aussi, parce que c’est un album qui reste à hauteur d’homme. C’est l’histoire d’un individu qui vit dans notre société d’aujourd’hui, qui n’est pas heureux parce qu’il n’a pas trouvé sa place. C’est ça, finalement, la définition du bonheur : trouver sa place. J’ai lu des ouvrages de science, comme L’univers élégant (ndlr. Ouvrage de Brian Green qui vulgarise la théorie des cordes) que j’ai relu plusieurs fois : d’abord j’en ai compris que 10 % puis 20 % et aujourd’hui je dois en comprendre que la moitié, ce qui n’est pas mal. J’ai aussi revu des films de science-fiction, en en faisant une lecture différente, grâce aux connaissances scientifiques – très modestes – que j’ai pu acquérir.

Avez-vous modifié votre façon d’écrire ?

Oui. A la fin de Courchevel (2010), j’en avais un peu marre de l’écriture romanesque (raconter dans une chanson une histoire avec un début et une fin) et du naturalisme. Je voulais aller vers quelque chose de plus onirique, fonctionner par flashs et par images, comme si j’écrivais dans mes rêves. C’est intéressant et fascinant pour ça, les rêves : ce n’est jamais très logique. Je voulais retrouver la même chose. La difficulté était donc de se laisser porter par des flashs. Je notais des trucs en me disant : « ça a l’air complètement con, cette phrase-là, mais je la garde dans un coin… Parce qu’elle est peut-être con mais il se passe quelque chose émotionnellement, qui me parle. »

On imagine qu’aborder toutes ces questions doit remuer un peu…

Cet album m’a transformé et c’est ce que j’attendais. J’aurais pu être remué de la même façon sans écrire de chansons mais il se trouve que ma manière de communiquer cette expérience-là aux autres, c’est d’écrire. Je n’ai jamais su faire autrement que de dire les choses à travers des chansons. Même si je m’améliore un peu et que je communique mieux qu’avant. Et c’est aussi une façon d’imprimer ce que je vis. Comme j’ai des problèmes de mémoire, le fait d’écrire des chansons fait que j’ai l’impression de mieux imprimer ma vie.

Propos recueillis par Vincent Théval

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FLORENT MARCHET – Apollo 21

Crédit Photo : © Olivier Metzger

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