Mathieu Boogaerts

C’est dans son studio que Mathieu Boogaerts reçoit la plupart des journalistes, à deux pas de la Java, la salle où il a tourné tous les mercredis pendant un an avec ses nouvelles chansons avant de les enregistrer. Aujourd’hui c’est sous un titre éponyme que ce sixième album a vu le jour. Calé dans un transat rouge de cette longue pièce aménagée au sous-sol, le chanteur sourit, prend plaisir à répondre aux questions, fait de longs silences pour mieux choisir ses mots, toujours sympathique, la franchise et le naturel pour tout bouclier.
Quand Mathieu Boogaerts, le chanteur certainement le plus respecté par ses pairs, parle de  » Mathieu Boogaerts « , son disque certainement le plus réussi jusque là.

Vous avez dit un jour que vous associez toujours une couleur à vos albums, couleur qui se retrouve sur la pochette. Ça a été encore le cas cette fois ?


C’est vrai, je donne toujours une couleur au graphiste en effet ! Je lui dis  » j’ai envie que ça soit rose, marron ou jaune.  » Là, on s’est vu plusieurs fois, je lui ai fait écouter et je lui ai dit que cette fois j’avais plus envie que les mots ressortent, que le disque soit plus axé sur la voix. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a pris le parti de dessiner des mots. Et puis il m’a proposé turquoise et bleu et je me suis dit que si c’était sa vision, je le laissais faire. C’est la première fois que j’accepte à tel point une proposition extérieure. Au même titre que j’ai accepté que certaines lignes de basse viennent de Zaf Zapha et que certains rythmes de batterie viennent de Fabrice Moreau. C’est sûrement une forme de maturité, je voulais avant tout que les chansons passent, peu importait par quel biais ou par quel détail.

Vous avez chanté toutes ces nouvelles chansons à la Java pendant un an. Vous les avez laissé telles quelles ? Elles ont évolué ?


En fait quand j’ai commencé elles étaient écrites à la virgule près. Il était hors de question pour moi de me confronter à un public avec des chansons pas terminées. En revanche le fait de les avoir chantées tous les mercredi pendant un an, ça me les a mis complètement dans le corps, je les avais totalement intégrées et assumées. Du coup en studio ça c’est fait très vite. Je doutais moins, les titres avaient déjà vécu. À chaque fin de tournée je me dis  » Mince, c’est maintenant que je devrais faire le disque il serait dix fois mieux !  » C’est un peu ce que j’ai fait cette fois.



Le revers de la médaille n’est-pas de se dire:  » justement je les ai déjà tellement vécues que le fait qu’on en parle maintenant me fatigue un peu « ?


Il y a un peu de ça. Pas qu’on en parle, parce que j’adore ça, je pourrais passer des heures à voir des gens qui défilent et m’en parlent, en bien ou en mal. Je crois d’ailleurs qu’inconsciemment si je fais des chansons c’est pour ça, pour créer un lien, communiquer. Il n’y pas pire pour moi que de ne pas avoir de réaction. Je préfère mille fois tout le monde qui n’aime pas à tout le monde qui se tait. Donc en effet en parler est un plaisir. En revanche là j’ai plein de concerts qui arrivent, je vais certainement bien les vivre mais je les aborde avec moins d’enthousiasme que les tournées précédentes parce que j’ai déjà  » joui « , si je peux m’exprimer ainsi. J’ai déjà plus de soixante dates avec ces chansons avant même que le disque sorte. Donc là j’y retourne, ça va être bien mais ce n’est pas la même excitation.

Comme vous l’avez dit tout à l’heure, cet album met les textes très en avant dans le son. Cela partait d’une envie plus grande de se faire comprendre ?


Exactement. Pourtant je n’ai pas été plus soigneux sur ces textes là que les précédents, je n’ai pas la sensation qu’ils soient meilleurs. Par contre je me suis aperçu que quand les gens me parlaient de mes disques, ils parlaient des mélodies, du ton de ma voix, d’un esthétisme, mais jamais de mes textes. Et c’est en ça que les concerts à la Java ont été déclencheurs. Quand je m’y produisais guitare-vois, je me rendais compte à quel point quelque chose passait, une émotion que je voulais retrouver sur mon album. Après je ne pense pas que ce que je dis a plus de légitimité qu’avant, c’est juste une envie d’un lien plus proche avec l’auditeur.

Comme toujours vous parlez surtout des sentiments, quels qu’ils soient. On a une impression d’intime sans pour autant avoir celle d’une autobiographie…


Et pourtant la meilleure façon de me connaître est d’écouter mes chansons. Le moment où je suis le plus près de moi c’est à l’intérieur d’elles. Je peux changer les situations, les décors ou les prénoms, ils sont des prétextes. Mais tous les sentiments que je traite sont forcément des sentiments par lesquels je suis passé. Mes amis très proches me connaissent plus par mes disques que par ce que je peux leur raconter je crois. Après j’en parle très mal parce que tout cela est de l’ordre de l’inconscient. Tout ce que je sais c’est que quand je passe des milliards d’heures sur un texte, je ne cherche pas à faire le malin. C’est d’être le plus juste possible qui m’intéresse. Et quand la sensation est juste, c’est que c’est moi.

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