Nicola Cruz : « Prender El Alma »

Si la musique électronique se marie depuis de nombreuses années avec l’Afrique et le Maghreb, peu d’artistes se sont essayés à la fusion avec la musique des Andes. Découvert par l’excellent Nicolas Jaar, l’Équatorien Nicola Cruz s’est plongé dans les musiques traditionnelles de son pays pour les mixer subtilement avec du dub, du trip-hop ou de l’électro éthérée. Le résultat, inédit, est une petite merveille à découvrir au casque pour ne rien rater des subtilités du mixage.

Pouvezvous vous présenter au public français ?
Je suis originaire de Quito en Équateur et je mélange musique traditionnelle de mon pays et rythmes électroniques. Mais je suis né à Limoges et je n’ai vécu que trois ans en France, avant que mes parents ne retournent en Équateur. Ils ont cependant toujours gardé un lien très proche avec la France, voilà pourquoi je suis très heureux de présenter mon album ici chez vous.

On connaît mal l’Équateur, à quoi ressemble votre pays ?
Beaucoup de personnes pensent que L’Équateur est un pays tropical mais nous avons beaucoup de montagnes donc beaucoup d’oxygène. La partie andine de mon pays, à l’Est englobe une partie de l’Amazonie. Coté musique, il se passe beaucoup de choses en ce moment avec des groupe Evha. Ils mixent aussi le folklore de mon pays avec des beats électro mais ils sont plus influencés par les sonorités que l’on trouve sur la côte Pacifique. Il y a bien sur aussi cette déferlante techno commerciale qui a envahi les clubs du monde entier mais il existe bien une scène locale très particulière.

Comment avez vous découvert la musique électronique ?
J’ai découvert ce mouvement grâce à des compilations comme « Global Underground » de James Lavelle (NdR : le fondateur du label Mo’Wax et du groupe Unkle), les séries Costes de Stéphane Pompougnac et, bien sur, Saint Germain. En 2000 je suivais avec beaucoup d’attention le mouvement minimal créé à Berlin. J’adorais le travail de structures sonores. J’ai commencé à jouer des percussions dès l’âge de 12 ans, plutôt dans la scène jazz mais je suis tombé assez vite dans la musique électronique. À l’âge de 15 ans.

Comment vous est venue l’envie de mixer la musique traditionnelle à celle de l’électro ?
Vivre en Amérique du Sud, c’est être exposé toute la journée aux musiques traditionnelles qui passent à la radio, dans les bars ou à la télé. Inconsciemment on assimile ces sonorités. En 2011, je produisais de la house et de la techno et j’ai commencé à intégrer un sample de flûte amazonienne. C’est devenu Sanacion, le premier titre de l’album. Ça a été une révélation ! Je me suis dit en le réécoutant : « Voilà, c’est exactement ça que je veux faire maintenant ! »

Comment travaillez-vous concrètement ?
C’est un peu compliqué… J’aime beaucoup enregistrer plein d’instruments joués en live dans mon studio, mixés avec des samples que je recherche un peu partout sur le net. Je suis un peu un ethnologue sonore ! Je travaille plus sur la musique traditionnelle et folklorique que sur la musique ancestrale. Notre folklore équatorien est influencé par l’Afrique, par des instruments comme le marimba qui vient du Pacifique, mais aussi par les Indiens amazoniens. Voilà pourquoi il y a beaucoup de chants shamaniques issus de l’Amazonie. J’ai donc mené une véritable enquête sur l’histoire de la musique de mon pays que j’ai essayé de retranscrire de la manière la plus sincère possible. Je voulais vraiment respecter cette histoire car on ne peut bien parler que de ce que l’on connait !

Marier musique traditionnelle et électro, estce une démarche politique?
Personnellement, je ne le fais pas pour des raisons politiques. Maintenant, on peut bien sûr y entendre un message écologique sur la préservation de cette culture menacée en Amazonie. Le cadre de vie des Indiens se restreint de plus en plus… Donc, peut être qu’effectivement il y a un message politique. Et puis, je suis assez lassé de l’invasion de la musique occidentale que l’on entend partout dans le monde. Il n’y a plus de spécificités locales. Voilà pourquoi, je pense que travailler le folklore apporte une vraie fraîcheur dans cette scène formatée ! »

Propos recueillis par Willy Richert

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