Parov Stelar : « Live@Pukkelpop »

Marcus Fureder est à l’image de sa musique : souriant et ouvert d’esprit. L’Autrichien a émergé sur la scène musicale au début des années 2000. DJ d’électro, il a peu à peu intégré des éléments de swing dans sa house et a conquis, en toute discrétion, un très large public. Aujourd’hui, il est capable, avec son projet Parov Stelar, de remplir des stades et de se produire dans les plus grands festivals du monde. Riffx l’a rencontré à quelques heures de son concert parisien, dans les loges du Zenith où il est venu défendre son dernier album.

Juste avant cette entrevue, vous étiez en train de signer des platines vinyle, c’est une nouvelle forme de promotion ?
C’est un moyen de rester proche de mon public français. Il faut comprendre que je n’ai pas grand-chose à voir avec le show business dans le sens où ce que je produis n’est pas planifié. Il y a de la sincérité dans ma démarche et je crois que les gens le perçoivent. Il faut toujours se rappeler que sans le public on n’est peu de chose. Le public français est l’un des premiers à avoir accroché au projet Parov Stelar, et cela compte beaucoup pour moi. Vous êtes très entier ici : si vous aimez un groupe vous êtes à fond et vous le montrez. Et si vous détestez, vous le faites savoir. Ça me va très bien.

Ma mère aime votre musique et mon petit neveu de sept ans aussi. Comment vous expliquez cela ?
C’est assez incompréhensible pour moi. J’ai grandi avec la musique électronique et parfois la techno est moins émotionnelle avec son aspect hypnotique. Avec Parov Stelar, je souhaite amener de l’émotion justement, grâce à une structure proche de la pop. C’est peut-être cela qui touche les gens : mes concerts ne sont pas des rave parties mais pas non plus des concerts rock, c’est un mélange des deux qui peut expliquer l’intérêt de tous les publics.

Vous jouez dans des festivals énormes et dans les plus grandes salles d’Europe. Vous ne regrettez pas l’époque où vous jouiez dans des salles aux dimensions plus humaines ou des petits clubs ?
J’ai joué pendant de nombreuses années dans des clubs et des petites salles mais il est essentiel pour un artiste de progresser et de convaincre de plus en plus de personnes. Ce n’est ni une question d’argent, ni une course à la célébrité. Bien sûr les salles à taille humaine sont propices à une vraie proximité mais quand on joue devant 15 000 personnes qui hurlent et sautent en l’air pendant une heure et demi, l’énergie envoyée est absolument incroyable, c’est indescriptible.

Quel est votre point de vue sur la starification de certains DJ payés des millions de dollars pour juste appuyer sur un bouton sans vraiment mixer ?
La musique, c’est aussi du business. Maintenant côté artistique, même si ce n’est pas ma tasse de thé, Avicii reste un bon producteur. Il faut aussi dire que ce mec est capable de rassembler des milliers de personnes sur son simple nom. Qu’il mixe ou pas est-ce si important car au final il rend heureux des milliers de personnes. Nous sommes passés en quelques années de la techno underground à la techno commerciale. Quand le dubstep a débarqué on a trouvé cela rafraichissant et en quelques années ce genre est tombé dans l’oubli. On ne peut pas dire aujourd’hui que la musique électronique est branchée car elle est partout… même dans les disques de rock.

Un mot sur l’électro-swing dont vous êtes l’un des représentants les plus populaires…
Ce terme m’agace un peu car le swing n’est qu’un élément de ma musique, c’est très restrictif. Le swing est une musique très positive. Les joueurs de swing des années 1940 étaient les premiers ravers. Quand on vit dans une époque aussi sombre que la nôtre, cette musique joyeuse transcende les problèmes. Aujourd’hui quand tu vas à un concert, il peut arriver tant de choses. Ce que je veux apporter aux gens de la joie, de l’amour, c’est mon boulot ! Depuis les attentats du Bataclan, je ne suis plus le même et je crois que c’est le cas de tout le monde ! Il faut continuer à ne pas avoir peur mais quand on entre sur scène on a toujours cela en tête et c’est notre devoir de musiciens d’apporter de l’insouciance aux gens ! »

Pensez-vous que le succès remporté par l’électro-swing tient au fait de fantasmer une certaine période les années 1930 et 1940, « la belle époque », où la vie aurait été plus simple, plus joyeuse que la nôtre ?
Peut-être mais si on y réfléchit, cette période n’était pas si gaie. Nous sommes au sortir de la Première Guerre mondiale et pas loin de la Seconde. Mais à cette époque, juste après la dépression de 1929 les gens voulaient construire un autre monde. Il y avait de l’utopie. Aujourd’hui le fait que le public achète des places de concerts, se déplacent ici au Zénith signifie quelque chose de très fort. Toutes ces personnes nous montrent qu’elles n’ont pas peurs et veulent aller de l’avant. J’ai un immense respect pour cela. Voilà pourquoi nous, les musiciens, devons absolument continuer à nous produire sur scène. Tu imagines à quel point notre discussion est surréaliste : on parle de gens « courageux » juste parce qu’ils achètent des billets pour venir en concert ! C’est incroyable…

Vous souvenez-vous du moment où vous avez voulu convier de vrais musiciens sur scène ?
Au début de ma carrière j’étais un simple DJ. Quand je me retrouvais seul dans les aéroports, je me disais que c’était dommage de ne pas partager ce succès grandissant avec d’autres personnes. Voilà comment j’ai invité de plus en plus de musiciens sur scène. Un succès en solo n’a pas de sens, il faut le partager. Mais tout cela s’est fait progressivement. Je n’ai jamais eu de tube à la radio. Tout est arrivé pas à pas.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes musiciens qui veulent avant tout devenir célèbres ?
Si on commence une carrière avec comme but la célébrité, ça ne marchera jamais. Devenir célèbre est une conséquence. On ne devient célèbre si et seulement si on produit quelque chose qui vous ressemble. Il faut bosser, passionnément, obstinément. Et peut-être alors aurez-vous une petite chance de devenir célèbre… L’indépendance est aussi essentielle. Je vais vous raconter un truc : en 2004 quand j’ai produit le titre KissKiss, je l’ai envoyé à des dizaines de labels qui m’ont tous répondu par la négative. Comme j’y croyais vraiment, j’ai travaillé pendant trois mois à l’usine pour réunir de l’argent. J’ai sorti le maxi avec mes propres fonds. C’est comme cela que tout a commencé !

Willy Richert

Découvrir :

Parov Stelar – Live @ Pukkelpop – March 11th 2016