Alan Lomax : chasseur de trésors

On célèbre cette année le centenaire de la naissance d’Alan Lomax, fameux musicologue américain à qui l’on doit l’enregistrement, la sauvegarde et la découvert de pans entiers du patrimoine musical des États-Unis, et plus encore.

Sans lui, nous n’aurions peut-être jamais écouté Leadbelly ou Muddy Waters, des géants du blues qui ont inspiré des générations de musiciens, à commencer par les pionniers américains du rock dans les années 1950 puis les jeunes groupes anglais des années 1960, comme les Rolling Stones. Lui, c’est Alan Lomax (1915-2002), qui a passé sa vie sur les routes à collecter des enregistrements pour le compte de la Bibliothèque du Congrès américain. Quand il y est engagé en 1937, il a déjà une certaine expérience dans le domaine, malgré son jeune âge (22 ans). Son père était lui-même musicologue et folkloriste. Avec lui, le jeune Alan s’est rendu dans les États du Sud pour y enregistrer des chants de prisonniers et travailleurs noirs. Son travail consiste à collecter, archiver et donc sauvegarder ce qui relève des traditions orales.

Des voyages à la découverte d’artistes inconnus

Dans les années 1930 et 40, il s’intéresse au Sud des États-Unis mais aussi au Midwest et à la Nouvelle-Angleterre, ainsi qu’aux Caraïbes. Dans les années 1950 et 60, c’est davantage en Europe qu’il travaille (Italie, Espagne, France, Roumanie) mais aussi au Maroc. Ses enregistrements documentent des chants et musiques traditionnels. Il écrit aussi énormément de livres, des essais et des témoignages.

Gardien du son

Mais le grand public le connaît davantage pour ses productions discographiques et les artistes qu’il a découverts ou accompagnés. Dès la fin des années 1930 et jusqu’au début des années 1960, sa production est soutenue et couvre l’ensemble de ses zones d’intérêt géographique. Mais ce sont ses publications consacrées aux États-Unis qui ont un impact décisif, en faisant découvrir à beaucoup des chanteurs aussi importants que Woody Guthrie, Pete Seeger ou Leadbelly, influences déterminantes sur la nouvelle vague folk des sixties (Bob Dylan en tête). C’est une influence musicale mais aussi politique : en bon progressiste, Alan Lomax s’est intéressé aux chants de la minorité Noire et donc à ses conditions de vie souvent médiocres. Pendant plus de cinquante ans d’une activité professionnelle dense (collectes, éditions discographiques, livres, films), Alan Lomax a accompli un travail inestimable d’une incroyable richesse. Pour en prendre la mesure, on peut voir et entendre ses archives, qui sont aujourd’hui disponibles en ligne : http://www.culturalequity.org/lomaxgeo/

Vincent Théval

Lead Belly – Where Did You Sleep Last Night? (1944)

Crédit Photo : © Marikel Lahana