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On ne pensait plus revoir cette féline de sitôt. Indépendante, émotive, attachante, Cat Power avait fait une fugue depuis six ans, ne nous gratifiant que d’un album de reprises en 2008. C’est donc en ronronnant que l’on accueille à nouveau l’Américaine et avec surprise que l’on découvre les changements : partie chatte sombre elle nous revient panthère tigrée. L’effet « Sun », titre de son tout nouvel album, éclaircit sans conteste son pelage et sa musique.
Elle aura tout vécu Cat Power : enfant du sud des États-Unis ballotée entre deux parents hippies séparés, amoureuse déchirée à l’extrême par des hommes ne lui offrant ni stabilité ni réconfort, femme aux tripes à l’air, aux excès nombreux, au spleen en chute des fonds de l’âme et en tentative de la rendre. De son vrai nom Charlyn Marie (« Chan ») Marshall, elle débarque au milieu des années 90 avec un grunge qui narre ses noirceurs et fera de ses tristesses sa somptueuse signature. En huit albums elle aura transformé les larmes en rock, grunge, folk et même soul. Mais rien ne nous préparait à cette visite de la pop synthétique dans son neuvième disque, nouveau panorama poussé jusqu’à l’utilisation d’un auto-tune sur la voix. Nous sommes désormais loin de l’aspect brut d’une simple guitare, de la profondeur simple d’un unique piano, ou d’un son root et frontal. Ici les superpositions et les effets sont rois, l’électronique pointe son nez, les arrangements sont très présents, voire dansants par endroits. Un comble.
Voyage et musique
Et Chan Marshall raconte cette genèse incroyable à qui la rencontre. Parce qu’elle est comme ça, pudique, généreuse, hypersensible, naturelle avec un besoin de donner sans limites. Elle narre donc un peu partout qu’il lui aura fallu quatre ans pour faire naître « Sun », autant d’endroits différents et la totalité de son compte épargne-retraite dépensé soudainement pour une location de maison à Malibu et du matériel à foison qu’elle était bien décidée à utiliser toute seule.
Il y a d’abord eu cet ami qui, en entendant les ébauches de ce qu’elle comptait faire lui avoue qu’une fois de plus sa création est sombre, triste, morose. Vexée Chan jette tout au panier. Mais quelques mois plus tard le démon de la musique lui titille les envies et elle s’enferme en studio à Los Angeles où elle vient de s’installer avec son compagnon d’alors. Mais les musiciens qui attendent sans rien proposer, l’ingénieur du son qui se meurt de désœuvrement tant elle n’aboutit à rien, tout cela va lui faire jeter l’éponge une seconde fois. C’est alors qu’elle dilapide ses économies pour s’enfermer seule à Malibu, puis, à court d’argent, se replie dans son ancien appartement à Miami.
French touch
Au bout de cette course effrénée elle tient enfin l’esquisse de ce qui sera ce neuvième album. Mais elle ne veut absolument pas sombrer une fois de plus dans le dépressif et le mou, ni travailler avec un producteur (ce que son label l’encourage pourtant à faire). C’est à ce moment que s’entame la dernière partie de l’histoire de « Sun », la plus décisive dans ce que ce disque sera : la France.
C’est le hasard des ondes radio qui a été déterminant. Un jour en voiture, Chan entend le dernier titre des Beastie Boys et se prend d’amour pour le traitement du son. Sitôt de retour chez elle, elle fait une recherche sur internet pour savoir avec qui le groupe avait travaillé et découvre l’existence d’un français : Philippe Zdar, la moitié de Cassius, duo de french-touch qui aura marqué la fin des années 1990. Deux mails échangés plus tard et la voilà partie pour Paris où elle s’installera pour huit mois de travail. Les derniers.
Le fond et la forme
Un long chemin donc pour que s’éclaire enfin « Sun ». Un album qui débute d’emblée dans cette couleur imprévue avec Cherokee, chanson hommage à une partie des origines de la féline mais également à une de ses amies artiste-peintre, disparue au bout d’une corde au grand chagrin de la chanteuse. Le ton est donné : si musicalement l’objet est plus lumineux, les paroles ne sont pas aussi ensoleillées. À travers les onze titres du disque, et jusque dans celui de presque onze minutes en duo avec Iggy Pop, Cat Power reste, au fond, elle-même. Il n’y a que la forme qui change. Le minimalisme et le dépouillement reviendront peut-être. Mais aujourd’hui elle veut sourire pour cacher les larmes.
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