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Avec leur nouvel album, les Strokes provoquent un débat. Loin du rock garage qui a fait les heures de gloire du quintet américain, « Comedown Machine » s’engage sur les chemins d’une pop synthétique marquée eigthies qui ne convainc pas la presse musicale et désarçonne les fans. Pour certains, ce disque mérite son titre, d’autres tentent de trouver les restes d’une formation qui avait marqué le début du siècle. Houle déferlante pour sujet complexe.
Nous sommes très loin du « This is it » sorti en 2001, de ses guitares tendues, de ses riffs en forme de signature qui ne laissaient jamais de doute sur leurs créateurs, loin également de la voix nonchalante et reconnaissable de Julian Casablancas. Avec ce premier disque, The Strokes étaient devenus la marque de fabrique d’une jeunesse qui se secouait alors les cheveux en aimant le rugueux et la mélodie à la fois. Plus de dix ans après, leur cinquième album laisse perplexe.
Groupe au bord de la crise de nerfs
Alors il est vrai, le changement de cap avait été dessiné avec « Angles » (2011) qui n’avait déjà pas attiré les hourras. Mais la communauté des blousons de cuir mettaient alors ce fait sur le compte d’un groupe au bord de la rupture. Casablancas était absent du studio, les autres membres ne communiquaient avec lui que par mail, chacun s’enorgueillissait d’un projet solo… les spécialistes avaient alors chanté la mort du cygne et « Angles » avait été rangé dans la case des échecs à ne pas retenir.
Tout le monde évolue
La surprise fut grande quand l’annonce de ce « Comedown Machine » est tombée. Non seulement The Strokes ne sont pas morts, mais rabibochés et n’attendant cette fois pas six ans pour ressortir, ils persistent et signent dans la nouvelle voie. Cette dernière n’est donc pas due à une formation moribonde mais bel et bien à un choix délibéré. Parce qu’évidemment quand on a la trentaine passée, les envies ne sont plus les mêmes que lorsque l’on a vingt ans. Le monde voudrait les artistes immuables, gravés dans le marbre de ce que l’on a toujours aimé d’eux sans jamais leur autoriser le sort de tout autre être humain : prendre de l’âge. Et l’un des problèmes des Strokes est niché là : on ne leur pardonne pas l’envie différente, la production plus mature, moins directe.
Inspiration 1980
Malgré cela, et même si on admet qu’un virage puisse être légitimement engagé au déficit de nostalgies toutes personnelles, Comedown Machine présente bien d’autres failles plus délicates. Nombreux sont les titres (à commencer par le premier, entrée en matière discutable) à la synthétique caricaturale et transparente sur lesquelles on peine même à reconnaître la voix de Julian Casablancas tant ses flirts avec les hauteurs peu inspirées ne sont pas représentatives de son talent. Avec force de claviers et de sons trop fabriqués, le quintet se noie sous une surproduction des mélodies peu efficaces ou tuées dans l’œuf de la tendance. Le plus grand reproche à lui faire est donc d’avoir cédé aux sirènes de la mode qui veulent absolument faire croire que le kitsch des années 1980 est une valeur inestimable à exploiter à tout prix.
Strokes 2.0
Sur quelques rares titres cependant (50/50 étant le meilleur exemple), les traces des Strokes d’antan ressortent comme des clairières bienfaisantes où l’on s’abreuve avant de traverser à nouveau une forêt pop dont l’identité traine de la patte. Mais là aussi, quelques surprenantes plages savent nous cueillir avec surprise, comme le dernier morceau de l’album Call It Fate, Call It Karma, plus délicat et incarné, avec une pointe jazz à l’appui léger. Rien qui n’explique un lynchage haut et court donc, rien non plus qui fasse crier au génie. Comedown Machine est finalement un premier album prometteur d’un nouveau groupe dont le meilleur reste à faire. Et c’est sûrement ce que tout le monde se serait accordé à dire si les Strokes avaient changé de nom pour présenter leur nouvelle voie comme un tout nouveau projet naissant.
Marjorie Risacher
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