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Cyesm est loin des mondanités parisiennes, loin du système de l’industrie du disque, loin de l’archétype de l’artiste branché qui se montre. Enfermé dans son studio au cœur de la ville du Mans, ce jeune compositeur et producteur tricote un trip-hop intelligent, va pêcher les voix dont il a besoin dans le vivier des jeunes talents et offre des sons en paysages et en voyages intérieurs. Sa musique cinématographique semble couler de source, sans jamais discontinuer dans la quantité et la qualité. Rencontre avec un magicien du son à l’esprit aussi vif que son talent.
« Fragments », le dernier né de vos albums est déjà le 17e en à peine huit ans. Vous êtes particulièrement prolifique…
Je suis toujours surpris quand on me dit ça parce que je ne le vis pas comme une performance. Je compte autrement : il y a 365 jours par an, je fais trente morceaux pendant ce laps de temps, du coup c’est une moyenne qui ne fait pas tellement rêver. Je ne fais ni tournée, ni scène, donc je gagne énormément de temps par rapport aux autres artistes. Et en plus je suis un gros bosseur.
Quand vous commencez un titre, vous savez qu’il va apparaître sur un album ou faites-vous juste de la musique pour regroupez ensuite certains morceaux ?
En général je suis plutôt en roue libre. Tous les jours je crée de la matière et au bout d’un moment je me rends compte qu’il y a cinq ou six débuts de choses qui pourraient former un ensemble. De là j’essaie de comprendre comment, pourquoi. J’essaie de construire une thématique. Ensuite, je crée dans cette optique-là, c’est-à-dire que le processus s’inverse.
Vous avez beaucoup de collaborations, de featurings. Qu’est-ce qui vous fait choisir telle ou tel interprète ? Ce sont des histoires humaines ou de voix ?
Les deux. Parfois c’est une voix, parfois c’est un talent, parfois c’est un humain, parfois c’est une curiosité. Il y a presque autant de raisons que de cas. J’ai évidemment des attentes auprès de ceux avec qui j’ai déjà travaillés avant. Je leur propose des morceaux qui me paraissent cohérents avec leur esthétique. Mais il y a vraiment plein de façons de fonctionner. Parfois j’envoie plusieurs titres en leur disant de choisir, parfois je sais que c’est obligatoirement telle personne pour tel morceau sinon rien. Ce ne sont jamais des gens de très grande notoriété. D’abord parce que dès que l’on approche un chanteur un peu connu, c’est toujours accompagné d’un paquet de contraintes, de contrats, d’obligations et ce sont des choses qui m’ennuient profondément. Comme il y a plein de belles voix de gens que l’on connaît moins et que je ne crois pas qu’elles soient moins intéressantes, je préfère me concentrer sur cette démarche.
Parfois vous utilisez quelques musiciens additionnels. Qu’est-ce qui fait que vous décidez de tout faire vous-même ou de faire appel sur un titre à quelqu’un pour un instrument particulier ?
Je ne suis pas un très bon instrumentiste et, grâce à l’ordinateur, j’arrive en général à mes fins. Mais pas toujours. Parfois le résultat n’est pas à la hauteur de mes attentes. Et je sais que la seule façon de dépasser ça est de faire appel à quelqu’un dont c’est le métier. Là aussi j’essaie d’appeler des gens qui semblent cohérents avec mon besoin précis. Il y a autant de façon de jouer de la guitare qu’il y a de guitaristes. C’est vraiment très rare que ces intervenants fassent des choses que j’aurais pu faire seul. C’est évidemment de bien meilleure facture.
Votre musique est très cinématographique et on vous sait amoureux de l’image. La composition de BO est quelque chose qui vous intéresse ?
J’en ai écrites pour des courts métrages. J’ai également fait des B.O. imaginaires, pour des films qui n’existent pas. En fait, la musique en elle-même est assez forte pour raconter une histoire, évoquer un paysage… Enregistrer un morceau, c’est déjà dire beaucoup de choses sur lui. La façon dont on l’enregistre en tous les cas, c’est déjà un regard. Je crois que le point commun avec la vidéo ou la photo c’est que c’est un point de vue. La scène peut être identique, mais la différence dépend de qui pose quelle caméra et comment, qui pose quel instrument et comment. C’est plus ou moins intéressant, plus ou moins pertinent. Si on enregistre une voix à dix centimètres ou à quarante centimètres, avec un micro de type A ou un micro de type B, ce sont finalement les mêmes problématiques que les gens qui font du cinéma : quel objectif utiliser, avec quelle focale, à quelle distance je me mets, qu’est-ce que je fais apparaître du fond… Pour moi il y a une similitude réelle.
Vous êtes producteur de vos disques et vous les laissez tous en libre écoute sur le Net, même si évidemment on peut aussi les acheter en ligne. Qu’est-ce qui a guidé ce choix ?
C’est actuellement une situation économique difficile, mais je trouve que ne pas se rendre disponible auprès d’un public pour des raisons d’argent, c’est perdre un peu de vue la raison pour laquelle on créé. Si je n’avais pas de velléités à être entendu, je ferais de la musique dans ma chambre et c’est tout. J’accorde moins d’importance au fait de vendre que d’être écouté. C’est intéressant que les gens prennent de leur temps pour écouter ce que j’ai fait. Je ne me sens pas l’obligation de les faire payer. Parce qu’en plus là on est entre nous, entre Français qui avons des revenus. Mais Internet, c’est aussi être entendu en Russie, en Ukraine, en Chine. Tout le monde n’habite pas dans la même réalité que la nôtre. Interdire ou restreindre l’accès, cela me paraît personnellement compliqué. Après, évidemment, c’est mieux si ça génère de l’argent… mais est-ce que cela ne renvoie pas tout simplement à la responsabilité de chacun ? « Moi j’ai les moyens d’acheter de la musique donc j’en achète, moi je n’ai pas les moyens donc je n’en achète pas et je l’écoute ». J’espère vraiment que cela renvoie à ça.
Propos recueillis par Marjorie Risacher
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Cyesm – Supposed to Burn
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