Darkel ne prend pas l’Air !

La moitié du mythique duo Air continue son aventure solo sous le nom de Darkel. Jean-Benoît Dunckel s’est confié à Riffx sur la fin de Air, son avenir et les jeunes pousses de l’électro français.

Darkel est un projet solo, une parenthèse ou… autre chose ?
Ce que je fais en solo, c’est du lâcher-prise, certainement pas de la musique commerciale formatée. C’est le futur qui me dira si c’est un « side project » ou non. Je vais faire un album pour la fin d’année et enfin un live. Je n’ai pas pu en proposer pour mon premier album car à cette époque nous avions produit avec AIR l’album de Charlotte Gainsbourg (« 5:55 ») et sorti le AIR 2 à deux mois d’intervalle. Donc humainement c’était impossible.

En écoutant ce deuxième album, « The Man of Sorrow », peut-on deviner votre apport musical au sein de Air ?
Oui je pense. Bien entendu il y a des harmonies et une âme communes mais Darkel est plus expérimental. On reste toujours dans cette atmosphère cinématographique mais on se rend compte que Nicolas Godin amenait ce côté musique électronique. Je trouve que la modernité est à trouver dans les traitements de la batterie, des percussions et, de manière générale, dans celui du travail de production. L’électronique peut mal vieillir.

Votre travail très léché de production peut-il s’apprécier sur un format MP3 ?
Non, mais nous le serons très vite. C’est pour cela que je sors ce maxi en digital et en haute définition. Je me demande comment le MP3 a pu perdurer si longtemps d’ailleurs… Techniquement aujourd’hui le débit sur Internet permet le transfert de fichiers haute définition et, comme tout est business, nous allons voir rapidement arriver de nouveaux équipements et des albums remasterisés. C’est exactement ce qui se passe avec les casques et les enceintes en bluetooth. Les grosses compagnies vont s’y mettre car pourquoi se priver de vendre un fichier 1,30 € au lieu de 1 € ? Les artistes, eux, resteront toujours hélas en bas de l’échelle de redistribution.

Ces quatre titres sont très mélancoliques. Tout va bien dans votre vie ?
(Rires) Très bien même. L’artiste est souvent le contraire de sa musique. Elle est souvent le médicament du musicien, c’est elle qui le calme. Quand tout va bien dans ta vie, t’as plutôt envie de faire de la musique qui intrigue, qui va au fond des choses…

N’y a t-il pas un côté suranné à produire de la musique ultra léchée en 2015 ?
Ma musique est assez caressante donc l’hyper compression et le côté rêche ne fonctionnent pas. Il faut un aspect caressant et une production très travaillée. Et puis, de toutes façons, je ne suis pas dans l’air du temps. Peut-être au niveau de l’image mais pas dans la pure production musicale. Il est plus intéressant de créer l’air du temps que de le subir.

Le titre Satanama est très intriguant avec ses 14 minutes hypnotiques.
Santanama est un mantra de yoga que je pratique depuis plusieurs années. Tu es en position du lotus et tu répètes ce mot « satanama ». L’esprit de ce morceau représente cette chaleur intérieure qui monte dans ton corps. Là encore ce n’est pas du tout dans l’air du temps mais je prends les choses à l’envers, c’est ma seule chance pour que ma musique soit vraiment entendue. Dans les singles qui tapent aujourd’hui c’est difficile de se faire remarquer !

Est-ce qu’être la moitié de Air vous facilite les choses ?
Oui. Je ne pars pas de rien, il y a une fan base qui va s’intéresser à mon travail. Mais d’un autre côté, on peut m’accuser d’être un sous-Air. Aujourd’hui, Air c’est du passé pour moi !

Justement quel regard posez-vous sur les vingt années passées au sein de Air ?
Beaucoup de choses positives car notre carrière nous a amené aux quatre coins de la planète et nous a permis de découvrir d’autres prismes. On ne vit pas la musique de la même manière dans le monde. On a toujours été assimilé à la french touch alors que nous étions dans la musique post-club. Mais si on nous a intégré à cette scène c’est en partie dû à notre travail avec les graphistes. La french touch ce n’est pas seulement de la musique mais du visuel et de la mode. C’est une cohabitation de plusieurs mondes.

Avec les Daft Punk, Étienne De Crécy et vous, on voit les « quadras » revenir sur le devant de la scène. Comment l’expliquez-vous ?
Les Daft c’est un monde à part, une texture particulière, un peu comme De Crécy. Je rencontre beaucoup de jeunes de 20 ans qui connaissent Air. Je pense qu’on a su éviter la répétition. Dans la jeune génération, j’aime beaucoup Moodoïd par exemple, et suis fan de la froideur de Gesaffelstein. Tous ces artistes français sont les enfants de la french touch car nous leur avons montré qu’il était possible de réussir à l’étranger. On est bon en France dans l’électro, on sait se servir des machines !

Propos recueillis par Willy Richert

Découvrir :

The Man of Sorrow (JB Dunckel)