David Bowie (1947-2016) : Starman

 

Stupéfaction et tristesse : trois jours seulement après la sortie de son nouvel album, David Bowie s’est éteint dimanche 10 janvier, à 69 ans. Il laisse derrière lui 25 albums, une carrière faite de chansons et d’albums mythiques, d’images et d’expériences fascinantes, fruits d’une façon neuve d’envisager la pop. Et livre avec « Blackstar» un adieu à l’image de son parcours : audacieux et émouvant.

Entamée en 1967 sous les couleurs d’une pop proche de celle des Kinks ou des Walker Brothers, la carrière de David Robert Jones a rapidement pris des formes et des couleurs très différentes, au gré de ses obsessions du moment. À partir de 1969 et le succès de la chanson Space Oddity, qui accompagne opportunément les premiers pas de l’Homme sur la Lune, le Londonien, devenu David Bowie ne quitte plus le devant de la scène mais se réinventera en permanence. Influencé par l’art du mime, le théâtre ou la science fiction, il créé les personnages de Ziggy Stardust puis Aladdin Sane qui marquent le public en même temps que ses chansons. Les années 1970 sont un tourbillon de tubes (Changes, Life On Mars, Starman, Fame), vite accompagnées par la drogue puis la dépression. La « trilogie berlinoise » (les albums « Low », « Heroes » et « Lodger », en réalité conçus et enregistrés en 1977 et 1979 entre Berlin, la France et la Suisse – avec le génial Brian Eno), est un moment fort de la carrière de Bowie où il s’empare des musiques expérimentales et électroniques les plus pointues pour en livrer sa propre version, parfois ardue mais toujours accessible au plus grand nombre.

L’homme orchestre
C’est bien là l’un des aspects les plus fascinants de David Bowie : être resté jusqu’au bout aux aguets, curieux d’autres musiques (la soul, le funk, le jazz, la techno) et d’autres horizons. Il a certainement beaucoup emprunté mais a aussi beaucoup rendu : d’une part en popularisant des idées neuves ou jugées obscures, d’autre part en apportant une aide parfois bienvenue aux artistes qui l’avaient inspirés, comme Lou Reed, dont il produit le mythique « Transformer » en 1972, après avoir repris des chansons de son groupe, le Velvet Underground.

« Black Star », l’album du retour à la source
Dans les années 1980, le succès ne se dément pas (les tubes Let’s Dance et Under Pressure en témoignent) mais l’inspiration décline un peu. Elle commence à revenir avec l’album « Black Tie White Noise » en 1993 et plus encore avec l’extraordinaire « Outside » en 1995, nouvelle collaboration avec Brian Eno. Sur le testamentaire « Black Star », elle est à nouveau impressionnante, notamment irriguée par le free jazz et marquée par la présence d’un saxophone, le premier instrument que le jeune David apprit enfant. Une sorte de boucle bouclée, sur un album dense et tortueux, ultime œuvre qui n’a pas fini de livrer ses secrets.

Ces quelques lignes ne sauraient résumer la carrière d’un artiste complexe, qui fût aussi un acteur convaincant, dont le nom et les chansons ont résonné aux oreilles de plusieurs générations. Chacun a son morceau, son album ou sa période préférée de David Bowie, l’une des dernières grandes popstars, de celles qui ont su parler au plus grand nombre sans jamais renoncer à leur exigence.

Vincent Théval

David Bowie – Space Oddity

 

1=0 – Sabre

1=0 – Sabre