David Bowie, le passeur

Présentée à La Philharmonie de Paris jusqu’au 31 mai 2015, l’exposition « David Bowie Is » revient sur la carrière du chanteur en insistant sur son inscription dans les différentes époques traversées, sa curiosité pour les avant-gardes, et son appétit pour toutes les formes artistiques.

La première chose à faire avant même d’entrer dans l’espace dédié à l’exposition : chausser un casque. Non pas pour être abreuvé de commentaires mais bel et bien pour s’immerger complètement dans ce qui est le cœur du sujet : la musique. Dans chaque pièce, celle-ci est reliée à une source visuelle précise. Et s’il faut parfois la chercher un peu avant de l’identifier. Elle n’est pas envahissante et n’accapare pas toute l’attention. Car il faut en garder, de l’attention, pour passer en revue textes, photos, tableaux, pochettes de disques et costumes qui jalonnent le parcours de David Robert Jones, alias David Bowie. Une somme colossale de documents, qui donne la mesure d’un parcours pas comme les autres mais qui est toujours rentré en résonnance avec son temps.

« Space Oddity ». Bowie s’envole vers le succès
Le début de l’exposition – notamment la salle consacrée à « Space Oddity » (1969) – est à cet égard particulièrement éloquent. C’est avec ce deuxième album que David Bowie connaît son premier gros succès. Les chansons en elles-mêmes sont accompagnées par un sens de l’histoire (la publication du single Space Oddity coïncide avec la mission lunaire Apollo 11) et une curiosité pour d’autres arts (son titre s’inspire du film de Stanley Kubrick, 2001 Odyssée de l’espace et la pochette de l’album reprend une toile de l’artiste Victor Vasarely, que l’on peut voir dans l’exposition).

Avant-garde
La suite de l’exposition est à l’avenant : riche et stimulante. On y voit bien le talent de Bowie se renouveler en permanence, intégrer ses découvertes et ses nouveaux intérêts artistiques dans ses chansons, ses clips, ses pochettes et costumes. Avec toujours un goût pour les avant-gardes, comme le montre très bien la pièce consacrée à la « trilogie berlinoise » (« Low », « Heroes » et « Lodger »), ces trois albums publiés entre 1977 et 1979, influencés par la musique électronique ou le rock allemand des années 1970.

Un artiste multiforme
Son goût pour le changement et les transformations s’incarne bien sûr dans la création de personnages : sur disque et sur scène (Ziggy Stardust ou Aladdin Sane) mais aussi au théâtre et cinéma, où il a tenu de nombreux rôles (une pièce présente de nombreux extraits de films et documents de tournage). Mais la musique aura tenu le rôle principal d’une carrière extraordinaire, quintessence de la pop dans le sens où elle a su incorporer des éléments d’une culture exigeante (littéraire, visuelle, philosophique) dans le format accessible d’une chanson. Ce que réussit à faire – à son échelle – cette exposition ludique et passionnante.

Vincent Théval