Exotica Lunatica, lauréates du Prix Public RIFFX – iNOUïS 2025 : un duo qui ensorcelle

Exotica Lunatica est un duo strasbourgeois formé en 2022, qui fusionne avec audace des sonorités ethniques, classiques et contemporaines. Porté par la soprano Eleanna Konstanta et la musicienne Daphné Hejebri, le duo, sélectionné aux iNOUïS du Printemps de Bourges Crédit Mutuel 2025, a remporté le Prix Public RIFFX by Crédit Mutuel. Une magnifique reconnaissance pour ces deux artistes, qui créent une alchimie envoûtante, mêlant chants en français, espagnol, anglais, crétois et même dans une langue inventée. Leurs performances, à la croisée des genres, explorent des thèmes mystiques, métaphysiques et transcendants, offrant ainsi une expérience sonore immersive, poétique et profondément captivante.

Racontez-nous votre rencontre

Nous nous sommes rencontrées à Athènes à la fin de l’année 2021, lors de jams, et nous avons tout de suite ressenti une affinité. C’était une rencontre fulgurante, une évidence. Quelques mois plus tard, Eleanna a emménagé en France, et nous avons pu créer ensemble de manière plus spontanée et régulière au cours de l’année 2022-2023. Petit à petit, nous avons compris que nous étions en train de construire un projet qui nous habitait profondément, avec une belle sensibilité commune. Notre envie partagée de vulgariser nos héritages musicaux et culturels afin de créer des liens entre eux nous a grandement rapprochées. Nous nous sommes également retrouvées dans notre histoire commune, notre parcours dans le monde extrêmement exigeant de la musique classique, et cette volonté d’exister à travers plusieurs prismes. Nous voulions cette ouverture pour nous-mêmes et pour les autres. Montrer que tout est possible et que nous pouvons être multiples ! Puis, sans le comprendre réellement, nous avons écrit, auto-produit et sorti notre premier album « Enter The Moon » en juin 2023. S’en est suivie une série de concerts en France, en Suisse, en Italie et même en Grèce ! Pour une première rencontre avec le public, c’était plutôt réussi et cela nous a donné envie de continuer à fond !

Comment décririez-vous votre musique ?

Nous avons récemment trouvé une dénomination : « OTTP », pour Opéra Tribal Transes Polyphoniques ! C’est une musique qui mêle différents univers, parfois inattendus, mais qui nous habitaient si fortement toutes les deux que nous avons naturellement créé des ponts  entre eux. Il s’agit de la musique classique, la musique du monde (traditionnelle grecque, moyen-orientale, balkanique, d’Afrique du Nord et d’autres) et une musique plus actuelle, influencée par des sonorités de transes tribales, mystiques et chamaniques. Une musique de sorcières, en quelque sorte !

Quelles sont vos influences ?

Au-delà de ce qui a été évoqué précédemment en termes de genres musicaux et de régions du monde, nous sommes influencées et inspirées par de nombreuses choses, tant sonores que visuelles, et même au-delà ! Nous admirons profondément les univers musicaux de Bachar Mar-Khalife, Dead Can Dance, Dhafer Youssef et bien d’autres. La musique électroacoustique contemporaine a aussi une grande influence sur la manière dont nous traitons chaque son comme une entité spécifique, qui s’articule à la fois dans sa dynamique et dans son espace. Nous aimons également profondément le cinéma, qui fait partie intégrante de nos diverses inspirations et motivations créatrices. Les films documentaires de la réalisatrice grecque Evagelia Kranioti nous ont profondément inspirées par leur aspect onirique, poétique et presque surréaliste. Nous adorons aussi la poésie surréaliste, les performances artistiques, la danse (énormément la danse, le corps, les mouvements…), et enfin, les mythes anciens, les rituels, les éléments et la nature, bien sûr !

Comment travaillez-vous ensemble ? Quel est votre processus de composition ?

Nous avons une manière très naturelle de travailler ensemble, nous écrivons assez rapidement, en quelques jours ! Nous partons d’une idée rythmique ou mélodique très vague et abstraite (c’est souvent Eleanna qui impulse ce premier élan), puis suit une session intense d’improvisation et de structuration que Daphné orchestre autour de l’idée initiale pour construire la partie instrumentale. Nous ajoutons les parties vocales, puis nous peaufinons le tout. C’est une musique composée en strates.

Nous faisons tout dans notre home studio, en enregistrant des instruments multiples et variés (nos instruments principaux, mais aussi toute une gamme d’instruments collectés, tels que le didgeridoo, l’udu, la cithare de table, le mélodica…). Nous utilisons très peu de sons électroniques, et presque aucun sample préfabriqué. Nous aimons fabriquer notre matière sonore nous-mêmes, en modifiant les sons que nous enregistrons afin de créer in fine des textures hybrides et uniques.

La langue de nos chansons arrive généralement assez tard. C’est la musique qui l’appelle, et non le sens. Nous considérons la langue comme une texture musicale en soi, et aimons par-dessus tout jouer avec les sonorités des langues que nous utilisons. Grâce à sa formation lyrique, Eleanna a eu l’habitude de chanter dans toutes sortes de langues, et de placer sa voix en fonction des phonèmes. Nous utilisons donc cela dans notre musique pour incarner véritablement chaque langue et créer une immersion totale dans la musique. Certaines chansons nécessitent des sonorités plus « rythmiques » ou gutturales, tandis que d’autres appellent une idée de douceur, de fluidité. Nous aimons aussi explorer l’étendue des possibilités de la voix et jouer avec celles-ci : chuchotements, sifflements, cris, chant lyrique, parole, murmures, halètements, chœurs, registres graves/aigus, langues inventées…

Que cherchez-vous à transmettre à travers votre musique ?

Notre univers est conçu comme un voyage à multiples dimensions. Il s’agit à la fois d’un voyage culturel et physique au sens propre, mais aussi d’un voyage sensoriel, tissé d’images, de sensations, de couleurs, d’odeurs et de saveurs. C’est aussi un voyage métaphysique, où se révèle un puissant sentiment d’introspection, semblable à un rituel purificateur. Cependant, notre objectif ultime est de créer du lien : une belle expérience collective qui rassemble et ouvre des ponts entre des mondes éloignés. Nous écrivons dans plus de sept langues, y compris des langues inventées, ce qui signifie que certains textes resteront incompris du public. Cependant, le sens littéral du texte n’est pas au cœur de ce que nous désirons transmettre. Nous adoptons une approche bien plus symbolique, imagée, surréaliste et sensorielle pour transmettre ce que nous incarnons dans notre musique. Elle est totalement ouverte à l’interprétation, et c’est cette liberté qui nous fascine profondément.

Comment s’est passé cette semaine à Bourges aux iNOUïS ? Qu’en retenez-vous ?

Cette semaine a été incroyablement enrichissante, tant sur le plan artistique qu’humain. Nous avons fait des rencontres, notamment avec les autres artistes iNOUïS, qui nous ont profondément marquées. Nous avons tissé de beaux liens, et le programme a été conçu de manière à ce que nous nous sentions véritablement comme une magnifique équipe. Il y a eu un réel esprit de solidarité, ce qui était très précieux dans un milieu souvent compétitif. Cela nous a beaucoup émues et donné de l’espoir.

L’emploi du temps était intense, mais extrêmement intéressant. Nous avons appris des choses essentielles pour des artistes émergentes, et c’est aussi une superbe occasion de développer des contacts professionnels. Nous nous sentons profondément reconnaissantes d’avoir eu accès à cette opportunité, surtout lorsque l’on pense à la nature hybride de notre projet.

Nous sommes ressorties de cette semaine pleines d’espoir, de motivation et d’envies pour l’avenir. Les retours que nous avons reçus étaient très positifs et constructifs, et ils nous aideront à avancer encore davantage !

Que représente le Prix Public RIFFX-iNOUïS pour vous ?

Le Prix Public RIFFX-iNOUïS revêt une signification profondément symbolique pour nous. Il montre que l’ouverture est possible, que nous pouvons rassembler des publics différents autour d’une même énergie, et que la diversité a été mise à l’honneur cette année au Printemps de Bourges Crédit Mutuel, une véritable institution dans le monde de la musique actuelle. C’est un symbole très fort. Beaucoup de projets sélectionnés étaient uniques en leur genre et audacieux. Nous sommes honorées d’avoir fait partie de cette sélection et d’en sortir avec ce beau prix, qui témoigne de la sensibilité et de l’ouverture d’un public curieux !

Nous ne nous attendions pas du tout à recevoir ce prix, car nous ne sommes pas encore très développées en France. C’est donc d’autant plus gratifiant, car la petite communauté qui nous suit nous soutient réellement, et cela nous touche profondément. Notre musique repose sur l’idée du lien que nous souhaitons créer entre les êtres, et ce prix en est une belle représentation.

Vous avez des projets à venir ?

Nous avons toujours une multitude de projets en cours ! Tout d’abord, nous avons de belles dates de festivals cet été, et l’idée est ensuite de continuer à tourner autant que possible, en France, et pourquoi pas en Europe à terme ! Nous sommes également en train d’écrire notre deuxième album, dont la sortie est prévue pour le printemps 2026. En octobre 2025, nous jouerons au MaMA, ce qui s’annonce comme une expérience intense, avec les retrouvailles des lauréats iNOUïS 2025 ! Par ailleurs, nous sommes en pleine recherche pour notre prochain clip, celui de notre dernier single, « LUXURIA », sorti il y a quelques semaines. Nous adorons réaliser nos propres clips et avons hâte de commencer, car celui-ci sera un peu plus ambitieux que les précédents – un challenge que nous sommes impatientes de relever !

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Leurs bios

Daphné commence le violon à l’âge de 3 ans et forme son oreille par la musique classique (baroque surtout) qui l’entoure dès son plus jeune âge (sa mère jouait beaucoup de clavecin). Ayant des origines iraniennes, elle est constamment stimulée par les mélanges et rencontres d’univers musicaux traditionnels présents à la maison. Elle suit un parcours de musique classique en classes à horaires aménagés en lien avec le conservatoire, qu’elle fréquente pendant de nombreuses années, jusqu’à obtenir plusieurs diplômes en violon, en formation musicale, et surtout en composition de musique classique contemporaine qui fait finalement l’objet de ses études principales (Licence de composition contemporaine obtenue à l’Académie Supérieure de Musique de Strasbourg, Master de composition contemporaine obtenu à l’Université McGill à Montréal). Son activité de compositrice l’amène à écrire pour des ensembles tels que l’Ensemble Intercontemporain à la Philharmonie de Paris, l’ensemble Orbis (Lyon), le Kollektiv Unruhe (Berlin), l’ensemble MDI (Milan), le quatuor Diotima (Paris), l’ensemble TAK (New-York), Vertixe Sonora (Espagne/Chili)… Cependant multi-instrumentiste (autodidacte pour les percussions et les claviers), et toujours attirée par les musiques traditionnelles de diverses cultures, elle garde une modeste pratique instrumentale avec laquelle elle renoue définitivement lors de sa rencontre avec Eleanna.

Eleanna commence la musique à l’âge de 3 ans également, par le biais de la guitare classique, avec laquelle elle entre en contact lors d’un voyage marquant en Espagne. Fascinée par un guitariste de flamenco, elle supplie ses parents (absolument hermétiques à la musique) de lui acheter une guitare. Elle poursuit pendant des années une formation classique dans divers conservatoires d’Athènes, puis entre au Conservatoire National d’Athènes où elle commence l’étude du chant lyrique, dont elle se passionne. Elle sort diplômée à l’âge de 21 ans, décroche ses premiers rôles à l’opéra et se produit sur les plus grandes scènes lyriques d’Athènes (l’Opéra National d’Athènes, Megaron…). Grecque, elle est immergée dans la musique traditionnelle de son pays, une composante essentielle de sa culture, pour laquelle elle développe un fort intérêt. Elle s’amuse à développer des techniques vocales hybrides entre le chant lyrique et les diverses techniques de chants traditionnels, principalement grecs et balkaniques. Passionnée également de réalisation et de performance artistique contemporaine, elle intègre en 2022 les Arts Décoratifs de Strasbourg où elle obtient un master en vidéo et performance.

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