Feadz : Instant Alpha

Feadz est un artiste à part dans la galaxie électronique française. Tout d’abord par son parcours qui l’a amené des championnats du monde de Djing à la signature sur l’un des labels les plus hype du monde (Ed Banger). Ensuite par sa volonté de fer de défendre une certaine éthique de la musique et enfin pour son honnêteté chevillé au corps. Avec un large sourire et une foi inébranlable, voici un rappeur qui a su s’imposer dans le monde de la techno bien avant les fusions électro/rap au format « variétés » actuel tout en convaincant son public. Le premier album de Feadz est là pour nous le rappeler.

Pouvez-vous nous raconter votre bascule du hip-hop vers la techno ?

C’est avant tout un amour de la musique et de la manipulation des vinyles qui m’ont emmené là aujourd’hui. J’ai toujours été fasciné par le scratch. Je me suis plongé dans l’histoire du rap en achetant des maxis de funk et de soul. Puis un jour je suis tombé sur Planet Rock d’Afrika Bambaataa qui est l’essence même de la techno (des synthés avec une boîte à rythme). J’ai ensuite beaucoup aimé les maxis des Masters At Work (Ndlr : légendaires producteurs new-yorkais) qui sortaient des maxis avec en face A de la House et en face B du hip-hop. J’étais sur le bon chemin.

Comment passe-t-on du deejaying hip-hop au deeyjaying techno ?

Mixer du rap est assez restrictif car on ne peut jouer que sur les lignes de basse vu les nombreux lyrics alors qu’en techno c’est beaucoup plus créatif car les musiques sont instrumentales. On peut vraiment superposer les sons. Voilà pourquoi j’ai longtemps mixé de la techno minimale. Les perspectives de mélanger les sons sont énormes. C’est aussi une des raisons pour laquelle j’ai envoyé très rapidement mes maquettes au mythique label allemand Bpitch avec lequel j’ai signé de nombreux maxis.

On a souvent opposé le public rap au public techno, du moins au début des années 2000. Comment vous, le rappeur, étiez alors perçu dans la scène techno ?

Excellemment bien. Il faut se souvenir qu’à mes débuts, les moyens de production n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. J’avais donc souvent des petits défauts dans le son et de nombreux DJs trouvaient justement que cela apportait beaucoup de fraîcheur. J’ai été accueilli à bras ouverts ! Je ne dirais pas la même chose dans le rap : en tant que blanc, mec sympa et souriant, j’ai dû batailler pour m’imposer ! Mais quand je prenais les platines, ça s’arrangeait assez vite. Tout cela est un manque de culture dans le rap français qui ne voyait pas de pont possible entre électro et rap. Heureusement des gens comme Dee Nasty, eux, le comprenait très bien car il voyageait souvent à New York.

Vous faites maintenant parti de la prestigieuse écurie Ed Banger. Comment s’est passée la rencontre avec Pedro Winter, le boss du label ?

Je le connais depuis très longtemps et j’allais souvent lui emprunter des disques dans son bureau en échange des miens. Je me disais que si un mec de ce calibre jouait mes productions ça me ferait une bonne publicité ! Il m’a toujours encouragé, m’a expliqué vouloir créer son label et qu’il y aurait toujours une porte ouverte pour moi. Au troisième maxi de Ed Banger, il m’a demandé de faire un remixe, l’histoire ne s’est jamais arrêtée.

Revenons à votre album, vous qui êtes un spécialiste des maxis, on ne vous attendait pas avec un format album, surtout en 2014…

J’espère que ce format a encore quelques années à vivre ! C’est la faute, une fois de plus, à Pedro Winter. Il vient d’être papa et réagissait plus lentement quand je lui envoyais mes titres. Donc quand nous nous sommes vus dans mon studio, j’avais produit tellement de sons que l’idée d’un album s’est imposée immédiatement. J’ai retravaillé tous les tracks destinés, au départ, surtout aux Djs en enlevant les répétitions qui leur permettent de mixer et j’ai rajouté de nouveaux titres plus downtempo. Voilà le résultat.

Un album éclectique mais avec comme fil conducteur le dub.

J’adore le dub pour les lignes de basse. Mais j’ai voulu des choses très différentes comme le ragga. Je suis un gros fan de Mad Lion ou de Buju Banton, le funk et l’électro originel aussi. J’y ai mis toutes mes influences je crois. Je suis content du résultat.

Propos recueillis par Willy Richert

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Feadz – Metaman

Crédit Photo : © CameROscope