Tiken Jah Fakoly : Racines

C’est en reprenant War Ina Babylone de Max Roméo en 2014 lors d’un concert parisien que le rasta ivoirien a une révélation : il faut reprendre et faire connaître les classiques du reggae au plus grand nombre. Voilà comment est né « Racines ». Mais Tiken Jah Fakoly est un fervent défenseur du Continent Noir. Il reprend donc à la sauce africaine quelques-uns des grands standards du reggae. Bob Marley prophétisait que le reggae retournerait à sa source en Afrique, Tiken Jah Fakoly l’exauce tout au long de ces onze titres.

Lors de la sélection des titres, qu’est-ce qui était le plus important : la musique ou les textes ?
Les textes ! Il fallait qu’ils soient d’actualité. Quand on écoute Get up, stand up de Marley, on a l’impression que le morceau a été composé hier. De même le standard de Ken Boothe Is It Because I’m Black résonne curieusement avec ce qui s’est passé dernièrement à Fergusson, aux États-Unis !

Quel est le pont entre l’Afrique et la Jamaïque, berceau du reggae ?
L’histoire. Des milliers d’Africains ont été arrachés à leur terre lors de l’esclavage. Ils ont débarqué dans les Caraïbes avec leur musique dans leur sac. Dans de nombreuses paroles de chansons caribéennes, on parle de la Terre Mère (l’Afrique) et souvent, on évoque un retour là-bas. Je reste persuadé que bientôt, quand l’Afrique sera un continent démocratique, uni et stable, de nombreux Caribéens et Nord-Américains viendront nous rejoindre !

Ne pensez-vous pas qu’en Occident, nous avons une vision un peu clichée du reggae ?
Un peu. On oublie souvent son aspect politique. Il faut se demander ce qu’a apporté et continue à apporter cette musique au monde ! Il faut savoir que dans tous les pays africains il existe de nombreux groupes qui défendent les valeurs de paix et de justice. Cette musique va au-delà de la ganja ! Ce qui est important, c’est le combat que mènent les musiciens reggae !

Impossible de faire un album de reprises reggae sans Bob Marley ?
(Immédiatement) Impossible ! C’est le prophète du reggae ! Il a joué un rôle pacificateur en Jamaïque quand l’île était à feu et à sang. Son message va au-delà de la musique. Mais il était aussi impossible de ne pas reprendre Alpha Blondy. Il est le premier rasta africain à chanter le reggae en langue africaine mais aussi en français ! Le premier album d’Alpha Blondy est sorti l’année de la mort de Marley, c’est le signe pour moi de la relève !

Pourquoi n’y a t’il pas de chanteur français ?
Il y aurait pu y avoir Serge Gainsbourg ou même Bernard Lavilliers mais cet album évoque les « racines » du reggae et, pour moi, avec tout le respect que j’ai pour eux, ils représentent des branches de l’arbre !

On n’entend pratiquement pas de reggae à la radio, encore moins à la télé et pourtant les concerts sont pleins. Comment expliquez-vous cela ?
Le reggae ne fait pas parti de l’entertainment ! C’est une musique sacrée, spirituelle et politique. Les décideurs n’ont pas envie de mettre en avant l’aspect politique et préfèrent pousser des chansons d’amour qui ne racontent pas grand’ chose. Mais le public, lui, est toujours présent.

Chose étonnante, on retrouve des ingrédients du reggae chez les plus grandes stars américaines, voire dans le hip-hop ?
C’est vrai. Mais il y a plusieurs choses : le hip-hop en Afrique a rejoint le combat du reggae. Et croyez-moi, aucun rappeur n’est plus populaire qu’Alpha Blondy. Pour ce qui est des États-Unis, vous pensez peut-être à des gens comme Sean Paul. Je suis très partagé : si le reggae est utilisé pour défendre des valeurs positives je suis pour. En revanche, si c’est pour mettre en avant le coté « bling bling », les armes à feu et les femmes dénudées dans des piscines, ça ne me convient pas du tout. Le reggae ce n’est pas ça !

Propos recueillis par Willy Richert

En concert le 31 octobre à Bruxelles et le 05 novembre à Paris (Bataclan)

Découvrir :

Tiken Jah Fakoly – Get Up, Stand Up ft. U-Roy

Tosca : « Odeon »

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