Franklin passe la deuxième

Dans un registre electro-pop dense et romantique, le nouvel album de Franklin, Cold Dreamer, est une bonne surprise. Initialement emmené par le seul Frank Rabeyrolles, le projet est devenu un duo avec l’arrivée du producteur parisien Nicolas Lockhart. Le premier est un stakhanoviste de la scène pop française. Depuis le premier album de Double U en 2004, il a publié neuf disques sous différentes identités. La musique de Franklin est le reflet de l’évolution de ses goûts : du rock américain des années 1990 (Sonic Youth, Pavement) à la musique électronique (les labels Warp et Mo Wax). Le trait d’union entre les deux : un goût pour l’artisanat, le désir de produire de la musique hors des studios. Le deuxième, Lockhart, a mis plus de temps à ne se consacrer qu’à la musique, d’abord comme producteur puis comme compositeur. Il vient de rejoindre Franklin.

Frank, vous enregistrez beaucoup, et sous des noms différents… Qu’est-ce qui guide vos choix ?

Frank Rabeyrolles : Je ne m’interdis rien. Je n’ai jamais aimé les plans de carrière, alors enregistrer sous différents noms, inventer des projets, ça fait partie d’une certaine liberté et une envie perpétuelle de se réinventer. Double U est un projet plus orienté vers le songwriting avec des influences au départ assez floues mais une base assez folk / electronica. Franklin s’est révélé être plus electro, peut-être, mais toujours habité par une certaine idée fantasmée de la pop.

Cold Dreamer n’est pas le premier album de Franklin mais c’est le premier enregistré en tant que duo. Qu’est-ce cette nouvelle formule a changé ?

Frank Rabeyrolles : Au départ on est parti sur l’idée que Nico m’aiderait sur quelques morceaux au niveau de la production et qu’on ferait le mix ensemble. Et naturellement on s’est aussi retrouvé à faire les concerts tous les deux. Ce n’est pas un duo au sens Air ou Daft Punk. J’écris toujours les morceaux et Nico a de son côté son projet personnel. Mais cette rencontre a fait évoluer l’ADN de ma musique et Cold Dreamer occupe une place bien particulière dans ma discographie. Je pense que Nicolas m’a aidé à épurer : on a aussi essayé parfois de rendre ma musique plus légère en gardant des morceaux moins mélancoliques. On a essayé de donner plus de champ, de profondeur à certains morceaux qui étaient, au départ, très intimistes.

Nicolas, quel est votre parcours, jusqu’à présent ?

Nicolas Lockhart : Je tire un peu dans tous les sens depuis une dizaine d’années. Je travaillais dans un studio de design mobilier tout en faisant en parallèle de la production de musiques de pub. C’est une expérience qui m’a appris à travailler la production musicale de façon plus objective. Je devais faire sonner du rock, du jazz, de l’électronique… À chaque nouveau projet, j’avais un nouvel exercice de style. C’était très formateur. Puis, j’ai décidé de ne plus me consacrer qu’à la musique. J’ai mis à plat pas mal de morceaux que j’avais en tête dans le cadre de mon projet solo, Lockhart. J’y mets un peu tout ce que j’aime. Je crois que je suis le seul à l’entendre mais on y retrouve pas mal de références à Fleetwood Mac, Tears For Fears ou encore CSN. J’ai plusieurs autres projets en route dont Bleu, avec Thomas, un très bon ami et très bon producteur, avec qui on sort un EP en septembre.

Quel regard portez-vous sur cette collaboration au sein de Franklin ?

Nicolas Lockhart : Travailler avec Frank est une super expérience, on se complète vraiment bien. J’ai toujours vu une certaine sensibilité dans son écriture, un côté très poétique et fragile que je suis incapable d’approcher dans mon travail personnel. Du coup j’ai eu l’impression de toucher du doigt quelque chose de nouveau tout en amenant une production plus simple et pop.

Franck, vous avez aussi créé le label Wool…

Frank Rabeyrolles : Wool est un label collaboratif et ce que j’appelle une petite maison d’artistes. Je ne me définis pas comme un directeur artistique ou un producteur. Je sors des disques d’artistes qui proposent des projets souvent en marge de leur propre discographie. On a travaillé avec Lætitia Sadier, Com Truise, Benoit Pioulard, Foxes in Fiction, Moon Wheel… Je crois que ce label reflète assez bien la versatilité de mes goûts. Donc c’est à la fois un outil d’expression pour moi mais aussi une petite plateforme pour d’autres artistes. J’aimerais évidemment sortir plus de disques et d’albums sur Wool mais l’économie de la musique étant ce qu’elle est, ça reste finalement assez irrégulier mais nous faisons du vinyle et, je pense, du chouette travail.

Propos recueillis par Vincent Théval

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Franklin – Give Me a Break

Crédit Photo : © Fabien Dendievel

The Courteeners : Anna

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