Invitée RIFFX : Céline Mellon présente « La Bohême » en collaboration avec La Fabrique Opéra

Entre patrimoine culturel et histoire, La Fabrique Opéra – créée en 2006 par le chef dorchestre Patrick Souillot – est une association unique et novatrice qui a pour vocation de monter des opéras coopératifs en France. Au niveau régional, le Labopéra Vosges du Nord a décidé dentamer cette mission culturelle, sociale et pédagogique avec un premier spectacle : « La Bohême ». Pour cela, lassociation a fait appel à Céline Mellon – chanteuse lyrique et porteuse du projet – qui nous présente ce spectacle qui verra le jour à l’été 2022 dans le somptueux château de Reichshoffen.

Bonjour Céline Mellon, vous êtes porteuse du projet « La Bohême » mais vous êtes aussi et avant tout une artiste pluridisciplinaire. Quel est votre parcours ?

Je suis chanteuse lyrique, alsacienne, très attachée à ma région natale. J’ai eu la chance, dès mon plus jeune âge d’être au contact de différents langages artistiques : j’ai commencé par la danse à 3 ans, ce fut mon premier contact avec la scène et mon premier aperçu de ce que pouvait être le métier d’artiste. J’ai ensuite commencé le violoncelle avec Ernest Munch, descendant de la famille niederbronnoise dont est issu l’illustre chef d’orchestre Charles Munch. Dans cette famille, il y a une tradition locale et en même temps un rayonnement international, ce en quoi je crois beaucoup. Pourquoi le violoncelle ? C’est un instrument qui se rapproche énormément de la voix humaine, très charnel et romantique, je suis tombée amoureuse de cet instrument très jeune. Le chant, c’est depuis toujours, je chantais à tue-tête… Ma famille dit que c’était trop fort et tout le temps (rires). J’ai eu une révélation à 13 ans, quand j’ai entendu une chanteuse lyrique reprendre deux airs de Mozart, pendant des répétitions du chœur d’enfant dont je faisais partie à Strasbourg. L’impact vibratoire de la voix humaine m’a saisie, c’était le « coup de foudre ». J’ai pris des cours de chant avec cette femme, puis suis entrée au Conservatoire de Strasbourg, deux années plus tard à la Haute Ecole de Musique de Lausanne dans la classe de Gary Magby. J’ai eu la chance de faire mes premiers pas sur scène à l’Opéra de Lausanne, dans des rôles secondaires, puis des premiers rôles. Après ça, j’ai pas mal vadrouillé : j’ai chanté à Liège, habité Paris et Berlin, chanté à Barcelone, puis je suis devenue membre de l’académie de la Scala de Milan pendant deux ans, une expérience assez incroyable.

Conjointement avec le Labopéra Vosges du Nord, vous avez décidé de créer le spectacle « La bohème », basé sur l’opéra de Giacomo Puccini, qui se déroulera au château de Reichshoffen à l’été 2022.

C’est une nouvelle aventure dans l’écosystème local, qui a vocation de se pérenniser et de s’ancrer sur le territoire en se répétant chaque année. Pour moi, c’est très important d’être à la fois actrice et porteuse du projet en plus de ma casquette d’artiste lyrique. L’opéra a ce pouvoir formidable de rassembler beaucoup de personnes d’horizons divers, tout ça au sein d’un même projet. C’est passionnant et c’est ce qui est en train de s’opérer avec « La Bohème » : un projet montrant qu’une nouvelle industrie culturelle, innovante, où l’on replace l’humain au centre, est possible.

Comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?

Après la Scala de Milan, j’en avais assez de l’image de la diva à robe froufrous que l’on associe à la chanteuse lyrique. Je suis donc revenue à mes sources alsaciennes avec l’envie de porter des projets engagés sur le territoire, vecteurs de solidarité et d’espoir. Aujourd’hui, c’est vraiment ce qui m’anime. En parallèle, on observe une réinvention et une mutation de l’opéra, il faut proposer de nouveaux modèles. Il est important en tant qu’artistes d’incarner un changement, d’être proactifs, inventifs et engagés pour ne pas laisser le genre s’éteindre. La démocratisation de cet art passera par le développement de projets humains qui contribuent à resserrer le tissu social.

C’est là que vous avez fait la rencontre de La Fabrique Opéra.

Ce qui est étonnant c’est que je n’avais pas vu l’appel à candidatures pour les porteurs de projet recherchés par La Fabrique Opéra. Ce sont des contacts qui m’en ont parlé. C’était en adéquation avec mes valeurs et ce que j’étais en train de développer sur le territoire. Il y a un double objectif dans ce projet : démocratiser l’opéra en élargissant son public et aussi valoriser des jeunes en leur proposant de devenir acteurs du projet. C’est là toute l’articulation que propose la Fabrique opéra : apporter des savoir-faire locaux dans le processus de création. Cette rencontre avec les jeunes permet un décloisonnement naturel de l’opéra. En donnant une place à chacun, on lui permet de s’approprier une partie du projet et ainsi, peut-être, de changer sa vision sur un art qui ne lui semblait peut-être pas destiné ?

Pour monter un opéra coopératif, il faut du monde. Quels types d’acteurs sont impliqués sur « La Bohême » ?

Nous avons fait appel à des centres de formation et des lycées, qui risquent de s’étoffer d’ici l’année prochaine. Par exemple, pour la coiffure on aura le centre de formation Koehler Coiffeur qui a 18 stagiaires en formation. Là aussi c’est une histoire familiale vertueuse, partie de Reichshoffen jusqu’à Strasbourg. Une belle réussite locale. Ils sont heureux de voir qu’il y a un projet ambitieux qui vise à redynamiser tout le territoire des Vosges du Nord. On a eu le même type de réponse du lycée Heinrich Nessel pour tout ce qui est menuiserie, serrurerie etc. Il y a également le CFAI de Reichshoffen parmi nos partenaires. Nous allons essayer de débaucher des jeunes pour créer notre « chœur des industries ». Il y a aussi l’IUT de Haguenau, pour tout ce qui est graphisme et métiers du multimédia. Pour les costumes, deux associations d’insertion : Tremplins qui est basée à Sélestat et Tricot couture à Vandœuvre-lès-Nancy. Ça fait beaucoup de monde. Pour le volet artistique : la Camerata « Ataremac » qui est un jeune ensemble d’instrumentistes sortant de hautes écoles de musique ou de CNSM. On a vraiment des artistes de haut vol pour tenir cet orchestre de « La Bohème ». Avec eux, il y aura bien sûr des solistes professionnels, on vise l’excellence artistique à travers le projet. Plusieurs chœurs d’enfants au niveau local seront également présents, ils vont vadrouiller dans le public et sur scène. Pour former « le chœur des industries », on lance un appel à tous les salariés des entreprises voisines et aux habitants de la région des Vosges du Nord qui souhaitent venir chanter avec nous et rejoindre cette aventure. En tout, il y aura environ 400-500 personnes mobilisées sur cette « Bohème ».

Comment est née l’idée de « La Bohème » ?

La bohème est un thème universel qui est présent dans toutes les mémoires collectives. Cet esprit de « bohème » est une invitation au rêve, au voyage perpétuel, il nous rappelle que même dans la misère, ce sont tous les petits signes de poésie qui redonnent espoir. C’est ce que Puccini a réussi à restituer de manière simple et touchante dans cette œuvre. C’est un pari osé. Il faut s’imaginer qu’on essaie de recréer cet esprit originel de l’opéra, quand les gens venaient au théâtre, c’était pour « vivre ensemble », échanger, rire, manger… Il y avait à la fois la musique et du lien social qui se créait à l’opéra. C’est ce qu’on va essayer de refaire apparaitre sous la forme d’un pique-nique champêtre dans le parc du château de Reichshoffen : il n’y aura pas de gradins, les gens feront partie intégrante du décor, « La Bohème » se vivra sur scène et dans le parc, il y aura un marché du terroir et des métiers. Le public pourra ainsi déambuler librement avant le spectacle, une invitation à rêver, une mise en bouche de ce qui suivra pendant la soirée.

« La Bohème » se déroulera donc au château de Reichshoffen, un lieu et un territoire remplis d’histoire. Un choix évident ?

Oui, le choix a été évident. Le château de Reichshoffen est un symbole du patrimoine culturel et historique de la région. C’est un projet qui redonne vie à ce château et lui donne une place au XXI siècle. C’est aussi le plaisir pour les locaux – dont je fais partie – de voir ses portes s’ouvrir pour accueillir des évènements qui valorisent notre région, font connaitre notre histoire et apercevoir notre singularité. Le château c’est un parti pris, je crois qu’en ce lieu peut s’opérer un double éveil entre culture, histoire et nature. C’est un lieu fort qui suscite l’intérêt et éveille les curiosités…

Quelles valeurs souhaitez-vous véhiculer à travers le projet ?

On est dans une démarche d’ouverture et de solidarité, des valeurs véhiculées par le Crédit Mutuel. Intrinsèquement, je crois que l’on recherche cette liberté et cette égalité vertueuse. Au-delà du projet, je crois que c’est ce à quoi on aspire pour notre société. On est dans une recherche de partage, d’optimisme et de création de lien. Plusieurs projets de co-créations gravitent autour du Crédit Mutuel, animés par ce même esprit de créer des synergies. On crée une dynamique, on impulse des idées et des valeurs. En portant un projet ancré et cohérent avec son territoire, on lui porte de l’intérêt. Par phénomène de ricochets, cela nous pousse à nous remettre en question, à nous adapter, à nous ouvrir pour aller vers l’autre. C’est très intéressant en fait ! Ce qui pourrait apparaitre comme une « contrainte », s’ouvrir à tous les publics, devient une véritable source de richesse.

Quand la billetterie sera-t-elle ouverte au public ?

Les représentations de « La Bohême » auront lieu les 24, 25 et 26 juin 2022. Les réservations seront ouvertes dès le mois de septembre prochain sur un site à venir.

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