Les Femmes à l’honneur : Madonna

Avec le succès de sa tournée Celebration, Madonna prouve qu’elle reste la reine – aussi inspirante qu’indépassable – de la pop. Souvent imitée, jamais égalée !

 

Elle a fait du girl power le plus puissant des outils performatifs, elle a déniaisé la pop sans ménagements, elle a incarné l’American Dream dans toute sa splendeur avant de le remettre en question. Qui d’autre que Madonna pouvait faire autant de bruit ?

Pourtant, rien ne lui était acquis lorsqu’elle voit le jour en 1958, dans une famille américaine d’origine italienne, à Détroit. Peu d’argent, peu d’affection, une scolarisation chaotique. À 20 ans, comme une Patti Smith quelques saisons plus tôt, Louise Ciccone part à New York pour vivre de son art. Dans ses poches, 35 dollars et quelques piécettes. Très vite, elle écume les clubs, tombe amoureuse de Jean-Michel Basquiat, se fait remarquer par Martha Graham, qui lui dispense des cours. Et si son premier album éponyme, paru en 1983, la présente comme une sensation pop éphémère, elle instaure un look et un langage malicieusement provoc avec Like A Virgin, l’année suivante. Refusant d’être jetée comme un vulgaire objet de consommation, Madonna veut durer. Et pas en se soumettant aux diktats patriarcaux. Décidant de s’approprier pleinement la sexualisation de son corps, elle cultive un lexique sexuel, poussé à son paroxysme sur le très féministe Erotica, en 1992. Il sera incompris – comme un American Life qui, en 2003, dénonce le système politique états-unien.

Lorsqu’elle atteint la quarantaine, âge canonique dans la pop, Madonna aurait pu alors disparaître. Mais c’était sans compter la ribambelle de tubes qu’elle a produit, de Holidays à Frozen, de Like A Prayer à Secret. Addictifs pour toujours, régulièrement repris, propices aux fêtes, à l’amour ou à la mélancolie. De plus, son flair artistique se confirme : sur Ray of Light (1998) où elle fait appel à William Orbit et le tour de force de Music qui, en 2000, annonçait la pop du XXIe siècle. Son alliance avec Mirwais, outsider de l’entertainment, donne naissance à un écrin entre organique et synthétique, d’une immédiateté et d’une intelligence rares. Son dernier album en date, le complexe Madame X (2019), embrasse tant le fado que le reggaeton ou le disco 2.0.

Entre temps, Madonna est devenue mère : de Lourdes, en 1996, puis de Rocco, David Banda, Mercy et de jumelles, Esther et Stella. Une tribu jamais très loin d’elle, tandis qu’elle change de compagnon (ou de compagne) à sa guise, souhaitant avant tout se dévouer à sa musique et à un quotidien tant chargé en spiritualité qu’en recherches artistiques. Et si elle a été récemment critiquée pour ses recours à la chirurgie esthétique, elle n’en a cure. Madonna refuse d’être rangée dans une case parce qu’elle est une femme de plus de 60 ans. L’énergie et les idées, elle les a toujours… Comme celle de faire appel au collectif de danse inclusive La Horde, qui est également à la tête du Ballet National de Marseille, pour chorégraphier sa tournée (à guichets fermés) Celebration. Sur scène, entourée de danseurs de voguing – qu’elle a jadis contribué à populariser dans le monde entier – elle convoque le passé sans oublier d’être ancrée à un présent qui ne doit cesser de lui rappeler ce que toutes lui doivent, de Miley Cyrus à Lady Gaga, de Beyoncé à Taylor Swift. Elle leur a appris qu’on pouvait être une séductrice glamour et une businesswoman intransigeante sans remiser ses velléités artistiques. Merci qui ? Madonna !