Les Femmes à l’honneur : Bjork

Elle a mêlé les styles musicaux comme peu d’autres artistes pop, créé des univers artistiques façonnés jusqu’au moindre recoins. À 57 ans, la chanteuse islandaise reste inventive, inspirante…. Et d’une indépendance à toute épreuve !

 

Elle a 11 ans, et c’est la jeune chanteuse la plus célèbre d’Islande. Nous sommes en 1977, et quand Björk Guðmundsdóttir incarne le répertoire de son pays natal, sa voix est déjà céleste, son charisme assuré. Moins d’une décennie plus tard, ayant œuvré dans des formations punk explosives, elle donne naissance à son premier enfant, et co-fonde le collectif Smekkleysa, vite surnommé Sugarcubes. C’est rock, pop et exalté. Pas de compromis ! Sans doute le mantra de la carrière de Björk. En l’espace de trois albums, les Sugarcubes se taillent une renommée internationale. Sauf que leur chanteuse a compris qu’elle pouvait mener sa route en solitaire. Dont acte avec Debut, en 1993, qui ne choisit pas entre pop, électro, trip hop, jazz, dub, ambient ou encore folk.

 

Cela fait donc 30 ans que Björk est devenue une reine pop. Et elle n’est jamais descendue de son trône. Regard inoubliable autant que la voix, capacités d’expérimentations renouvelables à souhait, des clips qui font appel à des vidéastes et cinéastes plus singuliers les uns que les autres. « On n’a qu’une vie », rappelle-t-elle : il faut donc l’employer plus que de raison. Son identité musicale et visuelle, elle les imagine seule, les façonnant en huis clos avec une équipe triée sur le volet selon ses projets. De Mark Bell à Timbaland, d’Arca à Nellee Hopper, tous sont ravis à l’idée d’offrir leur service à celle qui, pour chaque disque, écrit une nouvelle histoire. De l’apprentissage tumultueux (Post), de la recherche d’aventures (Homogenic), du récit intimiste détournant la routine du quotidien (Vespertine), des folles possibilités de l’a capella (Medulla), du chagrin d’amour transcendé en musique (Vulnicura), des hymnes à la joie (Utopia), du deuil et du retour aux sources (Fossora)… En 1997, avec « Bachelorette », elle nous prévenait : « I’m a foutain of blood / In the shape of a girl / You’re the bird on the brim / Hypnotized by the whirl » (« Je suis une fontaine de sang / Sous la forme d’une fille / Tu es l’oiseau sur le bord/ Hypnotisé par le tourbillon ») Un tourbillon nourri par moult pulsions créatives, des looks et des morceaux protéiformes. Et pour cause : elle est aussi bien influencée par Philip Glass et Bob Marley que par Kate Bush et Kraftwerk !

 

Extrêmement discrète, cette mère de deux enfants n’étale guère sa vie privée, qu’elle soit avec des musiciens (Eldon Jonsson, avec qui elle a créé les Sugarcubes) ou des artistes visuels (Matthew Barney, grand chouchou de l’art contemporain). Mais elle n’a jamais caché ses opinions écologistes et féministes. Si elle est passionnément amoureuse de l’Islande, Björk est attentive aux grands bouleversements du monde, convoquant toutes les cultures du monde, Björk ne craint aucun contraste sonore, jonglant avec aisance entre synthétique et organique, chantant indifféremment en anglais ou en islandais… La mode l’adore, et non seulement son public lui reste fidèle, mais les générations ultérieures apprécient la complexité de ses productions, de M.I.A. à Rosalia, qui « remercie Dieu pour l’existence de Börk ».

 

« Pour faire du neuf, il faut se donner le droit à l’erreur », affirme-t-elle. Qu’importe qu’on ne la comprenne pas toujours, que certain.e.s jugent ses disques parfois trop complexes. Il suffit d’entendre sa voix, céleste, pour être immédiatement hypnotisé… par ce fameux tourbillon, hybride et ultra inventif, nommé Björk.