Madness. Toujours un pas en avant.

Depuis plus de trente ans maintenant Madness porte les couleurs britanniques haut et fort dans le paysage musical. Une longévité rare qui s’accompagne d’une capacité à n’être jamais devenu ringard, tour de force qui leur a valu le titre de trésor national en Angleterre. Leur dixième album  » Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da  » en est une fois de plus une preuve magistrale.

La première chose qui frappe est la pochette, signée Peter Blake, l’homme qui avait créé celle du  » Sgt Pepper  » des Beatles : une liste raturée de titres dont on apprend qu’ils devaient être tour à tour celui de ce nouvel album. Finalement c’est l’octuple approbation bégayée dans quatre langues  » Oui Oui Si Si Ja Ja Da Da  » qui aura eu le dernier mot, ironie du sort puisqu’ils ouvrent le disque dans un My Girl 2 clin d’œil. En effet, My Girl était également le titre d’un des succès issus de leur premier album sorti en 1979  » One Step Beyond  » (dont le morceau générique est encore aujourd’hui un incontournable connu du monde entier). Si on rajoute à cela que My Girl2 est remis en clôture d’album dans une version encore différente, on aura compris que chez Madness tout se boucle, rien ne se perd, rien ne s’oublie.

Jeunes toujours

Et de la mémoire justement, les sept membres du groupe en gardent au fond des claviers et du saxophone. Connu pour avoir fait partie de ceux qui ont largement popularisés le ska au début des années 1980, ils ont puisé depuis toujours dans le funk, le reggae, la pop, selon les périodes ou les envies de mélanges. Cette fois, le clou de l’éclectisme est enfoncé jusqu’au bout, et l’on passe sans transition d’une rythmique à une autre en traversant le temps, partant d’une élégance un peu désuète parfois à une pop classe et actuelle. Pour preuve ce Never Knew Your Name qui passe en boucle sur certaines radios sans que la jeunesse d’aujourd’hui ne soupçonne que les gaillards qui sont derrière sont pour la plupart déjà grands-pères.

Et le ska, dans tout ça ?

Étrangement d’ailleurs ce n’est pas sur les morceaux typés ska que l’oreille s’arrête avec le plus de plaisir. Leon, Circus Freaks ou l’étonnant et sombre Powder Blue, pièces d’une brit pop réussie sont les vraies bonnes surprises. Mais Madness ne serait pas Madness s’il n’y avait pas de claviers en couche, de beats plein de soleil et de contretemps bien marqués. On serait même déçus. Et des titres viennent rassurer très vite, comme Kitchen Floor, So Alive ou l’excellent Death of A Rude Boy (sûrement le plus moderne du genre, avec une pointe de flow hip hop à l’appui).

Superproduction

La production irréprochable n’est quant à elle pas due à un seul homme. Les sept compères ont fait appel à quatre horlogers du métier, d’âge différents, de styles aussi variables que les chansons qu’ils proposent. Il y a évidemment leur indéfectible Clive Anger, présent depuis leurs débuts. Mais également Owen Morris qui a officié aux côtés de Oasis, Stephen Street qui a produit Blur et The Smiths, et le plus jeune en la personne de Charlie Andrew homme derrière les Alt+J à la mode du moment. Des choix qui expliquent d’autant mieux les bonds de bottes de sept lieux qu’il y a entre leurs morceaux sixties, le dépoussiérage des années 1980, la pop inspirée des années 1990, l’ovni world de La Luna, les cuivres joyeux, le saxophone chagrin ou le chant si actuel.

Madness c’est de la chaleur en plein hiver donc, une famille que l’on a du plaisir à retrouver pour les fêtes de fin d’années, une affection profonde qui se transforme ici et là en admiration. Un respect qui nous fait dire deux fois oui. Ou si. Ou Ja. Ou da. Peu importe.

Marjorie Risacher

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