Rapsodie : Du classique dans le rap !

Créé il y a deux ans à Lille, le groupe Rapsodie propose un mélange inédit de musique classique et de rap. Cette fusion n’est pas inédite (Coolio, NTM ou NAS s’y sont déjà essayés). Mais si ces artistes se contentent de sampler une mesure de Beethoven ou de Chopin et de faire poser des rappeurs, Rapsodie effectue un vrai travail de sampling classique par la voie de son pianiste Sofiane. « Fugue » est leur premier album. Il démontre une vraie volonté de s’affranchir des clichés du rap autant que ceux de la musique classique. Explications avec Sofiane, sampler vivant.

Comment est né Rapsodie ?
J’ai rencontré Tikaby, un rappeur Lillois avide d’expérimentations qui voulait faire un morceau de rap sans beat avec des éléments de musique classique. Je l’ai invité au conservatoire de Lille où j’avais mes entrées. Au départ, nous avons essayé la formule piano-voix mais cela manquait de souffle. Nous avons donc étoffé notre projet avec un batteur, Théo, puis un bassiste, Manu, et enfin un second rappeur, Paranoyan.

Vous connaissiez déjà le hip-hop, j’imagine ?
J’ai grandi avec la culture hip-hop mais je suivais cela de loin : je connaissais les plus populaires. Ce qui m’intéressait c’étaient les valeurs sociales que le mouvement défend. Ce sont surtout les deux rappeurs du groupe qui m’ont fait découvrir des choses plus underground. C’est un vrai échange : je les ai initiés au classique que j’ai étudié durant quinze ans et eux au rap. Mais il faut comprendre qu’il est difficile de résumer quatre siècles de musique classique en quelques mois ! Je les ai plutôt amenés dans des lieux identifiés « classique » comme l’opéra, le conservatoire, des salles de concert et ballets sans tomber dans le cours de musique rébarbatif !

Comment s’opère la composition ?
Tout commence par des maquettes et des extraits de musique classique que je fais écouter aux rappeurs qui me disent ok ou qui m’orientent vers d’autres choses. Ensuite le batteur et le bassiste ajoutent des ingrédients et enfin les deux rappeurs écrivent leurs textes. C’est un aller-retour incessant ! Mon boulot consiste aussi à retrouver dans le classique une émotion que les rappeurs veulent transmettre en 2015. Je suis un sampler vivant ! Imaginez que dans un titre de classique il y a 400 mesures et, que pour un morceau de rap, il n’en faut que quatre ! Je peux piocher dedans mais je peux aussi transformer les accords pour rendre la musique plus triste, la « minoriser » !

L’idée est de faire tomber les barrières entre les deux scènes ?
C’est dans la différence que l’on trouve les choses les plus intéressantes. Je suis moins intéressé par les gens qui me ressemblent. Je préfère aller vers des personnes qui ont une autre culture : les échanges sont plus riches. Socialement cette confrontation entre deux mondes est enrichissante aussi, mais à long terme on ne l’évoquera plus ! Aujourd’hui tout le monde est éclectique, on peut passer de Mozart à IAM sans problème. Ces histoires de frontières sont amenées à disparaître et c’est tant mieux ! Si auparavant la musique classique était réservée à des classes sociales plus « élevées », cela est de moins en moins vrai. De même le rap s’est aussi démocratisé avec l’arrivée de gens comme Orelsan ou 1995. On est plus obligé de venir du ghetto pour rapper. Ça bouge plus vite dans le rap car le conservatoire est une institution mais tout cela ça évolue, croyez-moi !

Propos recueillis par Willy Richert

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Rapsodie – Cocotte minute