Rebotini & Zanesi : « Frontières »

Arnaud Rebotini est l’une des grandes figures de la techno française et l’un des musiciens les plus exigeants du circuit. De son côté, Christian Zanési est un jeune homme de 70 ans, pionnier de la musique électroacoustique (musique qui utilise les sons enregistrés puis retravaillés sur ordinateur) et pilier du GRM (Groupe de Recherches Musicales). C’est en 2012 que les deux artistes se sont rencontrés lors d’un concert. Ils se sont promis de travailler ensemble. « Frontières » est le fruit de cette collaboration passionnante entre avant-garde et nouvelle école. Ambiant, expérimentations sonores et Acid House se télescopent pour un voyage sonore saisissant. Rencontre.

De quelles « Frontières » parlez-vous dans le titre. Celles qui vous séparent ou vous réunit ?
Arnaud Rebotini : C’est plus simple, on voulait un mot en français car nous étions à la frontière des styles. C’est un beau mot qui évoque la place de chacun…
Christian Zanési : « Oui, moi je viens de l’électroacoustique, Arnaud est plus techno. La techno est faite pour danser alors que l’électroacoustique est destinée à une écoute attentive. Ce sont des fonctions différentes, quoi que l’on puisse écouter la techno pour son inventivité, son travail des sons en plus du travail rythmique. Alors mélanger les deux permet d’abolir cette frontière symbolique.

Électroacoustique : un terme qui peut faire peur, qui fait penser à une musique intellectuelle pour ceux qui ne connaissent pas…
Christian Zanési : Pourtant elle a beaucoup été utilisée au cinéma et dans la publicité. Souvenez-vous de la dernière campagne de publicité d’un équipementier sportif qui utilisait uniquement les bruits des baskets sur le parquet, voilà un exemple de musique électroacoustique. L’idée est d’utiliser les bruits comme ingrédients d’une musique. L’oreille déclenche de l’anxiété quand elle ne reconnaît pas les sons, voilà pourquoi elle est souvent utilisée dans des films d’horreurs par exemple.

Sans tomber dans le cliché, peut-on dire que les ingrédients plutôt mentaux proviennent de Zanési et les titres plus rythmiques de Rebotini ?
Christian Zanési : Oui… mais c’est plus compliqué que ça. La composition s’est faite ensemble. Je n’ai pas envoyé mes sons à Arnaud en lui disant « débrouille-toi ». C’est une vraie collaboration. Ce n’est pas un travail de remixe, nous étions constamment ensemble en studio.

Acidmonium est un titre surprenant. Comment est-il né ?
Arnaud Rebotini : On a décidé, dès le départ du projet, d’aller piocher dans différents styles. L’un de ces styles était l’acid-house, que je pratique régulièrement en solo. On a donc mélangé ce style avec les sons de Christian Zanési, ce qui donne ce côté Cabaret Voltaire (NDR : groupe électro anglais du milieu des années 1980) avec cette touche de musique industrielle.
Christian Zanési : Comme on a mis ce titre à la fin de l’album et qu’il reprend pas mal de sons déjà entendus dans l’album, il prend une place étonnante. Nous voulions vraiment construire cet album comme une histoire, avec un début et une fin. Ce n’est pas juste une succession de titres.

Comment pourrait-on convaincre un jeune qui à l’habitude d’écouter de la house et de la techno d’aujourd’hui d’écouter votre album ?
Christian Zanési : Moi je lui dirais de prendre un bon casque, de s’isoler et de se laisser transporter par les sons. Tu vas partir en voyage grâce aux sons. Profites-en… Tu vas peut être reconnaître des sons que tu connais et d’autres que tu vas découvrir. L’écoute au casque est une manière d’être DANS le son. Mais surtout n’écoute pas l’album sur les deux enceintes minables de ton ordinateur ! Cela nous fait de la peine d’avoir passé autant de temps sur la conception sonore et, qu’au final, l’album soit écouté dans de mauvaises conditions. Encore moins en MP3 ! C’est une vraie contradiction aujourd’hui : nous avons passé beaucoup de temps à travailler la transparence des sons, le mixage, l’étagement des sons et aller réduire cela sur un téléphone, ça fait pitié. Pique la chaîne de tes parents, celle où tu n’as pas le droit d’aller et où ils écoutent du classique et de jazz et mets le son très fort. Tu vas voyager !

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Parov Stelar – Live @ Pukkelpop – March 11th 2016

Crédit Photo : © Philippe Levy