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Artisan doué, naviguant entre la transe et la pop, Sébastien Schuller revient avec son troisième album. Une fois encore le jeune Français a pris son temps, de Philadelphie – où il vit – à Miami – dont il s’est inspiré –, de la création de sa propre structure aux nouvelles envies à sculpter, ce sont cinq années qu’il aura fallu pour voir apparaître Heat Wave. Bien moins organique que ses deux prédécesseurs, bien plus électronique et rythmé, il n’en reste pas moins un disque de climats, de températures et, comme toujours chez Schuller, de gris et de rouge, de brume et de crépuscule.
Vous faites partie de ces artistes dont le travail est très solitaire. Cela ne vous pèse pas parfois ?
Je mixe quand même avec quelqu’un et j’ai certains amis instrumentistes qui sont venus me faire une partie de basse. Mais pour le reste oui, je compose, j’arrange, j’écris les paroles, j’ai même travaillé les visuels pour ce disque-là. C’est une surcharge de travail, mais au niveau de la création, c’est quand même une sacrée liberté : je peux aller jusqu’au bout d’une idée. J’ai essayé auparavant de déléguer un peu plus certaines choses, notamment la voix au début parce je n’osais pas m’assumer et me projeter en tant que chanteur. Mais au bout du compte j’adore faire un titre de A jusqu’à Z. J’ai évidemment envie de collaborer avec d’autres personnes mais j’ai passé tellement d’années à construire et à fonctionner avec ma propre gymnastique que je m’en satisfais entièrement.
Déjà pour l’album précédent, Evenfall, vous disiez avoir eu envie d’un disque plus rythmé. Cette fois vous avez encore plus marqué le trait. Vous avez enfin osé ?
Oui. Souvent la volonté est là mais on est plus lent à l’exécution. Et encore ! J’ai l’impression d’en être qu’au balbutiement. Je me demande si je n’ai pas envie de faire un album carrément « club ». C’est une musique que j’ai déjà faite puisque avant de faire des arrangements un peu cinématographiques, je me souviens d’essais plus techno. Sauf qu’aujourd’hui j’ai un peu plus de maturité. Je suis curieux de savoir ce que je pourrais faire maintenant.
C’est le batteur transi en vous qui s’exprime à nouveau avec ces envies de rythmes ?
C’est vrai que j’ai été batteur. Et c’est vrai que je n’ai pas du tout exploité ce côté sur mon premier disque qui était beaucoup plus porté sur les harmonies et les arrangements. Sur ce nouvel album, les rythmiques sont bien plus tarabiscotées, comme sur As You Sleep in a Japanese Garden. Et étrangement je n’ai utilisé que de la boîte à rythme pour composer. En revanche il y a un batteur sur scène, et je vais certainement utiliser des percussions aussi.
Les années 1980 sont très prégnantes dans ce nouvel album. Une nostalgie adolescente ?
C’est surtout le fait de m’être acheté un nouveau clavier. Il m’a tout de suite inspiré la première composition Nightlife qui a dirigé tout l’album. Comme j’y trouvais des sonorités un peu de mon adolescence, je me suis dit que j’avais les moyens maintenant d’assouvir le désir caché de faire un disque plus new-wave. Cette fois, c’est donc plus électronique, peut-être parfois plus froid, mais ce sont les couleurs que je cherchais. Merci au clavier donc. Je n’ai d’ailleurs jamais eu beaucoup de matériel. D’abord parce que ça coûte cher : je me souviens qu’à l’époque de Happiness (2005), je rêvais de m’acheter des claviers mais je n’avais pas l’argent pour ça. Donc je tordais un peu le cou à l’unique instrument que je possédais pour obtenir des sonorités. Tout avait été fait avec ça.
Aujourd’hui vous assumez le fait d’être chanteur même si la voix reste très noyée et traitée la plupart du temps. Les paroles font du coup partie du décor sonore. Une volonté ?
Pas du tout, j’aimerais bien qu’on comprenne quand même. Mais en même temps si je le voulais vraiment je me débrouillerais pour qu’on m’entende. J’ai mis les paroles dans le livret cette fois, et les gens qui achèteront le disque découvriront peut-être une deuxième étape, un autre point de vue sur les morceaux. Je vis au fil des saisons, je regarde autour de moi, je compose avec une fenêtre sur l’extérieur… Et, si en composant je ne regarde pas directement des choses, je me plonge pour y voir des choses en moi. Il y a une volonté de dire quelque chose chez moi, mais ce n’est pas ma volonté première. D’abord il y a celle musicale, parce que je commence réellement par ça. Ensuite c’est un tout. J’essaie que les mots et l’histoire répondent aussi aux sons et aux climats créés.
Propos recueillis par Marjorie Risacher
Découvrir :
Sébastien Schuller – Nightlife
Crédit Photo : © Tonje Thilesen
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