L’album du mois : Hyperdrama de Justice

 

Sur son quatrième album canonique, la paire formée par Xavier de Rosnay et Gaspard Augé se joue de nos attentes avec un album en clair-obscur qui convie notamment Kevin Parker de Tame Impala.

Monogramme iconique et hommage au groupe T-Rex, monolithe façon 2001, L’Odyssée de l’espace, reflets d’essence iridescents, jusqu’alors chaque pochette d’album de Justice nous renseignait sur ce que les auteurs de Cross (2007) avaient à nous faire écouter. Après l’opacité de Audio, Video, Disco ou les surfaces réfléchissantes de Woman, la nouvelle pochette d’Hyperdrama (leur quatrième disque sans compter les albums live) nous invite à inspecter la mécanique de Justice. Une traduction on ne peut plus littérale de ce que l’entité met à l’œuvre sur ce nouvel effort : une machinerie organique de chair et de sang, une mise à nue toujours doublée d’une indestructible carapace.

Une idée toute simple qui résume donc ce qui se trame sur Hyperdrama, le disque le plus versatile de Justice qui marrie leur amour de la techno hardcore et celui du R&B le plus sensuel. Jusqu’ici cantonnés à l’image d’Épinal de musiciens ultra-cérébraux, de scientifiques ne laissant place à aucune approximation, Justice tombe enfin le masque et le perfecto avec un disque moins conceptuel mais plus libre et récréatif.

Pour la première fois, Xavier de Rosnay et Gaspard Augé ne sont plus seuls maîtres à bord et s’ouvrent à des collaborations de haute-volée ; entre grands noms et choix d’esthètes. L’association de leur disco rêvé avec la pop psychédélique de Kevin Parker de Tame Impala semble tellement évidente que ce dernier s’invite sur pas moins de deux titres du disque, l’amour des deux échevelés de Justice pour Prince trouve chez le toujours excellent Miguel, un parfait réceptacle de leurs idées et leur goût des lignes de basses affûtées un formidable collaborateur en la personne de Thundercat.

C’est tout le sel de cet album aux allures de parc d’attractions qu’on traverserait le sourire jusqu’aux oreilles : un alliage d’érudition dance et d’espièglerie enfantine qui était au cœur de leur premier album Cross (moins dans la complexité assumée des suivants) et que l’on retrouve ici décuplé dans une vision maximaliste de leur son.

Ici, un hommage méta à l’éminence grise de la French Touch et prince des loops addictives Alan Braxe (Dear Alan), là, un appel du pied à la techno hardcore et cinématographique de leur ami Gesaffelstein (le violent Generator), ou encore ce curieux double-interlude au cœur du disque (Moonlight Rendez-Vous et Explorer avec la voix de Connan Mockasin) qui traduit une nouvelle fois la passion de Gaspard pour les bandes originales de films et la musique illustrative. Un melting-pot d’influences qui balaye près de 20 ans de carrière et d’obsessions conjointes pour les musiques électroniques de la fin des années 90, le R&B des origines, la soul, la funk de Prince, les synthés de Vangelis ou l’énergie mécanique du hard-rock FM. Un disque-somme absolument immanquable.