Session exclusive de Massilia Sound System : 30 ans de fête et de lutte

Le Massilia Sound System fête ses 30 ans de carrière avec un huitième album percutant, Massilia. Devenu trio depuis le décès de Lux B, le groupe des « joyeux voyous » marseillais est composé de Moussu T, Papet et Gari Greu. Depuis leur premier concert, les Massilia ont réussi à créer des liens indéfectibles avec leur public, la Chourmo (« les galériens » en provençal). Leurs thèmes de prédilection restent toujours la défense de la culture régionale (le fameux folklore), l’anti-centralisme, la citoyenneté au coin de la rue, la défense des gens simples et un amour de la fête.

Comment s’est effectué ce retour après tant d’années d’absence ?
(Gari Greu) : En 2003, nous avons décidé de changer le fonctionnement habituel du groupe pour nous consacrer à nos carrières respectives. On voulait un peu ralentir le rythme des tournées incessantes. En 2007, nous avions sorti Oai & Liberta pour faire tourner la baraque mais avec moins de plaisir qu’aujourd’hui. On gérait la rareté de Massilia. En 2013, on a senti que la Chourmo qui nous accompagne partout avait envie de nous voir ensemble et d’entendre ce que l’on avait à dire, donc nous nous sommes mis au boulot, et voilà…

Comment sont définis les thèmes abordés dans cet album ?
(Moussu T) : Ils s’imposent. Il suffit d’observer ce qui se passe autour de toi ! Les piliers de nos chansons existent depuis trente ans. Il suffit de discuter entre nous pour aligner quatre vers. C’est devenue une déformation ! Les thèmes sont toujours le rassemblement, le besoin d’unité, l’envie d’être ensemble. L’idée est aussi d’avoir les trois MC sur chaque chanson. Quant au processus, il est difficile de savoir aujourd’hui qui écrit quoi sur cet album. Autant sur les trois derniers albums, on devinait vers quoi chacun allait dans ses travaux en solo mais pour celui-là, impossible de le savoir.

Si un de vous trois amène un texte qui prête à discussion, que se passe t-il ?
(Les trois en même temps) : « Ça passe pas. On se connaît depuis plus de vingt ans, donc on sait ce qui va convenir à Massilia ou à nos carrières solo.

Qu’est ce qui fait que le projet Massilia est plus fort que vos trois carrières réunies ?
Il n’est pas plus fort : c’est la somme de nos personnalités. Notre histoire est bâtie depuis trente ans, on sait pourquoi telle pierre est à telle place. Massilia n’est pas le plus petit dénominateur commun mais bel et bien la somme des membres du groupe. Nos histoires personnelles sont des prolongements de Massilia. C’est souvent une histoire de style plus que de fond car nos propos dans nos albums perso sont les mêmes que chez Massilia. À un moment, le danger des albums de Massilia était de trop étirer le style. À force d’étirer il y avait un danger de ne plus rien dire. Masillia est un chantier commun. Pour résumer : le Massilia c’est du rub a dub digital avec toute l’amplitude de la musique reggae mais avant tout nous sommes un sound system !

Si on vous parle de « groupe culte » qu’est ce que cela vous évoque ?
Être culte signifierait surtout que nos chansons passent dans le folklore, ça oui : que les gens dans la vie de tous les jours, à l’apéro ou en famille, vivent avec nos chansons. C’est pour cela qu’on finit l’album avec ce message téléphonique où un chourmo nous explique qu’il n’avait pas le moral et, après nous avoir écouté, a retrouvé la pêche et l’énergie pour aller bosser ! La durée ne fait certes pas le culte, mais exister depuis trente ans est déjà en soi une réussite ! Cela dit, on efface le disque dur tous les trois ans pour repartir sur des choses neuves !

Et quelles traces voudriez-vous laisser ?
Des chansons ! Que des titres nous survivent. Peut-être aussi une valeur d’exemple : l’histoire de musiciens qui ne sont jamais partis de chez eux, qui ont choisi d’exploiter les compétences locales ! L’idée aussi de garder l’espoir. Avoir toujours défendu notre ville comme une contre-capitale a permis à décomplexer un grand nombre de musiciens qui n’hésitent plus à revendiquer leur ancrage local !

Qu’est-ce que l’engagement en musique pour vous ?
Défendre les petites gens ! Prendre comme thème central de nos chansons les gens du ghetto, ceux que l’on méprise dans tous les medias. L’engagement n’est pas dans les textes mais dans la posture qu’on adopte ! Il existe un vrai racisme de classe. Regarde la téléréalité avec souvent des personnes de classe populaire, c’est un vrai racisme social. Nous, nous vivons la même chose : lors des grands festivals on nous prend toujours pour des techniciens ! Les directeurs de festival ne viennent nous saluer qu’après le concert. Nous sommes à mille lieux du show bizz ! On ne connaît pas tous ces artistes, et ça ne nous intéresse pas : nous avons une vie tellement riche à côté qu’on s’en fout de ceux qui sont en haut ! Nous, on vient, on joue, on gagne et on s’en va ! Comme l’OM quoi !

Propos recueillis par Willy Richert

Découvrir :

Massilia Sound System – Massilia n°1 (Session exclusive RIFFX)

The Courteeners : Anna

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