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« Libre », le premier album de Sidi Wacho n’est pas la bande son d’une télé-réalité, ce serait même l’exact contraire. Ce groupe est né de la rencontre entre Saïdou du Ministère des Affaires Populaires (groupe militant de rap lillois) et les chiliens DJ Antu et Juanito Ayala. Cette collaboration spontanée entre ces trois musiciens trace une ligne « Imaginot » entre l’Amérique du Sud et le nord de la France. Une convergence de lutte réussie en toute indépendance.
Interview avec Saïdou et session live avec Sidi Wacho au grand complet dans un bar populaire du nord de Paris.
Comment est né ce projet ?
Je suis parti seul, avec mon sac à dos en Amérique du sud il y a trois ans. J’approche la quarantaine et je voulais vraiment découvrir le monde autrement qu’en me produisant en concert car c’est toujours un contexte privilégié. Là je voulais vraiment prendre mon temps. Quand tu viens d’un milieu populaire comme moi, voyager n’est pas une chose naturelle. Je voulais voir de près ce continent où est né Che Guevara et où se sont passées tant de révolutions. Ce n’était pas un voyage musical mais plutôt politique : je voulais voir la lutte des indigènes sur place. Sans parler espagnol, comme quoi c’est possible, ce n’est pas si difficile.
Votre première rencontre avec Juanito…
C’était au Chili, dans la rue. Ensuite, il m’a invité à son concert et nous avons échangé longuement sur la politique, sur la musique aussi en nous faisant découvrir mutuellement nos titres préférés : Zebda, MAP, Massilia Sound System, la musique algérienne pour moi et la musique sud américaine de son côté. Juanito est un puits de science de musique sud américaine. Ça a été un coup de foudre entre nous ! Nous venons tous les deux de quartiers populaires à des milliers de kilomètres l’un de l’autre !
Quels sont les points communs entre les quartiers populaires de Lille et ceux de Santiago, au Chili ?
Je suis issu de l’immigration colonisée et lui aussi. Les Sud-Américains originels ont été colonisés et cette lutte anticoloniale nous a rapproché. Nous aimons tous les deux l’engagement, la lutte mais dans la joie. C’est une vraie réflexion de dénoncer des choses mais dans la joie, dans la bonne humeur. La musique est une arme : on peut évoquer l’esclavage, l’exploitation avec un rythme très positif. Je préfère que mes chansons soient chantés dans les manifestations plutôt qu’à la radio. Nous sommes des militants et les militants ont besoin de communions, de fêtes et de respiration.
Comment êtes-vous passé d’une histoire d’amitié à un projet musical ?
C’est arrivé très tardivement. Nous nous sommes revus à Lille puis je suis retourné au Chili et, au bout de quelques chansons enregistrées, nous nous sommes dit qu’il y avait une histoire à présenter à nos publics, dans nos quartiers ! Tout cela s’est fait sans aucune pression car personne ne nous attendait. Mais c’est une vraie prise de risque personnelle car ne pas se produire pendant plusieurs mois t’exclut rapidement du statut d’intermittent !
Comment s’est crée cette fusion entre la cumbia, le rap mais aussi des rythmes d’Europe de l’Est ?
Nous nous sommes enfermés dans un studio avec Geoffrey, l’accordéoniste du Ministère des Affaires Populaires, Boris Viande (un trompettiste de musique balkanique) et un percussionniste sud-américain. Le flow rap, les rythmes cumbia et l’aspect Europe de l’est apportent ce côté fanfare que je voulais défendre. Il y a ce aspect « musique de rue » que je voulais absolument. Et maintenant est venue l’heure du partage sur la route pour défendre cette récréation !
Willy Richert
Découvrir :
Sidi Wacho – Buena Onda (session exclusive)
Crédit Photo : © Julien Pitinome
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