Superpoze. Quand le talent n’attend pas l’âge

Superpoze est l’un des noms de la jeune scène électronique française à suivre de très près. Après une poignée de maxis sidérants de beauté, il sort son premier album, « Opening ». Le jeune caennais a laissé tomber les samples de voix, d’accordéon ou de guitare pour se plonger au cœur des machines. Un album mélodique et ambitieux qui devrait l’installer comme l’un des meilleurs producteurs français.

« Opening » est assez différent des maxis précédents. Pourquoi ?
Quand j’ai sorti mes maxis j’étais constamment sur la route. Pour cet album, je me suis posé car je n’avais composé encore aucun titre. Pour moi, un EP c’est assez simple : je mets les quatre meilleurs titres parmi les quinze que j’ai en boîte et j’en fais un maxi. Pour « Opening », j’avais besoin de raconter une histoire. J’ai commencé par travailler les mélodies au piano, puis je me suis attaqué aux structures et aux textures sonores. Ce n’est ni la même démarche, ni la même méthode qu’avant. Mes EP étaient plus droits avec les voix découpées et « cutées ». Là, pour mon album je voulais quelque chose de plus vaste.

Produire un album en 2015 a encore un sens ?
Carrément ! Si j’aime me balader sur Soundcloud à la recherche de titres isolés ou de mixes, j’aime aussi écouter des albums en entier. Je cite souvent celui de Darkside car c’est un bon exemple de construction dans sa globalité. Il faut l’écouter du début jusqu’à la fin !

Le format album permet-il de ralentir le rythme ?
Pas au niveau du rythme mais ça permet de développer une idée, de ne pas se réduire seulement à un format de 3’30. Il permet vraiment de prendre son temps. Cela dit, si les gens ne retiennent qu’un morceau, ça me va aussi !

« Opening » est un album très mental, à la limite de l’ambiant…
Oui, car c’est ce que j’aime. Ce sont mes racines. Mais il y a quand même un morceau comme Ten lakes qui n’est pas loin des 120 BPM, un tempo proche de la house. Cependant je ne réfléchis jamais au rythme quand je compose car je débute toujours par la mélodie. Et tout cela change en live car je joue plus rapidement certains tracks et j’en ralentis d’autres. Il faut dire que j’ai enregistré « Opening » seul, à l’écart. Cela explique peut-être ce tempo… Mais le tempo ne définit pas le morceau, ce sont surtout la mélodie et les textures.

« Opening » est un album finalement assez froid. Peut-on parler d’influence nordique chez vous ?
Depuis mon enfance j’ai toujours été fasciné par les paysages nordiques, que ce soit ceux de la Norvège ou de l’Islande. Je pense que cet aspect froid de la musique est aussi dû à ma culture électronique et à l’influence du label Warp. C’est grâce à ce label et à Ghostly International que j’ai découvert cette musique (NdR : Warp est un label culte anglais d’électronica avec des artistes tels que Autechre, Aphex Twin, LFO…). Cela dit mon album est plus mélodique que mental.

Vous faites partie d’une génération qui pensait aussi bien la musique que le marketing et ses moyens de diffusion. D’accord ?
Oui, car dès le début notre génération a intégré le fait que nous ne gagnerions pas d’argent avec nos disques. Donc on fait du live, on compose tout seul, on diffuse en direct sans aucun intermédiaire. Mais la prochaine génération sera pire que nous ! J’ai hâte de la voir à l’œuvre. Pour nous, il est impératif de tout maîtriser. Ça ne me fait pas rêver de déléguer : j’aime avoir le contrôle du début jusqu’à la fin. Nous sommes habitués à sortir nos maxis rapidement. Mon label est indépendant mais j’ai un deal avec une major pour la distribution, c’est tout.

Vous étiez animateur radio, il y a quelques années, avec Fakear. Que vous a apporté cette expérience ?
Énormément. Cela a construit notre culture musicale. Nous étions obligés d’aller chercher des nouveautés. Mais à la différence d’un DJ set, à la radio tu peux beaucoup plus moduler les rythmes et te balader dans des styles différents. J’ai adoré ça.

Y a t-il un danger à être médiatisé très jeune ?
Si tu as 18 ans et que tu rêves d’être un rock star, oui certainement. Mais ce n’est pas mon propos : je n’ai aucun problème avec ça. La musique est mon centre d’intérêt. C’est tout.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes producteurs qui hésitent à se lancer ?
Il faut s’affranchir rapidement de ses influences. Ne pas hésiter à sortir ses morceaux sur des sites et des plateformes. Il faut se mesurer au public, aux critiques. Il faut sortir encore et encore du son, se confronter et jouer le plus possible, partout. Bosser quoi ! »

Propos recueillis par Willy Richert


Superpoze sera en concert à Paris le 5 mai.

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Superpoze – North

Crédit Photo : © Nathanne Le Corre