The National : que c’est bien quand c’est beau

On a beau lutter et chercher la petite bête, rien n’y fait : le sixième album de The National, Trouble Will Find Me, nous happe dans un lent marécage sombre. On en ressort bouleversé par la beauté du paysage sonore et admiratif du perfectionnisme à outrance.

En 2001, The National avait sorti un premier album, mais pas en France. Deux ans plus tard, c’est pourtant dans l’Hexagone d’abord que pointe leur deuxième disque. Et depuis, ces Américains de Cincinnati ont grimpé les marches, passant du statut de petit groupe indépendant pour les initiés à celui de l’une des plus grandes formations rock du monde occidental. Désormais icône, le quintet s’offre une belle tranche de nostalgie au talent d’orfèvre en sortant Trouble Will Find Me. Un sixième album magistral.

Album de famille

La voix profonde de Matt Berninger en guise de colonne vertébrale, les textes affichent une poésie de la solitude, de la perte, du regret. Et autour se tricotent des arrangements délicats, équilibre presque trop juste qui accueille parfois une guitare à contre-temps ou une rythmique qui s’affole. Mais ici point de brûlot. L’ensemble reste calme sans être paisible, contemplatif sans tomber dans l’ennui. Quelques collaborateurs discrets apparaissent ça et là, au fil des titres, comme Sufjan Stevens, Richard Reed Parry (musicien d’Arcade Fire), la chanteuse Sharon van Etten, St Vincent (Annie Clarke de son vrai nom), ou le violoniste canadien Owen Palett. La famille en quelque sorte, tout le monde ou presque ayant déjà joué les uns pour les autres, les uns avec les autres.

Un goût de reviens-y

Et malgré ces atouts et des constructions qui frôlent parfois la recette toute faite, Trouble Will Find Me n’est jamais démonstratif, tape à l’œil ou preuve d’énorme machinerie. Les treize titres restent d’une classe indiscutable, s’avalent comme des friandises ni salées ni sucrées, juste natures à décortiquer. C’est sans s’en rendre compte que l’on vide le paquet de notes et de mots, l’écœurement très loin des lèvres, un goût de « reviens-y » insatiable.

Cet album n’est pas une révolution, c’est une délicatesse. Il n’est pas un chef-d’œuvre mais un cas d’école de finesse.

Un côté trop parfait ?

Alors bien sûr, quelques contre-pensants déposent bien ça et là des grincements de dents, invoquant le côté trop uniforme ou ronronnant de la chose, soulignant des redits et des facilités apparentes. Mais à bien y entrer, ce sixième album est loin de tout cela. Ne reste que le côté trop parfait dont on peut débattre. Ce qui commence à être un comble : la période est capable de reprocher à la musique d’être trop belle.

Magnifique. Un point c’est tout.

Marjorie Risacher

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