Vincent Delerm – Les amants Parallèles

Anouk Aiata

Le cinquième album de Vincent Delerm est une réussite parfaite, sans doute sa plus belle et singulière collection de chansons.

C’est d’ailleurs beaucoup plus qu’une simple collection : plutôt une histoire découpée en mouvements délicats. Avec pour seule instrumentation trois pianos, d’où absolument toutes les sonorités sont tirées. Les morceaux sont courts, doux et mélodieux.
Et très émouvants.

Car c’est une histoire d’amour que raconte Delerm, bien sûr : la rencontre en hautes altitudes (littéralement), les premiers pas émerveillés, les moments forts de la vie à deux, puis à trois. Le chanteur y déploie un vocabulaire qui lui est familier, fait de souvenirs et de petites touches impressionnistes, avec une sérénité nouvelle.

La délicatesse de Vincent Delerm

Changement d’approche et de ton pour l’un des auteurs-compositeurs français les plus doués et attachants de ces dix dernières années. Sur son cinquième album, Les amants parallèles, Vincent Delerm a épuré son écriture et réalisé des chansons à la fois sophistiquées et limpides. Une belle réussite, dont le chanteur explique un peu de la genèse.

Les amants parallèles repose sur deux partis pris très forts : une histoire et une orchestration basées uniquement sur des pianos. D’où viennent ces choix ?

L’idée de raconter une histoire d’amour sur la longueur d’un disque vient de moi. Le parti pris musical est une proposition de Clément Ducol et du preneur de son Maxime Leguil, qui avaient ce projet de faire un album dont tous les sons seraient générés par des pianos. Pour cela, il faut utiliser des pianos préparés, c’est-à-dire trafiqués (on met des trucs dedans, des jouets d’enfants ou de la Patafix pour étouffer le son). J’ai tout de suite senti que ça pouvait fonctionner, parce que j’écris mes chansons au piano et que je les joue de plus en plus avec la sourdine, parce que je vis en appartement. C’était le projet : que toutes les rythmiques soient faites sur un piano très étouffé. Leur méthode est d’utiliser un piano de départ et autour de ça, de générer les rythmiques, les sons de basse, de contrebasse, plein de sons dont on ne peut même pas trop dire à quoi ils correspondent. Ça donne une sorte d’étrangeté, qui n’est pas trop conceptuelle mais créé un climat qui accompagne l’histoire.

L’autre parti pris est thématique : c’est une histoire d’amour déroulée sur plusieurs chansons.

L’histoire reste elliptique. Je savais qu’il y avait des points de passage « obligés », dans le sens où ce sont des moments que j’aime bien : l’idée du type qui commence à débarquer dans un appartement, ce moment où on se dit : « Tiens, c’est quand même incroyable, je suis en train de m’endormir à côté de cette fille qui vient de m’expliquer qu’elle a vécu ça et ça avant moi. » Ça pose la question du couple en général : c’est un peu étrange d’appartenir à quelqu’un, qu’elle t’appartienne un peu. Et en même temps personne n’appartient à personne mais quand même, mine de rien… Bref, ce sont des choses qui traversent la tête quand on est avec quelqu’un. Il y a des moments très joyeux, d’autres où tu te demandes ce que tu fais avec cette personne-là. Ce sont des choses qui sont dans la durée. Et c’était intéressant de mettre au centre de ça des sensations qui ne sont pas nécessairement amoureuses mais des sensations fortes que tu ressens quand tu vis avec quelqu’un et que quelque chose se met en place. Une sorte de code qui n’appartient qu’à deux personnes.

Est-ce que les sources d’inspiration pour écrire des chansons d’amour ont changé avec le temps ?

Forcément. Quand j’ai commencé, et c’est quelque chose que j’ai dû assumer assez tôt, il y avait une sorte de paysage mental lié à des films que j’avais vus, à une histoire que je m’étais inventée. Tout simplement parce que je n’avais pas vécu dix milliards de trucs quand j’avais 22 ans… Comme beaucoup de gens, j’avais été au bahut, j’avais fait des études, j’avais eu la chance d’avoir une vie avec des parents profs, assez protégée. Du coup, si je devais décrire un couple, j’avais forcément en tête des images du cinéma de la Nouvelle Vague. Si je décrivais une chambre, c’était forcément la chambre de Doinel ou celle de Belmondo et Jean Seberg ou bien celle de Trintignant et Françoise Fabian dans Ma Nuit Chez Maud. Je me suis construit avec le fantasme de rentrer dans cette image-là.
Après, tu vieillis, tu vis des trucs pour toi. Dans Les Amants Parallèles, il n’y a pas de références à des films : l’histoire qui est racontée appartient seulement à moi, avec des choses que j’ai pu voir autour de moi. Mais de très près, pas avec des lectures ou des fantasmes cinématographiques.

Vincent Théval

Découvrir :
VINCENT DELERM – Les amants parallèles

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans l’émission Label Pop, disponible en réécoute et podcast sur le site de France Musique : http://www.francemusique.fr/emission/label-pop/2013-2014/vincent-delerm-pour-les-amants-paralleles-12-09-2013-00-00

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