Darc, darc, darc

Jeudi 28 février 2013. Les punks tendres et les écorchés vifs de France apprennent la nouvelle : Daniel Darc, leur grand frère n’est plus. Tombé sous le cocktail de ses deux meilleurs ennemis de toujours, l’alcool et les médicaments. Le chanteur a été retrouvé dans son appartement parisien.

« Quand je mourrai j’irai au paradis, c’est en enfer que j’ai passé ma vie. » Aujourd’hui son vœu est sûrement exaucé, passé de Darc à Darc-ange, Daniel le tatoué des bras et de l’âme est sorti des flammes de son existence. Une vie remplie de succès et de déserts, de bêtises et de génie.

C’est avec le groupe Taxi Girl que tout commence. Lorsqu’il est encore lycéen, Daniel Darc, se son vrai nom Daniel Rozum, entonne nonchalamment l’ambigu Cherchez le garçon. Ce refrain de pop entêtante de la fin des années 1970 cache mal le côté punk de son interprète, provocateur, déjà auto-destructeur, qui pousse le vice jusqu’à se trancher les veines sur scène en 1979. L’album unique de Taxi Girl sort en 1981, succès ivre qui se repaît des excès en tout genre des quatre membres. Le batteur Pierre Wolfsohn décède, les deux autres partent sur une autre route, Daniel Darc se retrouve face à lui-même et va tracer le reste de son histoire en solo.

Collaborations

L’ambivalence de Darc tient au fait que cet être écorché qui semble avoir du mal à ne pas être autre chose qu’indépendant a toujours lié des liens forts avec les autres. Et semble, même s’il s’en défendait, en avoir toujours eu besoin. Les collaborations, les reprises, les duos, toutes les interactions possibles vont s’enchaîner. Avec Jacno, Étienne Daho ou Bill Pritchard pour lui-même, avec Cali, Buzy ou bien d’autres quand il prête ses talents. L’insatiable force le respect à chaque fois et fiche les barrières en l’air d’un coup d’éclat quand il accepte de travailler pour Alizée ou Thierry Amiel.

Succès et Victoire du punk

En 2004, après de longs moments de perditions, de traversées du désert, de chutes existentielles vertigineuses, le monde tourne enfin un peu plus rond pour lui. Sous la houlette du talentueux Frédéric Lo, Daniel Darc sort l’album « Crève-Cœur », magnifique recueil de sensibilité et de dentelles, de mots percutants et de phrases émouvantes. Le succès est cette fois réellement au rendez-vous, côté public avec 60 000 exemplaires vendus, mais aussi côté professionnel à travers une Victoire de la Musique dans la catégorie « album révélation ».

Bateau-ivre

On espérait alors que ce capitaine de bateau pirate retrouve le chemin du port et s’assied un instant pour souffler enfin la vie. Mais c’était sans compter ce qui consume les veines et l’esprit. Après deux derniers albums, « Amours suprêmes » en 2008 (toujours avec Frédéric Lo) et « La Taille de mon âme » en 2011, il faudra apprendre à ne plus l’attendre. À force de se demander s’il tiendrait encore debout la prochaine fois, Darc pourtant encore rempli de projets a fini par vouloir se reposer.

Il croyait au Rock’n Roll et en Dieu. Les deux auront fini par avoir son âme.

Marjorie Risacher