Ibeyi. Laissez-vous ensorceler par ces deux sœurs

Parmi les grâces musicales apparues ces derniers mois, Ibeyi tient le flambeau très haut. Sous ce mot de langue yoruba (langue africaine importée à Cuba par les esclaves) signifiant « jumelles », se cachent deux sœurs franco-cubaines qui proposent un premier album éponyme pourtant bien singulier. Et magnifique.

Jumelles, Lisa-Kaindé et Naomi le sont bien, même si le regard charbon de l’une se distingue des yeux clairs de l’autre. Et à tout juste 20 ans, les deux jeunes filles ont aussi chacune des caractères et des fonctionnements bien différents. Lisa est la voix du duo et la tête de l’écriture. C’est également elle qui est à l’origine du projet. Naomi, plus en retrait et en discrétion, se prête aux chœurs et détient tout le talent des percussions. L’une écoute du jazz, l’autre préfère le hip-hop. Filles d’une mère vénézuélienne travaillant dans une maison de disque et de l’immense percussionniste Anga Diaz disparu en 2006, vivant à Paris, maîtrisant plusieurs langues dont le yoruba qui se parlait à la maison, elles collectionnent les diversités culturelles et les terrains riches à faire pousser le talent. Et c’est bien ce qu’elles prouvent dès les premières minutes de leur album : le talent.

World music 2.0

Ibeyi c’est une nouvelle porte musicale qui s’ouvre, un genre de soul-électronique qui mélange les beats à l’afro-cubain, le synthé au Cajon (caisse péruvienne). C’est à la fois moderne et tribal, terriblement dépouillé et incroyablement habité. Il y a du vaudou là-dedans, en témoignent la prière chantée a cappella qui ouvre le disque et l’épilogue de même facture qui le clôt. Les jumelles sont ensorceleuses de beauté tant l’auditeur fond dès le premier instant. Qu’ils soient piano ou programmation, les arrangements sont précis et en discrétion, servant ces deux voix qui s’emmêlent à la perfection, se répondent, se passent le relais. De l’anglais au yoruba, du français à l’espagnol, tout y est poignant, rempli de disparitions, de ruptures et de fantômes.

Attention, talent

Richard Russell, l’homme du label indépendant XL Recordings – qui a notamment produit Damon Albarn, Radiohead, Sigur Ros, Adèle… – ne s’y est pas trompé. On raconte même que les deux jumelles sont le seul rendez-vous que le monsieur a accordé ces derniers mois. Et sur sa demande en plus. Lisa et Naomi sont maintenant bien parties pour conquérir la planète musicale. Et avec les plus belles armes qui soient : l’émotion et la beauté.

Marjorie Risacher

Découvrir :

Ibeyi – Ghosts