Interview. Zebra et Bagad Karaez

Leur succès sur scène a été marquant à chacune de leurs apparitions depuis 2008. Il faut dire que DJ Zebra intégrant un bagad au complet dans ses mixes, cela avait de la gueule, contenait du festif et du son sans précédent. L’orchestre breton jouait de ses cornemuses et de ses bombardes sur des reprises aussi inattendues que La Marche Impériale de Star Wars, le Woman des Doors ou Highway To Hell de ACDC. Aujourd’hui, l’histoire se poursuit avec un album, Zebra et Bagad Karaez, cette fois essentiellement composé de titres originaux. L’occasion pour celui que l’on connait pour ses bootlegs de se remettre à l’écriture et de faire revivre le musicien qu’il était avant, quand il officiait dans Billy Ze Kick ou était le chanteur de groupes de ragga ou de funk.

On vous connait pour aimer les mélanges, même improbables. Ce disque est né à travers cette envie là ?

Ce n’est pas aussi conceptuel que ça, je n’avais pas pensé à la base au mélange avec le Bagad. Ça m’a un peu échappé dans le sens marionnettiste de mon boulot de DJ. C’est le fait de les avoir rencontré qui m’a donné envie de les retrouver et de me dire que ce n’était pas interdit de mélanger un bagad avec mon univers rock. Mais c’est aussi parce que leur volonté de faire et leur absence de barrière m’ont prouvé qu’ils étaient tout à fait ouverts à ça. Effectivement, après, on peut penser que c’est parce que j’ai tellement mélangé les choses que ça me paraît naturel. Mais chaque nouvelle création est un point zéro. Donc là, c’est une nouvelle histoire pour moi.

Il faut donc que ça vous surprenne vous aussi ?

Je ne demande que ça. Déjà chez les autres artistes j’aime la surprise et le risque. Et là j’ai senti que j’avais un risque à prendre. Et puis j’ai surtout eu envie d’être contestable. Et contesté d’ailleurs. Ce qui peut paraître paradoxal pour un artiste qui, par définition, demande à être aimé. Mais j’aime bien qu’on se demande pourquoi je fais ça. C’est ce qui m’est déjà arrivé en tant que DJ avec mes bootlegs : on se demandait si c’était légitime ou non de le faire. Et là de la part de quelqu’un comme moi qui n’y connait rien en danses bretonnes, on s’interroge sur ce que je viens faire là. Ça m’amuse de mettre le bagad dans cet embarras aussi, y a un côté sale gosse ! Moi ça m’amuse beaucoup !

Mais quel a été le déclic pour en faire un album et ne pas s’en tenir uniquement au succès des reprises scéniques ?

C’est le son, ce qui sort de ce mélange entre mon univers rock et un bagad. C’est ce qui m’a plu chez eux en premier justement, leur son. La force de l’orchestre qui se met en place, les cornemuses et les bombardes qui sonnent, c’est puissant ! Je voyais ça comme quelque chose de très martial. Je me suis demandé alors ce qui c’était fait en rock celtique avec un bagad. Et la réponse est : pas énormément de choses dans le sens profane. On a souvent vu du rock celtique comme quelque chose de traditionnel boosté à coups de grosses guitares, mais moi je voulais l’effet inverse. J’ai voulu leur faire jouer des choses qui sont dans un univers complètement rock en valorisant juste le son du bagad. C’est pour ça que je parle d’un rock à inspiration bretonne et non pas d’un rock breton.

Ces instruments ont quand même une tonalité très particulière. On ne peut pas tout composer avec. Il faut forcément en tenir compte dès le départ ?

Oui tout a fait. D’abord parce que ça joue fort. Il n’y a pas de nuance, l’intérêt est la puissance. Et puis il y a une tonalité imposée qui est le si bémol, celle du bourdon de la cornemuse. Une fois qu’on sait ça, on sait aussi qu’on ne peut pas être très varié. J’ai essayé de l’être mais en même temps toutes les chansons ont été faites pour que ça sonne comme ça. En y mêlant aussi des cuivres parce que ça me tenait à cœur. En faisant aussi reposer le bagad sur certaines chansons, en le mettant vraiment en avant sur d’autres. Mais je pense que le répertoire de l’album ne peut en effet pas être joué avec n’importe quel orchestre.

Les paroles sont souvent axées sur les thèmes de l’ouest et de la vie d’artiste. Là encore, drôle de mélange…

Ça va de pair pour moi. Monter sur la scène des Vieilles Charrues, par exemple, fait ressentir un truc fou. C’est une espèce de transe. L’ouest évoque l’aventure, la fuite, le renouveau… c’est vrai que ce point cardinal est particulier, l’est ne représente pas ça par exemple. Je me place du coup comme un Parisien qui va vers l’ouest alors que j’ai des origines bretonnes et que j’ai vécu à Rennes. Mais il y a toujours chez moi cette envie d’y être. Dans tous les festivals que j’ai fréquentés depuis huit ans je me suis aperçu que c’est toujours vers là que j’ai eu le plus envie d’aller. C’est aussi toujours là où j’ai été le mieux reçu. Donc ce n’est pas un hasard si je me retrouve aujourd’hui avec un bagad. Et dans mes paroles ça s’est fait naturellement. Il y a un côté un peu intime, un côté  » qu’est-ce que la vie d’artiste représente pour moi « . Et je sais que je peux m’y perdre. C’est ce que je chante dans  » Le Grand Ouest « . C’est une espèce d’aveu de ma condition de musicien qui me fait aller vers l’ouest, quitte à y rester. Je me suis rendu compte en écrivant l’album qu’inconsciemment je pourrais quand même larguer pas mal de choses pour ces frissons que je ressens quand je vais à l’ouest et quand je monte sur scène.

Sur cet album il y a quand même deux reprises et des collaborations (Cali, Tom Hogg, Arno). Vous ne pouvez pas vous empêcher d’ouvrir encore plus que cela ne l’est déjà, c’est dans votre nature…

Oui, c’est la fête. Alors quand je fais une fête j’invite les potes plus ou moins proches : Cali est un intime, scéniquement on a dû faire plus de vingt collaborations ensemble. Je voulais qu’il soit là, et puis je trouvais que son timbre de voix collait bien aux bombardes. Arno c’est parce que je suis super fan du personnage. Quand à Tom Hogg, il a ce côté anglo-saxon qui se ressent dans la musique et pas forcément dans la voix. Puis je ne me voyais pas chanter en anglais, j’ai un très mauvais accent. Alors effectivement ils ont été des moteurs pour moi. Pour tout avouer, je me suis d’abord dit que j’avais envie que ces gens-là viennent, et c’est parce qu’ils sont venus que je me suis dit que je pourrais aussi faire des chansons seul. S’ils ne m’avaient pas dit oui je ne sais pas à quoi ressemblerait l’album.

Propos recueillis par Marjorie Risacher

Happy Blur-day

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