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Après deux albums au succès retentissant, l’Anglais Charlie Winston revient avec un nouveau disque très différent : loin du folk enjoué des débuts, « Curio City » se veut plus moderne et pop. Une nouvelle direction pour une nouvelle identité.
« Curio City » est très différent de tes deux premiers albums. Comment êtes-vous arrivé à ce résultat ?
C’était très réfléchi. Je trouvais mes deux premiers albums trop éclectiques. Je voulais que le nouveau ait un son beaucoup plus homogène. Pour être honnête, c’était déjà mon plan pour le deuxième album mais ça n’a pas marché avec mon producteur, ça ne l’intéressait pas. Pour « Curio City », j’avais dès le départ une idée précise du son que je voulais obtenir. C’est pourquoi il était important que je produise l’album moi-même et que je trouve le bon équilibre entre un feeling électronique et un feeling acoustique. Je ne me reconnais plus dans mes premiers disques. Je regarde celui que j’étais avec tendresse mais ce n’est plus moi. Après « Running Still », je me suis posé la question suivante : si je n’étais pas un fan de Charlie Winston, quel serait l’obstacle entre moi et sa musique ? Et la réponse est : lui ! J’étais trop présent dans ma musique, comme en travers du chemin. Je voulais m’écarter un peu. C’est la signification du titre « Curio City » : c’est comme un paysage. Imagine que tu regardes des photos de vacances de quelqu’un et que ce quelqu’un apparaît sur toutes les photos, à tel point que tu ne vois plus le paysage… C’est le sentiment que me donnaient mes deux premiers albums. Je voulais prendre un peu de recul pour que tout le monde puisse voir le paysage.
As-tu changé ta façon de travailler ?
Un peu, dans la mesure où j’ai essayé d’éviter toute référence vintage à des grands noms du passé. Je me suis plutôt concentré sur mes contemporains, sur une écriture, des sons et des textures modernes. Je voulais voir quelle direction prenait la musique aujourd’hui, savoir ce qui excite les gens et pourquoi. Ça n’a pas été un processus spontané mais très conscient : je voulais changer le son de ma musique d’une façon très précise et y arriver m’a pris du temps.
Quels sont les groupes ou les disques qui vous ont influencé pour cet album ?
La B.O de Drive, non seulement pour Nightcall de Kavinsky mais aussi pour le morceau de Chromatics. L’album « An Awesome Wave » d’Alt-J m’a aussi beaucoup inspiré. J’y ai trouvé de l’espace. Voilà ce que je voulais retrouver : une sensation d’espace. Sinon, « Retrograde » de James Blake, Daft Punk, M83, Nick Mulvey et même Rihanna ! Il faut bien l’avouer : une chanson comme Diamonds est incroyable.
Quand vous avez travaillé sur l’album, vous étiez confiant ou anxieux ?
Au moment de me mettre à écrire, j’ai eu une énorme panne, un blocage. Ça a duré six mois. L’horreur. Ça ne m’était jamais arrivé parce que je ne m’étais jamais imposé de contraintes. J’écrivais tout le temps, dans cette veine un peu cabaret dont je ne voulais plus pour le troisième album. Dès que je revenais à ce style, je m’arrêtais pour quelques jours. Ce n’était pas qu’une question d’écriture mais aussi d’identité. Avec beaucoup d’anxiété je devais chercher profondément en moi-même pour découvrir qui j’étais devenu au fil de ces cinq années dans le grand huit de l’industrie du disque. Quand on commence, on fait de la musique sans argent ni idée précise de genre, de style. Quand les gens l’écoutent, ils vous mettent dans des cases, vous collent des étiquettes : folk, soul, acoustique, que sais-je. On m’a appelé « le phénomène de 2009 » et je me suis dit « Oh mon dieu, tout ça va mal finir ! » En écrivant le nouvel album, j’essayais d’échapper à toutes ces considérations qui me travaillaient. Je voulais faire un album qui me ressemble, sans tenir compte des avis et opinions de l’industrie du disque.
L’album a-t-il une connexion particulière avec Londres, où vous vivez ?
Oui. J’ai quitté la ville en 2009 et laissé derrière moi ma famille et énormément d’amis. Quand je suis arrivé en France, ça a tout de suite marché pour moi, je suis devenu célèbre et soudainement très occupé. J’ai donné des concerts, fait de la promotion puis enchainé tout de suite un deuxième album. J’ai vécu deux ans à Paris mais au bout d’un moment ça n’avait aucun sens d’avoir un appartement puisque je voyageais tout le temps. J’ai rendu mon logement, mis toutes mes affaires dans le garage de la mère d’un ami. Et je crois que la raison pour laquelle j’ai eu un blocage d’écriture quand je suis revenu à Londres, c’est que j’avais beaucoup changé. Je n’arrivais pas à être complètement naturel avec mon entourage. Il y a eu pas mal de travail à faire aussi de ce côté-là, à mon retour à Londres, dans mon rapport aux autres, à mes amis.
Propos recueillis par Vincent Théval
Découvrir :
Charlie Winston – Lately
Crédit Photo : © Steph Dray
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