Les Femmes à l’honneur : Mylène Farmer

Son dernier album en date, L’Emprise, est un carton et sa tournée Nevermore affiche complet. Aussi mystérieuse que populaire, Mylène Farmer est la chanteuse française la plus iconique de sa génération. Et des suivantes…

Janvier 2023. Sur la scène de l’Hyperweekend Festival, à Radio France, ils et elles sont nombreux·euses à se succéder pour reprendre des chansons qui se sont hissées à la tête des charts des années 1980 tout dominant toujours les dancefloors d’aujourd’hui : Juliette Armanet, Benjamin Biolay, Malik Djoudi, Fishbach, Bilal Hassani, P.R2B, Yelle, Marie-Flore… La salle est pleine à craquer, et pas seulement des admirateurs·trices de Mylène Farmer, qui dispose d’une fanbase ultrasolide depuis son premier album, Cendres de lune, paru en 1986. Car si l’on s’y penche plus d’une nanoseconde, l’évidence s’impose : la scène française reste sous influence Mylène Farmer.

En effet, ses tubes Désenchantée, Libertine ou encore California sont objets de culte auprès des nouvelles générations d’artistes 2.0 telles que Redcar, Disiz, Pomme ou encore Damso. Parce qu’elle a cultivé un univers à la fois ultraidentifiable et changeant au fil des disques ? Parce qu’elle a su cultiver le mystère, même lorsque la presse people la poursuivait, même à l’heure des réseaux sociaux ? Parce que sa longue collaboration avec Laurent Boutonnat n’a jamais mis en péril son féminisme ? Un peut tout ça à la fois, d’autant que ses disques se font toujours désirer tout en restant secret défense jusqu’à leur sortie…. Pop star ovniesque au sein du paysage musical hexagonal auquel elle ne s’est jamais (volontairement) intégrée, Mylène Farmer est une icône – notamment pour la communauté LGBTQIA+, engagée dans la lutte contre le sida et pour le mariage gay.

Au-delà de son indéniable aura queer, il y a de quoi puiser son inspiration dans le corpus de Mylène Farmer : un univers visuel gothico-romantique, des textes audacieux à multiples lectures, des mélodies entêtantes, un brouillage des genres sonores… Et un certain sens de la flamboyance ultra maîtrisée, sans renier la mélancolie qui a toujours habité ses chansons : en témoignent des tubes Regrets avec Jean-Louis Murat ou Ainsi soit je…, ainsi que les morceaux de son douzième et dernier album en date, L’Emprise. Ici, la synthpop bien troussée convoque des fidèles complices comme Moby et Archive, avec qui elle a déjà travaillé, mais aussi deux nouveaux venus dans la planète Farmer : le groupe Aaron et l’artiste pluridisciplinaire Woodkid, qui, selon ses propres dires, n’en revient toujours pas d’avoir pu approcher d’aussi près une artiste qui a tant compté pour lui.

“Requiem pour tout recommencer /Plus de sorry, sorry/Plus dans ma chair/Toi et ton double, ami/Retourne en enfer”, chante-t-elle dans À tout jamais, qui résonne fort en cette époque où l’on oublie trop vite que le mouvement #MeToo a toujours autant de raisons d’être. La liberté d’être la femme que l’on souhaite être, sans se soucier du joug du patriarcat, en s’en jouant parfois, Mylène Farmer l’a toujours revendiquée. Sur des basses incisives, ce chant évanescent, d’une étrange intemporalité, rappelle le poids des ancêtres magiciennes. Car, bien avant que les sorcières ne soient enfin réhabilitées, la chanteuse française en a incarné une figure aussi sensuelle que secrète. Sabbats à la pop XXL déclinée dans les stades, ses concerts débuteront au début de l’été. Sans contrefaçons, nous sommes tous Mylène Farmer !