Les Femmes à l’honneur : Annie Lennox

L’énorme tube de synthpop « Sweet Dreams » fête ses 40 ans cette année. Il a fait de sa chanteuse, Annie Lennox, un objet de culte, et pas seulement grâce à sa voix. Parce qu’elle était androgyne, féministe et activiste avant l’heure !

 

L’automne dernier, Annie Lennox a ému Instagram en dévoilant son premier tatouage… à 67 ans. Décidément, la chanteuse écossaise a toujours nagé à contre-courant, n’étant jamais vraiment là où on l’attend. Et ce dès sa naissance, au sein de la working class d’Aberdeen, en 1954. Sa mère est cuisinière, son père chaudronnier, tous deux sont communistes. Mais la petite Annie n’aime que chanter et jouer du piano, puis de la flûte. Après quelques concours locaux et une écoute intensive des artistes de la Motown, elle intègre la Royal Academy of Music de Londres, où elle étudie la musique classique. Alors qu’Annie est dotée d’une volonté de fer, surprise : elle plaque tout avant les examens qui lui obtiendraient le diplôme. Car la pop l’appelle trop fort pour ne pas céder à ses sirènes…

 

Le destin lui donne raison puisqu’en 1975, elle rencontre Dave Stewart, avec qui elle noue une relation amoureuse et musicale. Suite à des essais peu fructueux sous le nom de The Catch et The Tourists, ils deviennent Eurythmics, alors qu’ils ne forment déjà plus un couple. C’est le deuxième album du duo qui tape fort : Sweet Dreams (Are Made of This). Nous sommes en 1983, et le single du même nom s’inscrit aussitôt dans l’inconscient collectif. Outre la voix pénétrante d’Annie Lennox, le morceau chante la résilience et la volonté d’y croire, malgré l’échec persistant. Eurythmics se distingue par son esthétique sonore, ultra synthétique et sophistiquée, mais aussi grâce à l’allure androgyne de sa chanteuse, cheveux orange et ses déclarations ouvertement féministes. Une silhouette qui inspire encore aujourd’hui, en dépit des détracteurs de l’époque : à sa sortie, le clip de « Love is a stranger » est interdit par la censure américaine qui la voit comme une travestie capable de corrompre la jeunesse…

 

Si, après huit albums vendus à 80 millions d’exemplaires et de multiples récompenses, Eurythmics sonne le glas de son existence en 1990 (avant de se retrouver deux décennies plus tard), Annie n’en prend pas ombrage. Au contraire, elle peut souffler, elle qui, malgré son charisme dévorant, est très timide… tant et si bien que certains la jugent froide. Tant pis, elle s’assume comme Diva, nom de son premier succès solo, paru en 1992, qui prouve à quel point le son synthétique mais incisif d’Eurythmics lui doit aussi beaucoup. Et, enfin, elle dispose de plus de temps pour ses activités caritatives. Un désir qui tient sans doute à son éducation ouverte sur le monde et les autres… Alors que peu de stars s’expriment sur le sujet, elle s’investit dans la lutte contre le SIDA en Afrique du Sud, prend la parole au nom des femmes bafouées (battues, dénigrées) et des enfants maltraités, dénonce la dictature des apparences, s’engage pour la protection de l’environnement. En 2009, elle est élue « Femme de la paix » de l’année. Dans ses chansons, elle évoque la condition féminine, y compris la plus (faussement) banale : ainsi, « Angel » relate la mort subite d’un de ses enfants.

 

En cela, elle annonce une liberté de parole qui ne sera véritablement acceptée que des décennies plus tard par l’industrie de la pop music. Forte de disques rendant hommage à ses modèles telles Joni Mitchell ou Nina Simone, elle continue de fouler les tapis rouges : en 2004, elle est récompensée de l’Oscar de la meilleure chanson pour « Into the West »  qu’elle a co-écrit pour Le Seigneur des Anneaux. Avec six Brit Awards de la meilleure interprète féminine britannique, Annie Lennox est reine en son royaume (uni). Et au vu de toutes celles qui se réclament de son influence, elle va sans doute le rester longtemps….